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l'administration publique, et l'a mise à portée de soulager ceux des malheureux incendiés qui éprouvaient les besoins les plus pressants.

En 1828, elle a pris à sa charge la fille d'un artisan qui, ayant fait de fausses spéculations, s'était ruiné et avait été contraint de quitter le pays; elle la nourrit et l'entretient avec le produit de son travail.

Ces traits, pris entre mille autres, suffisent pour donner une idée de ce qu'est la vie entière de cette personne respectable; il ne reste qu'à ajouter qu'ayant elle-même des infirmités, étant d'une santé faible, elle a plus d'une fois, par suite des peines qu'elle se donne sans cesse pour les autres, essuyé des maladies graves, mais que rien n'a jamais pu refroidir son zèle à soulager l'humanité souffrante.

MARGUERITE FAVRET, VEUVE MEYER.

PRIX MONTYON, 1830

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ARGUERITE FAVRET, veuve Meyer, consacra toute sa vie à des actions vertueuses. Sans fortune et sans autres ressources que son ardent amour pour l'humanité, elle est devenue la providence des malheureux de Béfort. Une épidémie infectait les hôpitaux, où affluaient un grand nombre de militaires malades et blessés amenés d'Allemagne. La veuve Meyer se dévoue pour les secourir; tous les lits de douleur sont visités par elle; tous ses secours leur sont prodigués; rien ne la rebute, ni le dégoût des plaies, ni le danger du séjour. Elle apparaît comme un ange à tous les êtres souffrants, les console, les encourage, les assiste, et contribue à les guérir. Elle ne borne pas là ses efforts secourables pendant les siéges que subit la ville de Béfort, elle suit courageusement les sorties de la

garnison; on la voit sur les champs de bataille, pourvue de linge et de charpie, de remèdes et de rafraîchissements; elle accourt partout où des blessures réclament sa présence. Elle ne distingue pas les amis des ennemis; tout ce qui est homme, tout ce qui souffre a part à ses bienfaits. On la voit sans cesse étancher le sang, panser les blessures, et s'empresser de

DAVID

BRUCHOT SC

transporter hors du péril tous ceux que la mort peut atteindre. L'état le plus désespéré ne rebute point son infatigable pitié; et quand elle réussit, sa joie éclate au milieu des bénédictions de toutes les victimes qui sont sauvées par elle.

la

C'est peu des scènes de carnage pour éprouver cette belle âme. La disette de 1816 et de 1817 lui fournit une nouvelle occasion de déployer sa bienfaisance. Voyant se multiplier le nombre des pauvres qui affluent des campagnes ruinées par guerre, elle se multiplie comme eux, elle visite les asiles de la misère, frappe à toutes les portes, sollicite l'aisance et forme une assemblée de dames charitables qui donne aux malheureux des secours permanents. Elle voit tout, préside à tout, distribue tout. Aucun indigent n'est oublié, tous sont nourris et soulagés par elle.

Le fléau cesse, mais non l'activité de son zèle, qui a besoin d'un éternel aliment. Béfort, ville de garnison, regorge d'enfants nés dans la misère, la plupart fruits du libertinage et de la dépravation, livrés à tous les vices et n'ayant d'autre profession que la mendicité. En vain cette ville leur ouvre ses écoles, ils repoussent toute instruction. Eh bien! c'est à les sauver de l'indigence et du vice que l'ange de consolation va consacrer tous ses soins. Que de moyens ne lui suggère pas son ardente charité! elle les contraint par la force de ses bienfaits à se rassembler autour d'elle, et prend elle-même le soin d'écarter toutes les souillures de la malpropreté qui les flétrit. Une vie nouvelle commence pour eux, et ce n'est plus ce ramas impur d'enfants abandonnés ; c'est une jeunesse décemment vêtue, à qui la bienfaisante Meyer apprend la religion, la morale, la lecture, l'écriture. Elle-même leur enseigne les préceptes de l'Évangile, elle-même les conduit à la sainte table. Et ne pensez pas qu'elle borne là tous les secours dont elle est prodigue envers eux elle surveille au dehors ses enfants adoptifs, leur fournit des aliments, des vêtements, fait les frais de leur apprentissage, les place chez les cultivateurs et leur procure du travail. Un grand nombre d'entre eux de-., viennent tous les jours des ouvriers utiles, des domestiques fidèles et d'honnêtes gens. Suivons-la maintenant dans l'asile de l'indigence, sous ces toits poudreux et ruinés où elle se plaît à secourir le malheur. Là, le besoin continuel qu'elle éprouve de faire le bien ne connaît plus de bornes; elle court implorer les âmes charitables et sollicite leur bienveillance, qu'elle obtient presque toujours. Et comment lui opposer un refus? A qui peut-on mieux confier les secours que réclame l'infortuné? Est-il un être assez indifférent pour ne point vouloir participer au mérite de ses bonnes œuvres et à la satisfaction intérieure qui en est la plus douce récompense?

Tels sont, depuis vingt années, les principaux traits de vertu qui font de Marguerite Favret l'une des femmes les plus charitables de son siècle.

JEAN ET MARIE, HISTOIRE FRANÇAISE.

EXTRAIT DE LA MORALE EN ACTION

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N marchand s'était embarqué pour les Indes avec sa femme; il y gagna beaucoup d'argent; et, au bout de quelques années, il fit ses arrangements pour revenir en France, où il était né et où il avait toute sa famille. Il emmenait avec lui sa femme et deux en

fants, un garçon et une fille; le garçon, âgé de quatre ans, se nommait Jean, et la fille, qui n'en avait que trois, s'appelait Marie. Quand ils furent à moitié chemin, il s'éleva une tempête violente, et le pilote dit qu'ils étaient en grand danger, parce que le vent les poussait vers les îles, où sans doute leur vaisseau se briserait. Le pauvre marchand ayant appris cela, prit une grande planche, et lia fortement dessus sa femme et ses deux enfants; il voulut s'y attacher aussi, mais il n'en cut pas le temps; car le vaisseau, ayant touché contre un rocher, s'ouvrit en deux, et tous ceux qui étaient dedans tombèrent dans la mer. La planche sur laquelle étaient la femme et les deux enfants se soutint sur la mer comme un petit bateau, et le vent les poussa vers une île. Alors la femme détacha les cordes, et s'avança dans cette île avec ses deux enfants..

La première chose qu'elle fit, quand elle fut en lieu de sûreté, fut de se mettre à genoux pour remercier Dieu de l'avoir sauvée; elle était pourtant bien affligée d'avoir perdu son mari, qui était un si bon hnmme; elle pensait aussi qu'elle et ses enfants mourraient de faim dans cette île, ou qu'ils seraient mangés par les bêtes sauvages. Elle marcha quelque temps. dans ces tristes pensées, et aperçut plusieurs arbres chargés de fruits; elle prit un bâton, en fit tomber, les donna à ses

petits enfants, et en mangea elle-mème. S'avançant ensuite plus loin pour voir si elle ne découvrirait point quelque cabane, elle reconnut qu'elle était dans une île déserte. Un grand arbre qui était creux se trouva dans son chemin, elle résolut de s'y retirer pendant la nuit, et y coucha en effet avec ses enfants. Le lendemain, s'avançant encore autant qu'ils purent, ils découvrirent, en marchant, des nids d'oiseaux dont ils prirent les œufs; puis, voyant qu'il ne se trouvait dans cette île, ni hommes, ni bêtes malfaisantes, la pauvre mère résolut de se soumettre à la volonté du ciel, et de faire son possible pour bien élever ses enfants. Elle avait sauvé du naufrage un évangile et un livre de prières, elle s'en servit pour leur apprendre à lire et à connaître Dieu. Quelquefois son fils lui disait : «Ma mère, où est mon papa? pourquoi nous a-t-il fait quitter notre maison pour venir dans cette île? Est-ce qu'il ne viendra pas nous chercher ? - Mes enfants, leur répondait cette pauvre femme en fondant en larmes, votre père est allé dans le ciel; mais vous avez un autre père qui est Dieu; il est ici, quoique vous ne le voyiez pas, c'est lui qui nous envoie des fruits et des œufs, et il aura soin de nous tant que nous l'aimerons de tout notre cœur, et que nous le servirons fidèlement. » Quand ses enfants surent lire, ils s'occupèrent avec bien du plaisir de tout ce que contenaient leurs livres, et ils en parlaient toute la journée; ils étaient d'ailleurs d'un excellent caractère, et d'une soumission sans bornes aux volontés de leur mère.

Au bout de deux ans elle tomba malade, et, pressentant une fin prochaine, elle conçut la plus grande inquiétude sur ses pauvres enfants; mais à la fin elle pensa que Dieu, qui est bon, en prendrait soin, et cette pensée consolante la rassura. Couchée dans le creux de son arbre, elle appela ses enfants, et leur dit : « Je vais bientôt mourir, mes chers enfants; vous n'aurez plus de mère. Souvenez-vous pourtant que vous ne resterez pas tout seuls, et que Dieu verra tout ce que vous ferez; ne manquez jamais à le prier matin et soir. Mon cher Jean, ayez bien soin de votre sœur Marie ne la grondez pas, ne la battez jamais; vous êtes plus grand

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