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arpents, dont il affecta les revenus au paiement de vingt-cinq livres et des frais accessoires de la cérémonie de la Rose.

ils

Selon le titre de fondation, il faut non-seulement que la rosière ait une conduite irréprochable, mais que son père, sa mère, ses frères, ses sœurs et autres parents. en remontant jusqu'à la quatrième génération, soient eux-mêmes irrépréhensibles. La tache la plus légère, le moindre soupçon, le plus petit nuage dans sa famille, seraient des titres d'exclusion. Il faut des quatre, des huit, des seize quartiers de noblesse, pour entrer dans certains ordres, dans certains chapitres; des quartiers de probité, mérite réel, ne vaudraientpas mieux que ces quartiers de noblesse, mérite de préjugés? Le seigneur de Salency a toujours été en possession, et seul jouit encore, du droit de choisir la rosière entre trois filles du village de Salency qu'on lui présente un mois d'avance. Lorsqu'il l'a nommée, il est obligé de la faire annoncer au prône de la paroisse, afin que les autres filles, ses rivales, aient le temps d'examiner ce choix, et de le contredire s'il n'était pas conforme à la justice la plus rigoureuse. Cet examen se fait avec l'impartialité la plus sévère. Ce n'est qu'après cette épreuve que le choix du seigneur est confirmé.

Le 8 juin, jour de la fête de saint Médard, vers les deux heures après midi, la rosière, vêtue de blanc, les cheveux flottant en grosses boucles sur les épaules, accompagnée de sa famille et de douze filles aussi vêtues en blanc, avec un large ruban bleu en baudrier, auxquelles douze garçons du village donnent la main, se rend au château de Salency au son des tambours, des violons, des musettes, etc. Le seigneur luimême ou son épouse va la recevoir; elle lui fait un petit compliment pour le remercier de la préférence qu'il lui a donnée; ensuite le seigneur ou celui qui le représente, et son bailli, lui donnent chacun la main, et, précédés des instruments, suivis d'un nombreux cortége, ils la mènent à la paroisse, où elle entend les vêpres sur un prie-dieu placé au milieu du chœur.

Les vêpres finies, le clergé sort processionnellement avec le peuple pour aller à la chapelle de Saint-Médard. C'est là

que le curé ou l'officiant bénit la couronne ou chapeau de roses, qui est sur l'autel. Ce chapeau est entouré d'un ruban bleu et garni sur le devant d'un anneau d'argent. Après la bénédiction et un discours analogue au sujet, le célébrant pose la couronne sur la tête de la rosière, qui est à genoux, et lui remet en même temps les vingt-cinq livres en présence du seigneur et des officiers de la justice.

La rosière, ainsi couronnée, est conduite de nouveau par le seigneur ou son fiscal, et toute sa suite, jusqu'à la paroisse, où l'on chante le Te Deum et une antienne à saint Médard au bruit de la mousqueterie des jeunes gens du village. Au sortir de l'église, le seigneur ou son représentant mène la rosière jusqu'au milieu de la grande rue de Salency, où des censitaires de la seigneurie ont fait dresser une table garnie d'une nappe, de six serviettes, de six assiettes, de deux couteaux, d'une salière pleine de sel, d'un lot de vin clairet en deux pots (environ deux pintes et demie de Paris), de deux verres, d'un demi-lot d'eau fraîche, de deux pains blancs d'un sou, d'un demi-cent de noix et d'un fromage de trois sous. On donne encore à la rosière, par forme d'hommage, une flèche, deux balles de paume et un sifflet de corne, avec lequel un des censitaires siffle trois fois avant que de l'offrir. Ils sont obligés de satisfaire exactement à toutes ces servitudes, sous peine de soixante sous d'amende.

De là, toute l'assemblée se rend dans la cour du château, sous un gros arbre, où le seigneur danse le premier avec la rosière. Ce bal champêtre finit au coucher du soleil. Le lendemain, dans l'après-midi, la rosière invite chez elle toutes les filles du village, et leur donne une grande collation, suivie de tous les divertissements ordinaires en pareil cas.

Louis XIII se trouvant au château de Varennes, près de Salency, M. de Belloy, alors seigneur de ce dernier village, supplia ce monarque de faire donner en son nom cette récompense de la vertu. Louis XIII y consentit, et envoya M. le marquis de Gordes, son premier capitaine des gardes, qui fit la cérémonie de la Rose pour Sa Majesté, et qui, par ses ordres, ajouta aux fleurs une bague d'argent et un cordon bleu. C'est depuis cette époque que la rosière reçoit cette bague, et qu'elle et ses compagnes sont décorées de ce ruban. Tous ces faits sont constatés par les titres les plus authentiques.

Voilà l'origine et les détails de la fête de la Rose : le récit seul en doit intéresser. Il est donc encore un endroit. sur la terre où un chapeau de roses est regardé comme le prix le plus honorable et le plus flatteur qu'on puisse donner à la vertu! Cet établissement excite à Salency l'émulation des mœurs et de la sagesse. Tous les habitants du village, composé de cent quarante-huit feux, sont doux, honnêtes, sobres, laborieux. Ils sont environ cinq cents; ils n'ont point de charrues: chacun bêche sa portion de terre, et tout le monde y vit satisfait de son sort. On assure qu'il n'y a pas un seul exemple, dans toute la rigueur du terme, d'un crime commis à Salency par un naturel du lieu, ni même d'un vice. grossier, encore moins d'une faiblesse de la part du sexe; tandis que tous les paysans des environs sont aussi brutaux, aussi vicieux qu'ailleurs. Quel bien produit un seul établissement sage! Et que ne ferait-on pas des hommes en attachant de l'honneur et de la gloire au mérite et à la vertu?

LE CURE CHARITABLE.

EXT. DES ANECDOTES CHRET

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ARMI les curés de Paris chez qui les malheureux trouvent tant de ressources, on distinguait, il y a quelques années, M. Léger, curé de Saint-André-desArts, dont on peut faire l'éloge en deux mots: Il a passé sa vie à faire du bien. Il n'était pas rare de voir enlever son dîner de sa table pour être porté à des malades qui manquaient de bouillon et à de pauvres femmes en couches. Il se privait même du nécessaire, et, s'il est vrai qu'il n'y a point de détails de bienfaisance qui soient trop petits pour la sensibilité, il doit être permis de raconter que; dans un hiver

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