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IX. LE LION ET LE MOUCHERON.
VA-T'EN, chétif insecte, excrément de la terre!
C'est en ces mots que le lion
Parlait un jour au moucheron.
L'autre lui déclara la guerre :

Penses-tu, lui dit-il, que tou titre de roi

Me fasse peur ni me soucie? (1)
Un bœuf est plus puissant que toi;
Je le mène à ma fantaisie.

A peine il achevait ces mots,
Que lui-même il souna la charge,
Fut la trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large;

Puis prend son temps, fond sur le cou
Du lion qu'il rend presque fou.

Le quadrupède écume, et son œil étincelle;
Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ: (2)
Et celle alarme universelle

Est l'ouvrage d'un moucheron.

Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle; Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau, Tantôt entre au fond du naseau.

La

rage alors se trouve à son faîte montéc.

1 pour je me souci de cela. v.

2 pour aux environs. v.

L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir-
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses, flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais; (3) et sa fureur, extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà sur les dents.
L'insecte du combat se retire avec gloire
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va par-tout l'annoncer, et rencontre en chemin ›
L'embuscade d'une araignée!

Il y. rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par-là nous peut être enseignée ?.
J'en vois deux; dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire. The

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CHARGÉ DE SEL.

UN ânier, (1) son sceptre à la main,
Menait en empereur romain,
Deux coursiers à longues oreilles.

1.Qui conduit des ànes. Son fouet est son sceptre.

d'éponges chargé, marchait comme un courrier,
Et l'autre, se faisant prier,

Portait, comme on dit, les bouteilles; (2)
Sa charge était de sel. Nos gaillards pélerins,
Par monts, par vaux (3) et par chemins,
Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent,
Et fort empêchés (4) se trouvèrent.

L'anier qui tous les jours traversait ce gué-là,
Sur l'âne à l'éponge monta,

Chassant devant lui l'autre bête,
Qui voulant en faire à sa tête,
Dans un trou se précipita,
Revint sur l'eau, puis échappa:
Car au bout de quelques nagées
Tout son sel se fondit si bien
Que le baudet (5) ne sentit rien
Sur ses épaules soulagées.

Camarade épongier (6) prit exemple sur lui,
Comme un mouton qui va dessus la foi d'autrui.
Voilà mon âne à l'eau, jusqu'au col il se plonge.
Lui, le conducteur et l'éponge,

Tous trois burent d'autant : l'ânier et le grison (7)
Firent à l'éponge raison. (8)

Celle-ci devant si pesante,

Et de tant d'eau s'emplit d'abord,
Que l'âne succombant ne put gagner le bord.
L'anier l'embrassait, dans l'attente

D'une prompte et certaine mort.
Quelqu'un vint au secours; qui ce fut, il n'importe ;
C'est assez qu'on ait vu par-là qu'il ne faut point
Agir chacun de même sorte.
J'en voulais venir à ce point.

2 Marchait lentement. 3 Pour vallées. v.
4 Embarrassés, v. -- 5 Surnom des ânes.
6 Porteur d'éponge : mot hors d'usage.

7 Surnom des ânes.

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8 Burent autant.

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XI. LE LION ET LE RAT.

Il faut autant qu'on peut obliger tout le monde,
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un lion,

Un rat sortit de terre assez à l'étourdie (1).
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire?
Cependant il advint (2) qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans les rets, (3)
Dont ces rugissemens ne le purent défaire.
Sire rat accourut et fit tant par ses dents,
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

1 Etourdiment. 2 Pour arriva. v.

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3. Filets.

XII. LA COLOMBE ET LA FOURMI. L'AUTRE exemple est tiré d'animaux plus petits. Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe: Quand sur l'eau se penchant une fonrmis y tombe:

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El dans cet océan l'on eût vu la fourmis
S'efforcer mais en vain, de regagner la rive.
La colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la fourmis arrive.
Elle se sauve. Et là-dessus

Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus.
Ce croquant, par hasard, avait une arbalête..
Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête:
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,
La fourmi le pique au talon.

Le vilain retourne là tête :
La colombe l'entend, part, et tire de long..
Le soupé du croquant avec elle s'envole:
Point de pigeon pour une obole.

XIII. L'ASTROGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS.

UN astrologue un jour se laissa choir

Au fond d'un puits. On lui dit: Pauvre béte,.
Tandis qu'à peine à les pieds tu peux voir,

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