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heures du matin jusqu'à la nuit, onze heures entières ! et sans relâche! Ce jour-là, il sauva de l'eau dix-neuf per

sonnes.

Si nous vivions au temps et au pays où pour chaque citoyen sauvé on donnait une couronne de chêne, Joseph Ignace, jusqu'à ce jour, à notre connaissance, en aurait trente-deux à suspendre dans sa maison.

Un mouvement bien naturel et heureusement bien ordinaire porte sans doute à se jeter au secours de tout malheureux qui se noie; mais quand ce mouvement généreux montre une constance qui ne se dément jamais, il cesse d'être seulement de l'humanité et du courage, et il s'élève jusqu'à la vertu.

L'Académie a décerné le premier prix des actes vertueux à Joseph Ignace, dit Naxi.

LE HEROS SANS LE SAVOIR.

EXTRAIT DU PEUPLE INSTRUIT PAR SES PROPRES VERTUS

PRES la bataille de la Marsaille, gagnée par Catinat, lorsque les acclamations se faisaient encore entendre, et que ce général était encore environné de ceux qui s'empressaient à lui faire leur cour, on vit un vieux soldat de son régiment fendre la presse et tomber à ses pieds en demandant grâce, au nom de toute la troupe, pour leur plus brave camarade, qu'on voulait arrêter comme déserteur, et qui la veille avait pris à la bataille un drapeau et fait plusieurs prisonniers. << Sois tranquille, mon ami, lui répond le général. Fais venir ce déserteur. » Il parut aussitôt. « O mon père! dit-il en se prosternant, ma mère, sans bien, sans protection, était de

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venue impotente et réduite à la dernière misère. Je m'engageai pour la faire subsister. Peu de temps après avoir rejoint mon régiment, j'appris qu'elle était dangereusement malade. Je demandai un congé pour l'aller secourir on me le refusa. Ne pouvant résister à la nature, je quittai mes drapeaux pour voler auprès d'elle; et, aussitôt qu'elle fut rétablie, je rejoignis l'armée. O mon père! voilà le crime que j'ai commis,

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et dont je tâchai hier d'effacer la honte. Je ne demande point qu'on me fasse grâce, mais seulement que, quand je ne serai plus, on ait soin de ma pauvre mère... Mon fils, répondit avec vivacité Catinat, dont les entrailles étaient émues, que ne veniez-vous me trouver? ou, si vous me croyez un barbare, pourquoi m'appelez-vous votre père?... Vos sentiments vous mettent dans le cas d'être officier, vous le serez... Votre mère sera secourue, et votre bon camarade récompensé. Allez, j'en instruirai le roi. »

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JEANNOT ET COLIN.

EXTRAIT DE LA MORALE EN ACTION.

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EANNOT et COLIN apprenaient à lire chez le magister du même village. Jeannot était fils d'un marchand de mulets, et Colin devait le jour à un brave laboureur. Ces deux jeunes enfants s'aimaient beaucoup, et ils avaient ensemble les petites familia

rités dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ainsi dans le monde. Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur apporte à Jeannot un habit de velours de diverses couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût; le tout était accompagné d'une lettre à monsieur de la Jeannotière. Colin admira l'habit et ne fut point jaloux; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. Dès ce moment, Jeannot n'étudia plus, se regarda au miroir et méprisa tout le monde. Quelque temps après, un valet de chambre arrive en poste, et apporte une seconde lettre à monsieur le marquis de la Jeannotière; c'était un ordre de monsieur son père, de faire venir monsieur son fils à Paris. Jeannot monte en chaise et tend la main à Colin avec un sourire de protection; Colin sentit son néant et pleura. Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire.

Il faut savoir que monsieur Jeannot père, à force d'intrigues, avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les entreprises; bientôt on ne l'appela que monsieur de la Jeannotière; il y avait même déjà six mois qu'il avait acheté un marquisat,

lorsqu'il retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde.

Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliment à son ancien camarade, et n'en reçut point de réponse. Colin en fut malade de douleur..

Au lieu de faire enseigner au petit marquis les sciences utiles, ses parents lui firent seulement apprendre à danser. Ainsi éloigné des études qui doivent occuper un jeune homme, il fut bientôt conduit par l'oisiveté dans le libertinage. Il dépensa des sommes immenses à rechercher de faux plaisirs, pendant que ses parents s'épuisaient de leur côté à vivre en grands seigneurs.

Une jeune veuve de qualité, qui n'avait qu'une fortune médiocre, voulut bien se résoudre à mettre en sûreté les grands biens de monsieur et de madame de la Jeannotière, en se les appropriant et en épousant le jeune marquis. Une vieille voisine proposa le mariage. Les parents, éblouis de la splendeur de cette alliance, acceptèrent avec joie la proposition. Tout était déjà prêt pour les noces, et le jeune marquis, aux genoux de sa belle, recevait déjà les compliments de leurs amis communs, lorsqu'un valet de chambre de sa mère arriva tout effaré. « Voici bien d'autres nouvelles, dit-il; des huissiers dé

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ménagent la maison de Monsieur et de Madame; tout est saisi

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