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(Lycaste les va querir dans la grotte d'où ils sont sortis1.) Qu'il me tarde déjà que, dans son sang trempées, Elles ne me font voir à mes pieds étendu

Le seul qui sert d'obstacle au bonheur qui m'est dù!
Ah! qu'il va bien trouver d'autres gens que Clitandre?!
Mais pourquoi ces habits? qui te les fait reprendre? 170
LYCASTE leur présente à chacun un masque et une épée,
et porte leurs habits".

Pour notre sûreté, portons-les avec nous,

De peur que, cependant que nous serons aux coups,
Quelque maraud, conduit par sa bonne aventure,
Ne nous laisse tous trois en mauvaise posture.
Quand il faudra donner, sans les perdre des yeux,
Au pied du premier arbre ils seront beaucoup mieux.

PYMANTE.

Prends-en donc même soin après la chose faite.

LYCASTE.

Ne craignez pas sans eux que je fasse retraite.

PYMANTE.

Sus done! chacun déjà devroit être masqué.

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Allons, qu'il tombe mort aussitôt qu'attaqué'.

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où tous

1. Ces mots manquent dans les éditions de 1644-60; à la place, on lit en marge dans celle de 1632 Lycaste les va querir dans la caverne, : trois s'étoient déjà déguisés.

2. Var. Ah! qu'il va bien treuver d'autres gens que Clitandre! (1632-52) 3. En marge, dans l'édition de 1632: Lycaste revient, et avec leurs masques et leurs épées, rapporte encore leurs vrais habits.

4. Var. LYCASTF, en leur bailiant chacun un masque et une épée (1632). Les éditions de 1644-57 ajoutent à ce jeu de scène de 1632 : et portant leurs habits. En marge, dans l'édition de 1663: Il leur présente à chacun, etc. La leçon de 1660 est : En leur présentant à chacun.... et portant, etc. 5. Var. Les prenant ne nous mette en mauvaise posture. (1632-57) 6. Var. Je n'ai garde sans eux de faire ma retraite. (1632-57) 7. En marge, dans l'édition de 1632 : Ils se masquent tous trois.

SCÈNE VII.

CLÉON, LYSARQUE.

CLÉON.

Réserve à d'autres temps cette ardeur de courage'
Qui rend de ta valeur un si grand témoignage.
Ce duel que tu dis ne se peut concevoir.
Tu parles de Clitandre, et je viens de le voir2
Que notre jeune prince enlevoit à la chasse.

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Par cette même place'. Sans doute que ton maître a quelque occasion Qui le fait t'éblouir par cette illusion*.

LYSARQUE.

Non, il parloit du cœur; je connois sa franchise.

CLÉON.

S'il est ainsi, je crains que par quelque surprise
Ce généreux guerrier, sous le nombre abattu,
Ne cède aux envieux que lui fait sa vertu.

LYSARQUE.

A présent il n'a point d'ennemis que je sache';

1. Var. Réserve à d'autres fois cette ardeur de courage. (1632-57) 2. Var. Tu parles de Clitandre, et je le viens de voir

Que notre jeune prince amenoit à la chasse. (1632-57)

3. Var. LYS. En es-tu bien certain? CLÉON. Je l'ai vu face à face,

Sans doute qu'il en baille à ton maître à garder.

LYS. Il est trop généreux pour si mal procéder.

CLÉON. Je sais bien que l'honneur tout autrement ordonne;
Mais qui le retiendroit? Toutefois je soupçonne....

LYS. Quoi? que soupçonnes-tu? CLÉON. Que ton maître rusé
Avec un faux cartel t'auroit bien abusé.

[LYS. Non, il parloit du cœur ; je connois sa franchise.] (1632) 4. Var. Qui le fait t'éblouir par quelque illusion. (1657)

5. Var. Ce valeureux seigneur, sous le nombre abattu. (1632-57)
6. Var.
présent il n'a point d'ennemi que je sache. (1657)

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Mais quelque événement que le destin nous cache,
Si tu veux m'obliger, viens de grâce avec moi,
Que nous donnions ensemble avis de tout au Roi'.

SCÈNE VIII.

CALISTE, DORISE.

CALISTE, cependant que Dorise s'arrête à chercher
derrière un buisson 2.

Ma sœur, l'heure s'avance, et nous serons à peine,
Si nous ne retournons, au lever de la Reine.
Je ne vois point mon traître, Hippolyte non plus.
tirant une épée de derrière ce buisson,
et saisissant Caliste par le bras3.

DORISE,

Voici qui va trancher tes soucis superflus";
Voici dont je vais rendre, aux dépens de ta vie,
Et ma flamme vengée, et ma haine assouvie.

CALISTE.

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Tout beau, tout beau, ma sœur, tu veux m'épouvanter;
Mais je te connois trop pour m'en inquiéter.
Laisse la feinte à part, et mettons, je te prie",
A les trouver bientôt toute notre industrie.

DORISE.

Va, va, ne songe plus à leurs fausses amours,

1. Var. Qu'ensemble nous donnions avis de tout au Roi. (1632)

2. Var. Dorise s'arrête à chercher, etc. (1663, en marge.)

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3. Var. Elle tire, etc. (1663, en marge.) — Les mots par le bras manquent dans les éditions de 1632-60.

4. Var. Voici qui va trancher tels soucis superflus ;

Voici dont je vais rendre, en te privant de vie,

Ma flamme bien heureuse et ma haine assouvie. (1632-57)

5. Var. DOR. Dis que dedans ton sang je me veux contenter. (1632) Var. DOR. Dis qu'avecque ta mort je me veux contenter. (1644-57) 6. Var. CAL. Laisse, laisse la feinte, et mettons, je te prie. (1632-57)

Dont le récit n'étoit qu'une embùche à tes jours':
Rosidor t'est fidèle, et cette feinte amante

Brule aussi peu pour

lui que je fais

CALISTE.

pour Pymante. 210

Déloyale, ainsi donc ton courage inhumain.........

DORISE.

Ces injures en l'air n'arrêtent point ma main.

CALISTE.

Le reproche honteux d'une action si noire....

DORISE.

Qui se venge en secret, en secret en fait gloire.

CALISTE.

T'ai-je donc pu, ma sœur, déplaire en quelque point? 215

DORISE.

Oui, puisque Rosidor t'aime et ne m'aime point;
C'est assez m'offenser que d'être ma rivale.

SCÈNE IX.

ROSIDOR, PYMANTE, GÉRONTE, LYCASTE, CALISTE, DORISE.

Comme Dorise est prête de tuer Caliste, un bruit entendu lui fait relever son épée, et Rosidor paroit tout en sang, poursuivi par ces trois assassins masqués. En entrant, il tue Lycaste; et retirant son épée, elle se rompt contre la branche d'un arbre. En cette extrémité, il voit celle que tient Dorise; et sans la reconnoître, il s'en saisit, et passe tout d'un temps le tronçon qui lui restoit de la sienne en la main ganche, et se défend ainsi contre Pymante et Géronte, dont il tue le dernier et met l'autre en fuite.

3

ROSIDOR.

Meurs, brigand. Ah! malheur! cette branche fatale

1. Var. Dont le récit n'étoit qu'un embûche à tes jours. (1654 et 60)

2. Var. Le reproche éternel d'une action si lâche....

DOR. Agréable toujours, n'aura rien qui me fâche. (1632-57) 3. Var. Il voit l'épée. (1632)

A rompu mon épée. Assassins.... Toutefois,
J'ai de quoi me défendre une seconde fois.

DORISE, s'enfuyant1.

N'est-ce pas Rosidor qui m'arrache les armes ?
Ah! qu'il me va causer de périls et de larmes2!
Fuis, Dorise, et fuyant laisse-toi reprocher
Que tu fuis aujourd'hui ce qui t'est le plus cher.

CALISTE.

C'est lui-même de vrai. Rosidor, ah! je pâme!
Et la peur de sa mort ne me laisse point d'âme.
Adieu, mon cher espoir.

ROSIDOR, après avoir tué Géronte.

Cettui-ci dépêché,

C'est de toi maintenant que j'aurai bon marché.

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3

Nous sommes seul à seul. Quoi! ton peu d'assurance 3
Ne met plus qu'en tes pieds sa dernière espérance? 230
Marche, sans emprunter d'ailes de ton effroi :

Je ne cours point après des lâches comme toi.
Il suffit de ces deux. Mais qui pourroient-ils être?
Ah ciel! le masque ôté me les fait trop connoître.
Le seul Clitandre arma contre moi ces voleurs;
Cettui-ci fut toujours vêtu de ses couleurs';
Voilà son écuyer, dont la pâleur exprime

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Moins de traits de la mort que d'horreurs de son crime'; Et ces deux reconnus, je douterois en vain '

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1. Var. Laissant Caliste, et s'enfuyant. (1632) — Ce jeu de scène n'est point indiqué dans l'édition de 1663.

2. Var. Las! qu'il me va causer de périls et de larmes! (1632-57)

3. En marge, dans les éditions de 1632 et de 1663: Pymante fuit.

4. Var. Je ne cours point après de tels coquins que toi. (1632-57)

5. En marge, dans l'édition de 1632 : Il les démasque.

6. Var. Cettui-ci fut toujours couvert de ses couleurs. (1654)

7. Var. Moins de traits de la mort que l'horreur de son crime. (1657)

8. Var. Et j'ose présumer avec juste raison

Que le tiers est sans doute encor de sa maison.

Traître, traître rival, crois-tu que ton absence. (1632-57)

CORNEILLE. I

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