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plus rigoureuse, en conservant les pensées et les expressions de l'Auteur, et nous en conclurons: Donc, depuis les derniers de la lie du peuple jusqu'au tróne, tout est empoisonné par le luxe; ce qui n'est autre chose que ce que nous lisons à la tête du raisonnement. Le luxe répand sa contagion jusqu'aux derniers de la lie du peuple.

Nous en reconnoissons encore un très

juste et très-nerveux, dans ce que dit CICERON, pour prouver que Sex. Roscius Amerinus, par-là même qu'il mène une vie champêtre et isolée et isolée, n'en est que plus éloigné des idées du crime :

« In urbe luxuries creatur; ex luxuria existat » avaritia necesse est, ex avaritia erumpat auda»cia; indè omnia scelera ac maleficia gignun» tur. Vita autem hæc rustica, quam tu agrestem » vocas, parcimonia, diligentia, justitia ma»gistra est. »

« C'est la ville qui produit l'intempérance; » de l'intempérance s'engendre nécessairenient » l'avarice; de l'avarice s'élance l'audace; de » l'audace sortent tous les forfaits et toutes les » horreurs. Cette vie rustique, au contraire, » qu'il vous plaît à vous d'appeler sauvage, » est l'école de l'économie, de-la diligence, » de la justice. »>

Cet orateur, en défendant la cause de P. Sextius, magistrat de moeurs irréprochables, et que cependant on accusoit de violence, saisit l'occasion de parler de lui-même et de rappeler les injustices qu'il a éprouvées pour prix de son zèle à soutenir les intérêts de la République. Il fait une digression sur les spectacles; il y prouve que quand on récite sur le Théâtre une sentence vertueuse ou l'éloge de quelque homme méritant, les applaudisse- · mens unanimes des spectateurs sont d'un grand poids; il retrace l'apostrophe suivante, qui fut faite à son sujet :

" Egil fortissimus actor, non solum optimus » de me, cùm omnes ordines demonstraret, Se» natum, Equites romanos, universum Populum >> romanum accusaret: EXSULARESINITIS, SIVIS» TIS PELLI, PULSUM PATIMINI. Quæ tum signi»ficatio fuerit omnium, quæ declaratio voluntatis » ab universo Populo romano in causâ hominis non » popularis, equidem audiebamus: existimare fa» ciliùs possunt, qui adfuerunt. »

« Ce fut à mon égard que l'acteur se montra » non-seulement très-bon, mais très Coura» geux, lorsque, désignant tous les ordres de >> l'État, accusant le Sénat, les Chevaliers et » tout le Peuple romain, il s'écria: IL EST EN

» EXIL, ET VOUS LE PERMETTEZ; VOUS AVEZ >> PERMIS QU'IL FÛT CHASSÉ; il a ÉTÉ CHASSÉ, » ET VOUS LE SOUFFREZ EN CET ÉTAT. Quel fut » alors le témoignage de toute l'assemblée ? » quelle fut l'expression des sentimens de tout » le Peuple romain dans la cause d'un homme » qui n'a point cherché à plaire au peuple? l'a raconté, mais c'est ce que peu>> On nous » vent plus aisément se figurer ceux qui étoient présens au spectacle. »

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Ne voit-on pas un véritable Sorite dans l'agréable gradation que présente celle sentence poétique et théâtrale, Exsulare sinitis, sivistis pelli, pulsum patimini? et la Rhétorique ne le revendique-t-elle pas encore plus que la Lagique, comme figure de pensées autant que de mots?

Le Sorite, pour être bon, ne doit rien contenir d'équivoque ou de confus; car si quelqu'une des Propositions offre un sens double ou mal déterminé, elle devient un principe frauduleux qui rompt la transition or, dès que la transition vient à manquer, la gradation n'a plus lieu, et l'argument est faux. C'est par cette raison que le Sorite suivant, si rebattu dans les écoles, est tout-à-fait ridicule :

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Celui qui est ivre, dort bien ;

Celui qui dort bien, ne pense point au mal; Celui qui ne pense point au mal, n'offense point Dieu;

Celui qui n'offense point Dieu, sera sauvé : Donc celui qui est ivre sera sauvé.

Il ne faut pas beaucoup d'attention pour voir que la première Proposition, Celui qui est ivre, dort bien, est un principe équivoque et trompeur; car si un effet de l'ivresse est de bien faire dormir, elle en a mille autres qui sont dangereux, funestes, impardonnables, et qui cependant sont cachés dans l'argument par une réticence grossière, d'où procèdent l'inutilité de tout ce qui suit et la fausseté de la Conséquence.

DE L'EXEMPLE.

CE raisonnement est si familier et siconnu, qu'on pourroit presque se dispenser d'en parler, si ce n'est qu'il est bon de faire voir que sa force dépend de la manière de s'en servir. C'est, en Logique, un argument dans lequel d'une Proposition. singulière on déduit une autre Proposition

singulière. On peut le présenter sous trois faces, qui lui font donner trois dénominations différentes ; c'est-à-dire, la conclusion est fondée tantôt sur une parité ou ressemblance, tantôt sur une opposition ou dissimilitude, d'autres fois sur un droit que le principe avancé rend plus fort; et selon ces trois cas, l'argument de l'Exemple s'appelle en latin, à pari, à contrario, à fortiori: les expressions françaises sont : Donc pareillement, par la raison des contraires, à plus forte raison.

Ainsi ce raisonnement:

Dieu pardonna autrefois à David à cause de son repentir :

Donc il vous pardonnera aussi quand vous vous repentirez,

est un exemple à pari, et tiré de la similitude des circonstances.

Cet autre est pris de la raison des con

traires :

L'oisiveté est la mère des vices:

Donc, par la raison des contraires, l'application et l'étude en sont le remède et le préservatif.

Ce troisième est fondé sur la raison d'un droit plus fort:

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