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Quoi que puisse à nos yeux offrir la nouveauté,
Rien ne les peut toucher à l'égal de sa vue;
Il n'est point de mortel, après l'avoir connue,
Qui se puisse vanter de voir sa liberté1.
Admire le pouvoir qu'elle a sur mon esprit,
Ne cherche point le nom de celui qui t'écrit,
Qui jamais ne connut Apollon ni sa lyre.
Ton mérite l'oblige à te donner ces vers,
Et la douceur des tiens le force de te dire
Qu'il n'est rien de si beau dedans tout l'univers.

L. N.

A MONSIEUR CORNEILLE EN FAVEUR DE SA VEUVE.

CORNEILLE, que ton chant est doux !
Que ta plume a trouvé de gloire!
Il n'est plus d'esprit parmi nous
Dont tu n'emportes la victoire.
Ce que tu feins a tant d'attraits
Que les ouvrages plus parfaits
N'ont rien d'égal à ton mérite';
Et la Veuve que tu fais voir,
Plus ravissante que Mélite,
Montre l'excès de ton savoir.

BURNEL.

A MONSIEUR CORNEILLE.
CLARICE est sans doute si belle
Que Philiste n'a le pouvoir
De goûter le bien de la voir,
Sans devenir amoureux d'elle.
Ses discours me font estimer

Qu'on a plus de gloire à l'aimer3

1. Tel est le texte de l'édition originale; peut-être faut-il lire .

d'avoir sa liberté. »

2. Dans l'édition originale : « à son mérite. »

3. Dans l'édition originale : « de l'aimer. »

Que de raison à s'en défendre,
Et que les argus les plus grands,
Pour y trouver de quoi reprendre,
N'ont point d'yeux assez pénétrants.
Apollon, qui par ses oracles

A plus d'éclat qu'il n'eut jamais,
Tient sur les deux sacrés sommets
Tes vers pour autant de miracles;
Et les plaisirs que ces neuf sœurs
Trouvent dans les rares douceurs
Que parfaitement tu leur donnes,
Sont purs témoignages de foi
Qu'au partage de leurs couronnes
La plus digne sera pour toi.

MARCEL.

A MONSIEUR CORNEILLE SUR SA VEUVE.

STANCES.

DIVIN esprit, puissant génie,

Tu vas produire en moi des miracles divers;
Je n'ai jamais donné de louange infinie,
Et je ne croyois plus pouvoir faire de vers.

Il te falloit, pour m'y contraindre,

Faire une belle Veuve et lui donner des traits
Dont mon cœur amoureux peut1 se laisser atteindre;
L'amour me fait rimer et louer ses attraits.

Digne sujet de mille flammes,

Incomparable Veuve, ori.ement de ce temps,
Tu vas mettre du trouble et du feu dans les âmes,
Faisant moins d'ennemis que de cœurs inconstants.
Qui vit jamais tant de merveilles?

Mes sens sont aujourd'hui l'un de l'autre envieux :
Ton discours me ravit l'âme par les oreilles,

Et ta beauté la veut arracher par les yeux.

1. Ainsi dans la première édition; mais c'est sans doute peust, c'est-à-dire put, qu'il faut lire.

Quand on te voit, les plus barbares

A tes charmes sans fard et tes naïfs appas Donneroient mille cœurs, et des choses plus rares S'ils en pouvoient avoir, pour ne te perdre pas.

Lorsqu'on t'entend, les plus critiques
Remarquent tes discours et font tous un serment
De les faire observer pour des lois authentiques,
Et de condamner ceux qui parlent autrement.
Cher ami, pardon si ma Muse,

Pour plaire à mon amour manque à notre amitié;
Donnant tout à ta fille, elle a bien cette ruse
De juger que tu dois en avoir la moitié.

Prends donc en gré tant de franchise,

Et ne t'étonne pas si ceci ne vaut rien.
Par son désordre seul tu sauras ma surprise :
Un cœur qui sait aimer ne s'exprime pas bien.
Il me suffit que je me treuve

Dans ce rang qui n'est pas à tout chacun permis,
Des humbles serviteurs de ton aimable Veuve,
Et de ceux que tu tiens pour tes meilleurs amis.

VOILLE.

STANCES SUR LES OEUVRES DE MONSIEUR CORNEILLE.

CORNEILLE, Occupant nos esprits,

Fait voir par ces divins écrits
Que nous vivions dans l'ignorance,
Et je crois que tout l'univers
Saura bientôt que notre France
N'a que lui seul qui fait des vers.

La nature tout à loisir

A pris un extreme plaisir
A créer ta veine animée,
Et parlant ainsi que les Dieux,
Le temps veut que la renommée
T'aille publier en tous lieux.

Apollon forma ton esprit,

Et d'un soin merveilleux t'apprit
Le moyen de charmer des hommes1;
Il t'a rendu par son métier

L'oracle du siècle où nous sommes,
Comme son unique héritier.

BEAULIEU.

A LA VEUVE DE MONSIEUR CORNEILLE.

SONNET.

CLARICE, un temps si long sans te montrer au jour
M'a fait appréhender que le deuil du veuvage,
Ayant terni l'éclat des traits de ton visage,
T'empêchât d'établir parmi nous ton séjour.

Mais tant de grands esprits, ravis de ton amour,
Parlent de tes appas dans un tel avantage
Qu'après eux tout l'orgueil des beautés de cet åge
Doit tirer vanité de te faire la cour.

Parois donc librement, sans craindre que tes charmes
Te suscitent encor de nouvelles alarmes,

Exposée aux efforts d'un second ravisseur;

Puisque de la façon que tu te fais paroître,
Chacun sans t'offenser peut se rendre ton maître,
Comme depuis un an chacun l'est de ta sœur2.

A. C.

ARGUMENT.

ALCIDON, amoureux de Clarice, veuve d'Alcandre et maîtresse de Philiste, son particulier ami, de peur qu'il ne s'en aperçut, feint d'aimer sa sœur Doris, qui ne

2.

1. Tel est le texte de 1634. Peut-être faudrait-il lire les hommes. L'impression de Mélite fut achevée, comme nous l'avons dit, au mois de février 1633, et celle de la Veuve au mois de mars 1634. 3. Le texte de cette phrase, tel que nous le donnons ici, est par

s'abusant point par ses caresses, consent au mariage de Florange, que sa mère lui propose. Ce faux ami, sous un prétexte de se venger de l'affront que lui faisoit ce mariage, fait consentir Célidan à enlever Clarice en sa faveur, et ils la mènent ensemble à un château de Célidan. Philiste, abusé des faux ressentiments de son ami, fait rompre le mariage de Florange: sur quoi Célidan conjure Alcidon de reprendre Doris et rendre Clarice à son amant. Ne l'y pouvant résoudre, il soupçonne quelque fourbe de sa part, et fait si bien qu'il tire les vers du nez à la nourrice de Clarice, qui avoit toujours eu une intelligence avec Alcidon, et lui avoit même facilité l'enlèvement de sa maîtresse ; ce qui le porte à quitter le parti de ce perfide de sorte que ramenant Clarice à Philiste, il obtient de lui en récompense sa sœur Doris.

EXAMEN.

CETTE comédie n'est pas plus régulière que Mélite en ce qui regarde l'unité de lieu, et a le même défaut au cinquième acte, qui se passe en compliments pour venir à la conclusion d'un amour épisodique, avec cette différence toutefois que le mariage de Célidan avec Doris a plus de justesse dans celle-ci que celui d'Éraste avec Cloris dans l'autre. Elle a quelque chose de mieux ordonné pour le temps en général, qui n'est pas si vague que dans Mélite, et a ses intervalles mieux proportionnés par cinq jours consécutifs. C'étoit un tempérament que

faitement conforme à celui de l'édition de 1634. Nous croyons devoir en avertir, parce qu'en voyant l'embarras de la construction et l'emploi irrégulier d'aperçut pour aperçoive, on pourrait être tenté de supposer ici quelque faute d'impression.

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