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mérite

Il vient mettre à vos pieds sa tête à l'abandon;
La mort lui sera douce à l'égal du pardon.
Vengez donc vos malheurs; jugez ce que
La main qui sépara Tircis d'avec Mélite,
Et de qui l'imposture avec de faux écrits
A dérobé Philandre aux vœux de sa Cloris.

MÉLITE.

Éclaircis du seul point qui nous tenoit en doute,
Que serois-tu d'avis de lui répondre?

Quatre mots à quartier1.

TIRCIS.

Écoute

1720

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De prolonger ma peine en différant ma mort!
De grâce, hâtez-vous d'abréger mon supplice',
Ou ma main préviendra votre lente justice.

MÉLITE.

Voyez comme le ciel a de secrets ressorts
Pour se faire obéir malgré nos vains efforts :
Votre fourbe, inventée à dessein de nous nuire,
Avance nos amours au lieu de les détruire;
De son fâcheux succès, dont nous devions périr,
Le sort tire un remède afin de nous guérir.
Donc pour nous revancher de la faveur reçue,
Nous en aimons l'auteur à cause de l'issue,
Obligés désormais de ce que tour à tour
Nous nous sommes rendu tant de preuves

3

1730

1735

d'amour,

1. A quartier, à l'écart : voyez la note a de la p. 93.

2. Var. Vite, dépêchez-vous d'abréger mon supplice. (1633)

3. Toutes les éditions portent : « Nous nous sommes rendus. » Voyez l'introduction du Lexique.

Et de ce que l'excès de ma douleur sincère1
A mis tant de pitié dans le cœur de ma mère,
Que cette occasion prise comme aux cheveux,
Tircis n'a rien trouvé de contraire à ses vœux;
Outre qu'en fait d'amour la fraude est légitime;
Mais puisque vous voulez la prendre pour un crime,
Regardez, acceptant le pardon, ou l'oubli,

Par où votre repos sera mieux établi.

ÉRASTE.

Tout confus et honteux de tant de courtoisie,

Je veux dorénavant chérir ma jalousie,

Et puisque c'est de là que vos félicités....

LA NOURRICE, à Éraste.

1740

1745

Quittez ces compliments qu'ils n'ont pas mérités: 1750
Ils ont tous deux leur compte, et sur cette assurance
Ils tiennent le passé dans quelque indifférence2,
N'osant se hasarder à des ressentiments

Qui donneroient du trouble à leurs contentements.
Mais Cloris, qui s'en tait, vous la gardera bonne, 1755
Et seule intéressée, à ce que je soupçonne,

Saura bien se venger sur vous à l'avenir
D'un amant échappé qu'elle pensoit tenir.

ÉRASTE, à Cloris.

Si vous pouviez souffrir qu'en votre bonne grâce
Celui qui l'en tira pùt occuper sa place3,
Éraste, qu'un pardon purge de son forfait*,
Est prêt de réparer le tort qu'il vous a fait.

1. Var. Et de ce que l'excès de ma douleur amère. (1633-57)
2. Var. Ils tiennent le passé dedans l'indifférence. (1633-57)
3. Var. Celui qui l'en tira pût entrer en sa place. (1633-60)
4. Var. Éraste, qu'un pardon purge de tous forfaits,

Est prêt de réparer les torts qu'il vous a faits.
Mélite répondra de sa persévérance :

Il ne l'a pu quitter qu'en perdant l'espérance;

1760

Mélite répondra de ma persévérance :

Je n'ai pu la quitter qu'en perdant l'espérance;
Encore avez-vous vu mon amour irrité
Mettre tout en usage en cette extrémité;
Et c'est avec raison que ma flamme contrainte
De réduire ses feux dans une amitié sainte,
Mes amoureux desirs, vers elle superflus1,
Tournent vers la beauté qu'elle chérit le plus.

TIRCIS.

Que t'en semble, ma sœur?

CLORIS.

1765

1770

Mais toi-même, mon frère?

TIRCIS.

Tu sais bien que jamais je ne te fus contraire.

CLORIS.

Tu sais qu'en tel sujet ce fut toujours de toi
Que mon affection voulut prendre la loi.

TIRCIS.

Encor que dans tes yeux tes sentiments se lisent', 1775
Tu veux qu'auparavant les miens les autorisent.
Parlons donc pour la forme. Oui, ma sœur, j'y consens',
Bien sûr que mon avis s'accommode à ton sens.

Fassent les puissants Dieux que par cette alliance'
Il ne reste entre nous aucune défiance,

Et

que

m'aimant en frère, et ma maîtresse en sœur, Nos ans puissent couler avec plus de douceur '

Encore avez-vous vu son amour irrité

Faire d'étranges coups en cette extrémité;

Et c'est avec raison que sa flamme contrainte. (1633-57)

1. Var. Ses amoureux desirs, vers elle superflus. (1633-57)

2. Var. Bien que dedans tes yeux tes sentiments se lisent. (1633-57)

3. Var. Excusable pudeur, soit donc, je le consens,

Trop sûr que mon avis s'accommode à ton sens. (1633-57)

1780

4. En marge, dans l'édition de 1633: Il parle à Éraste et lui baille la main de Cloris.

ÉRASTE.

Heureux dans mon malheur, c'est dont je les supplie;
Mais ma félicité ne peut être accomplie

Jusqu'à ce qu'après vous son aveu m'ait permis1
D'aspirer à ce bien que vous m'avez promis.

CLORIS.

Aimez-moi seulement, et pour la récompense
On me donnera bien le loisir que j'y pense.

TIRCIS.

Oui, sous condition qu'avant la fin du jour2

1785

Vous vous rendrez sensible à ce naissant amour3. 1790

CLORIS.

Vous prodiguez en vain vos foibles artifices;

Je n'ai reçu de lui ni devoirs ni services.

MÉLITE.

C'est bien quelque raison; mais ceux qu'il m'a rendus,
Il ne les faut pas mettre au rang des pas perdus.
Ma sœur, acquitte-moi d'une reconnoissance
Dont un autre destin m'a mise en impuissance* :
Accorde cette grâce à nos justes desirs.

Ne nous refuse

pas

TIRCIS.

ce comble à nos plaisirs".

1. Var. Jusqu'à ce que ma belle après vous m'ait permis. (1633-57)
2. Var. Oui, jusqu'à cette nuit, qu'ensemble, ainsi que nous,
Vous goûterez d'Hymen les plaisirs les plus doux.

CLOR. Ne le présumez pas, je veux après Philandre (a)

L'éprouver tout du long de peur de me méprendre.

1795

LA NOURR. (b) Mais de peur qu'il n'en fasse autant que l'autre a fait,

Attache-le d'un nœud qui jamais ne défait.

[CLOR. Vous prodiguez en vain vos foibles artifices.] (1633-57)

3. Var. Vous vous rendrez sensible à son naissant amour. (1660)

4. Var. Dont un destin meilleur m'a mise en impuissance. (1633-57)

5. Var. LA NOURR. (c) Tu ferois mieux de dire : A ses propres plaisirs. (1633-57)

(a) Ne le présumes (sic) pas, je veux après Philandre. (1633)

(b) LA NOURRICE, à Cloris. (1648)

(c) LA NOURRICE, à Mélite. (1648)

ÉRASTE1.

Donnez à leurs souhaits, donnez à leurs prières,
Donnez à leurs raisons ces faveurs singulières;
Et pour faire aujourd'hui le bonheur d'un amant',
Laissez-les disposer de votre sentiment.

CLORIS'.

En vain en ta faveur chacun me sollicite,
J'en croirai seulement la mère de Mélite :
Son avis m'òtera la peur du repentir*,
Et ton mérite alors m'y fera consentir.

TIRCIS.

Entrons donc; et tandis que nous irons le prendre,
Nourrice, va t'offrir pour maîtresse à Philandre".

LA NOURRICE.

(Tous rentrent, et elle demeure seule®.)

1800

1805

Là, là, n'en riez point : autrefois en mon temps
D'aussi beaux fils que vous étoient assez contents, 1810
Et croyoient de leur peine avoir trop de salaire
Quand je quittois un peu mon dédain ordinaire.
A leur compte, mes yeux étoient de vrais soleils
Qui répandoient partout des rayons nompareils;
Je n'avois rien en moi qui ne fût un miracle;
Un seul mot de ma part leur étoit un oracle....
Mais je parle à moi seule. Amoureux, qu'est-ce-ci?
Vous êtes bien hâtés de me laisser ainsi"!

1815

1. Var. ÉRASTE, à Cloris. (1648)

2. Var. Et dans un point où git tout mon contentement, Comme partout ailleurs, suivez leur jugement. (1633-57) 3. Var. CLORIS, à Éraste. (1648)

4. Var. Ayant eu son avis, sans craindre un repentir,

Ton mérite et sa foi m'y feront consentir. (1633-57)

5. Var. Nourrice, va t'offrir pour nourrice à Philandre. (1633)
6. Cette indication manque dans les éditions de 1633-60.
7. Var. Vous êtes bien pressés de me laisser ainsi. (1633-48)
Var. Vous êtes bien hâtés de me quitter ainsi. (1664 et 68)

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