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qu'il ne pouvait quitter, mademoiselle de Fontange qu'il aimait, et madame de Maintenon, de qui l'entretien devenait néceffaire à son ame tourmentée. Ces trois rivales de faveur tenaient toute la cour en fufpens. Il paraît affez honorable pour Louis XIV qu'aucune de ces intrigues n'influât fur les affaires générales, et que l'amour, qui troublait la cour, n'ait jamais mis le moindre trouble dans le gouvernement. Rien ne prouve mieux, ce me semble, que Louis XIV avait une ame auffi grande que fenfible.

Je croirais même que ces intrigues de cour, étrangères à l'Etat, ne devraient point entrer dans l'hiftoire, fi le grand fiècle de Louis XIV ne rendait tout intéreffant, et fi le voile de ces myftères n'avait été levé par tant d'hiftoriens, qui pour la plupart les ont défigurés.

CHAPITRE XXVII.

Suite des particularités et anecdotes.

La jeunesse, la beauté de mademoiselle de Mort de

Fontange, un fils qu'elle donna auroi, en 1680,

mademoi felle de

le titre de ducheffe dont elle fut décorée, écar- Fontange. taient madame de Maintenon de la première place qu'elle n'ofait espérer, et qu'elle eut

Faveur de

de Main

tenon.

depuis mais la ducheffe de Fontange et fon fils moururent en 1 1681.

La marquise de Montespan, n'ayant plus de madame rivale déclarée, n'en poffèda pas plus un cœur fatigué d'elle et de fes murmures. Quand les hommes ne font plus dans leur jeunesse, ils ont prefque tous besoin de la fociété d'une femme complaifante; le poids des affaires rend fur-tout cette confolation néceffaire. La nouvelle favorite, madame de Maintenon, qui fentait le pouvoir fecret qu'elle acquérait tous les jours, fe conduifait avec cet art fi naturel aux femmes, et qui ne déplaît pas aux hommes. Elle écrivait un jour à madame de Frontenac, fa coufine, en qui elle avait une entière confiance : ", Je , le renvoie toujours affligé, et jamais désespéré. Dans ce temps où fa faveur croiffait, où madame de Montefpan touchait à fa chute, ces deux rivales fe voyaient tous les jours, tantôt avec une aigreur fecrète, tantôt avec une confiance paffagère, que la néceffité de se parler et la laffitude de la contrainte mettaient quelquefois dans leurs entretiens. (a) Elles convinrent de faire chacune de leur côté, des

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(a) Les mémoires donnés fous le nom de madame de Maintenon rapportent qu'elle dit à madame de Montespan, en parlant de fes rêves : J'ai rêvé que nous étions fur le grand efcalier de Versailles je montais, vous defcendiez je m'élevais jusqu'aux nues, vous allâtes à Fontevraud. Ce conte eft renouvelé d'après le fameux duc d'Epernon, qui rencontra le cardinal de

mémoires de tout ce qui fe paffait à la cour. L'ouvrage ne fut pas pouffé fort loin. Madame de Montespan se plaisait à lire quelque chose de ces mémoires à fes amis, dans les dernières années de fa vie. La dévotion, qui fe mêlait à toutes fes intrigues fecrètes, affermiffait encore la faveur de madame de Maintenon, et éloignait madame de Montefpan. Le roi fe reprochait fon attachement pour une femme mariée, et fentait fur-tout ce scrupule depuis qu'il ne fentait plus d'amour. Cette fituation embarraffante fubfifta jufqu'en 1685, année mémorable par la révocation de l'édit de Nantes. On voyait alors des fcènes bien différentes: d'un côté, le défespoir et la fuite d'une partie de la nation; de l'autre, de nouvelles fêtes à Verfailles; Trianon et Marli bâtis; la nature forcée dans tous ces lieux de délices, et des jardins où l'art était épuifé. Le mariage du petit-fils du grand Condé avec mademoiselle de Nantes, fille du roi et de madame de Montefpan, fut le dernier triomphe de cette maîtreffe, qui commençait à se retirer de la cour.

Richelieu fur l'efcalier du louvre, l'année 1624. Le cardinal lui demanda s'il n'y avait rien de nouveau? Non, lui dit le duc, finon que vous montez, et je defcends. Ce conte est gâté en ajoutant que d'un escalier on s'éleva jufqu'aux nues. Il faut remarquer que dans prefque tous les livres d'anecdotes, dans les ana, on attribue prefque toujours à ceux qu'on fait parler des chofes dites un fiècle et même plusieurs fiècles auparavant.

Faux

bruits réfutés.

Fêtes bril

Le roi maria depuis deux enfans qu'il avait eus d'elle; mademoiselle de Blois avec le duc de Chartres, que nous avons vu depuis régent du royaume; et le duc du Maine, à LouifeBénédicte de Bourbon, petite-fille du grand Condé, et fœur de M. le Duc, princeffe célèbre par fon efprit et par le goût des arts. Ceux qui ont feulement approché du palais royal et de Sceaux favent combien font faux tous les bruits populaires recueillis dans tant d'hiftoires concernant ces mariages. (b)

Avant la célébration du mariage de M. le lantes. Duc avec mademoiselle de Nantes, le marquis 1685. de Seignelai, à cette occafion, donna au roi une

fête digne de ce monarque, dans les jardins de Sceaux, plantés par le Noftre avec autant de goût que ceux de Versailles. On y exécuta l'idylle de la paix, composée par Racine. Il y eut dans Versailles un nouveau carroufel; et après le mariage, le roi étala une magnificence fingulière, dont le cardinal Mazarin avait donné la

(b) Il y a plus de vingt volumes dans lesquels vous verrez que la maifon d'Orléans et la maison de Condé s'indignèrent de ces propofitions; vous lirez que la princeffe, mère du duc de Chartres, menaça fon fils; vous lirez même qu'elle le frappa. Les anecdotes de la conftitution rapportent férieufement que le roi s'étant fervi de l'abbé du Bois, fous-précepteur du duc de Chartres, pour faire réuffir la négociation, cet abbé n'en vint à bout qu'avec peine, et qu'il demanda pour récompenfe le chapeau de cardinal. Tout ce qui regarde la cour eft écrit ainfi dans beaucoup d'hiftoires.

première idée, en 1656. On établit dans le fallon de Marli quatre boutiques, remplies de ce que l'induftrie des ouvriers de Paris avait produit de plus riche et de plus recherché. Ces quatre boutiques étaient autant de décorations fuperbes, qui représentaient les quatre faifons de l'année. Madame de Montefpan en tenait une avec Monfeigneur. Sa rivale, madame de Maintenon, en tenait une autre avec le duc du Maine. Les deux nouveaux mariés avaient chacun la leur; M. le Duc avec madame de Thiange; et madame la Duchesse, à qui la bienféance ne permettait pas d'en tenir une avec un homme, à caufe de fa grande jeuneffe, était avec la ducheffe de Chevreufe. Les dames et les hommes nommés du voyage tiraient au fort les bijoux dont les boutiques étaient garnies. Ainfi le roi fit des préfens à toute la cour, d'une manière digne d'un roi. La loterie du cardinal Mazarin fut moins ingénieufe et moins brillante. Ces loteries avaient été mifes en ufage autrefois par les empereurs romains; mais aucun d'eux n'en releva la magnificence par tant de galanterie.

madame

Après le mariage de fa fille, madame de Dernières Montefpan ne reparut plus à la cour. Elle vécut années de à Paris avec beaucoup de dignité. Elle avait de Montef un grand revenu, mais viager; et le roi lui fit pan. payer toujours une penfion de mille louis d'or

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