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à nos yeux, tout ensemble l'avantage de nous fournir pour l'exactitude des faits les témoignages les plus dignes de foi, d'établir le mérite des actions sur des autorités respectables, et de présenter les exemples les plus particuliers à notre nation et les mieux en rapport avec les mœurs de notre siècle.

La première de ces deux sources consiste dans les récits des actions auxquelles l'Académie-Française a décerné les prix de vertu fondés par le généreux Montyon, à dater de l'époque de cette fondation. Ici la réalité des faits est prouvée par des enquêtes régulières; ici la beauté des traits a été signalée par d'imposants suffrages. Nous n'ignorons pas que la sévérité exclusive de quelques moralistes n'a point approuvé ces distributions solennelles de couronnes et de récompenses décernées à la vertu qui se plaît à l'ombre, et qui trouve sa rémunération en elle-même ; et que certains critiques ont censuré, sous d'autres rapports, ces épisodes des séances académiques, comme trop étrangers au commerce de la littérature et des arts. Nous aurions beaucoup à répondre et aux uns et aux autres; mais les éminents orateurs qui ont tour à tour présidé à ces solennités y ont trop bien répondu eux-mêmes, et par les considérations qu'ils ont fait valoir, et par le succès qu'ils ont obtenu, pour qu'il soit besoin d'une autre apologie. « L'élite de la société éclairée, qui aime à fréquenter « les assemblées littéraires pour y goûter de nobles plaisirs, ne s'est « pas moins complu à entendre le récit d'une bonne action, que le «< mérite d'un bel ouvrage. » Dès la fin du siècle dernier, «<elle cou« vrait de ses applaudissements une marchande mercière de Paris « qui avait brisé les fers d'un prisonnier de la Bastille; un artisan << pauvre qui avait refusé un legs dont le paiement aurait appauvri la <«< famille du testateur; des personnes courageuses qui, au péril de « leur vie, avaient secouru des naufragés; des domestiques fidèles << ennoblissant leur état en devenant les soutiens de leurs anciens << maîtres tombés dans l'indigence; une servante qui s'était signalée « par son dévouement au milieu du pillage de la manufacture de « M. Révillon; une fille qui avait renoncé à sa liberté pour s'enfer«mer pendant dix-huit ans auprès de sa mère . »

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Discours du comte Daru, directeur de l'Académie-Française, à la séance publique du 24 août 1819.

Pour nous, qui, n'ayant ni couronnes à décerner, ni récompenses à distribuer, nous bornons ici à reproduire fidèlement le récit des actions dignes d'être transmises pour l'instruction des âges futurs. nous nous félicitons de pouvoir, en puisant à une source semblable, rappeler ainsi le noble tribut que le génie s'est chargé d'acquitter à l'égard de la vertu, et emprunter aux littérateurs les plus distingués de notre pays et de notre siècle, les tableaux des bons exemples qu'ils ont tracés et offerts à l'admiration publique.

La seconde source, non moins précieuse, nous a été ouverte par l'obligeance de M. le ministre de l'Intérieur, et de M. Antoine Passy, sous-secrétaire d'état à ce département, auxquels nous aimons à témoigner ici notre juste reconnaissance. Elle consiste dans plusieurs documents relatifs aux honneurs et aux récompenses que le gouvernement lui-même a décernés aux actions de dévouement les plus remarquables, et qui sont venues à sa connaissance. Ceux de ces documents qui se rapportent à des actions qui ont eu des militaires pour auteurs, ont été réunis à cette collection, et en accroissent encore la richesse. Combien de traits admirables le gouvernement ne s'est-il pas plu à signaler à l'estime publique, seulement dans deux circonstances récentes, les ravages du choléra, en 1832, les inondations qui ont affligé le midi de la France pendant le dernier hiver !

Les Annales Maritimes, publiées par le ministère de la Marine, nous ont été d'un secours également favorable pour recueillir et reproduire les beaux et nobles exemples que nos marins ont si souvent donnés dans cette vie qui n'est elle-même qu'un long courage. Nous avons été assez heureux pour obtenir aussi la faveur de recourir aux archives de la Légion-d'Honneur.

« Dans notre heureuse patrie nous pouvons, avec une juste fierté, « montrer à nos amis autant de citoyens vertueux que nous avons opposé d'émules à nos rivaux et de braves à nos ennemis. »

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Oh! si nous pouvions, en transmettant le récit des exemples, transmettre aussi les émotions profondes que nous avons ressenties en contemplant nous-mêmes d'aussi beaux modèles; si, en les parcourant le vieillard se sentait consolé des épreuves de la vie et de la douleur que tant de fois lui a fait éprouver le spectacle des désordres

Le comte de Ségur, discours prononcé le 24 août 1822.

causés par les passions humaines; si le jeune homme, enflammé d'une généreuse émulation, s'écriait: Et moi aussi, je suis capable de dévouement! si l'homme laborieux qui, au sein d'une humble condi tion, se délassera des fatigues du jour par cette lecture, se sentait relevé à ses propres yeux, encouragé en découvrant tout ce qu'il peut y avoir de grandeur dans des vertus simples et ignorées; si la mère, entourée de ses jeunes enfants, pouvait, en attachant leurs regards sur l'image qui retrace ces souvenirs, en leur en expliquant le sujet, déposer dans leurs jeunes cœurs les premiers germes de l'amour du bien; si nos faibles efforts pouvaient ainsi concourir à perpétuer les saintes traditions, dont le premier anneau se rattache au ciel, et dont la chaine doit embrasser l'humanité, alors, notre but serait atteint, nos vœux seraient accomplis.

Cette Introduction a été écrite par M. le baron de Gérando, pair de France.

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DANS SON RAPPORT SUR LES CONCOURS DE 1841, POUR LES PRIX MONTHYON DECERNES PAR

L'ACADEMIE-FRANCAISE.

UR un point des vastes états d'Amérique, dans une de ces grandes villes démocratiques et commerçantes où l'activité du travail et l'amour du gain ont transporté tous les arts de l'Europe, se préparait un autre missionnaire, dévoué plus utilement au bonheur des hommes. Jeté hors de son pays en 1793, un jeune prêtre français avait trouvé à Boston, au milieu du libre concours de toutes les sectes chrétiennes, une église catholique faible et peu nombreuse. Bientôt il l'accroît, il la ranime par l'ardeur de son zèle et sa vertu persuasive; il est à la fois le plus fervent et le plus tolérant des hommes. Simple et modeste dans ses manières, spirituel, brillant, gracieux

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par la parole, il charme les protestants américains en leur prêchant l'Évangile dans la langue de leurs pères.

Cet apostolat dans une ville ne suffit pas à sa charité. Aux confins des six états nommés autrefois la Nouvelle-Angleterre, au delà du Connecticut, erraient encore des tribus sauvages, du nombre de celles que l'implacable progrès de la civilisation américaine fait successivement disparaître de la face du globe. Le jeune prêtre les regarde comme dévolues à sa mission catholique de Boston. S'aidant du jargon d'une vieille esclave sauvage qui parlait un peu l'anglais, il apprend la langue de ces peuplades; puis seul, comme le missionnaire dont M. de Chateaubriand a tracé l'immortelle peinture, avec son bâton et son bréviaire, il s'enfonce dans la profondeur des bois, et va chercher des âmes à sauver, des hommes à convertir et à humaniser. Dans cette poursuite, il a le bonheur de retrouver

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quelques restes d'une ancienne mission chrétienne. Il les rassemble, il les vivifie de nouveau par l'ardeur d'une charité dont le souvenir ne s'effacera plus dans le cœur oublieux du Sauvage. Vivant sous les huttes de ces pauvres tribus, traversant les fleuves dans leurs frêles pirogues, les sauvant, par ses prières et son autorité, de la contagion des marchands qui

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