qui sont l'Europe, l'Asie, l'Amérique, l'Afrique et la France; car la France est comprise dans l'Europe, et conséquemment n'est point un membre principal de la division. Enfin ne manquons, dans aucune occasion, de prouver toutes les propositions qui peuvent souffrir quelque difficulté. Quant à la vigueur, nous l'aurons indubitablement, si nos raisonnemens ne sont fondés que sur des principes évidens et sur des conclusions bien déduites. Voilà les règles les plus nécessaires de la Méthode. Il n'est pas toujours aisé de les observer: mais si notre foiblesse en rend la pratique difficile, il est pourtant très-avantageux de les connoître et de les méditer. Nos passions ne sont pas dans une irritation si constante qu'elles ne nous laissent quelquefois d'heureux intervalles pendant lesquels la voix de la raison se fait entendre: or, dans ces précieux momens de silence et de relâche, un secret penchant ramène l'homme à l'étude : il réfléchit sur lui-même et sur tout ce qui l'environne; il fait de généreux efforts; il voit que, bien différent de la bête, tout son être est au dessus de ce qui frappe ses sens; sa mémoire lui retrace le passé, sa prévoyance lui ouvre l'avenir, le présent est sous ses yeux, et, en rapprochant par la pensée ces trois grandes époques, il mesure tout le cours de sa vie. C'est alors qu'il jouit pleinement des fruits d'une belle éducation, ou qu'il regrette d'en avoir négligé le germe dans ses premières années. Il voit avec reconnoissance que tous les préceptes dont le zèle importun de ses maîtres chargeoit sa mémoire n'étoient que les fondemens de son bonheur; et ce qui affligeoit son enfance, fait au milieu de sa carrière son plaisir et son triomphe. Enfin, « quand >> ses regards auront embrassé le ciel » la terre, les mers, tout ce qui existe ( ces belles réflexions sont de Cicéron, et nous ne pouvons mieux terminer cet Essai qu'en les mettant sous les yeux des >> lecteurs); quand il aura compris de quoi >> les choses sont formées, ce qu'elles >> doivent redevenir, dans quel temps et » de quelle manière elles finiront, ce » qu'elles ont de périssable, et ce qu'elles » ont d'éternel; quand il aura presque » touché au doigt et à l'oeil, si j'ose ainsi » dire, l'Être qui règle et gouverne l'U»nivers; quand il verra que lui, person» nellement, il n'est point resserré dans >> un petit coin de la terre, mais que le >> monde entier ne fait que comme une >> seule ville dont il est citoyen ; oh! qu'un » si magnifique spectacle, où la Nature » se montre à découvert, mettra bien >> l'homme à portée de se connoître lui» même, conformément au précepte d'A» pollon! Oh! que tous ces objets, dont >> l'ambition vulgaire se fait une si grande » idée, seront peu capables de l'éblouir! » Qu'ils lui paroîtront vils et dignes du » dernier mépris! » Pour faire la solidité et la sûreté de >>ses connoissances, il les entourera com» me d'une haie, en leur associant la » Logique, qui enseigne à démêler le » vrai d'avec le faux, à tirer d'un prin»cipe une conséquence juste, à voir » comment une proposition détruit l'au»tre; et comprenant qu'il est né pour » la société civile, il ne s'en tiendra pas » à cette précision des Logiciens, mais il fera usage de l'Éloquence, pour gouverner les peuples, pour affermir les lois, pour châtier les méchans, pour défendre les bons, pour célébrer le mérite, pour instruire, pour animer pour exhorter au bien, détourner du mal, consoler les affligés, et immortaliser le vice et la vertu. >> Qui voudra se connoître, verra que l'homme nait avec de si heureuses dis positions; mais il faut que la sagesse les cultive et les mette en œuvre. » CIC. des Lois, I, 22. FIN. |