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éclairés, semblaient présenter un caractère merveilleux, sont aujourd'hui regardés avec raison comme devant leur origine à des causes physiques, dont le progrès des lumières a fait découvrir l'existence, qui jadis étaient loin d'être soupçonnés. Sans doute, une souveraine sagesse, ayant établi ces lois admirables d'après lesquelles est gouvernée la nature, n'ira pas, pour des motifs frivoles, sans aucune utilité réelle, intervertir cet ordre admirable, et porter une sorte de perturbation dans cet ensemble si parfaitement réglé ; mais d'un autre côté, si une puissance infinie, par un seul acte de sa volonté, a pu organiser l'univers, jeter dans l'espace le soleil et les autres astres qui peuplent son immense étendue, retenir la mer dans son lit, bouleverser par des secousses convulsives la terre ébranlée jusque dans ses entrailles, il lui est bien facile, à coup sûr, d'introduire, quand il lui plaît, des modifications légères dans ces mêmes lois, auxquelles le monde est soumis, et qui sont l'œuvre de sa volonté irrésistible. Ainsi donc, à moins que l'on ne veuille professer un absurde athéisme, et reconnaître partout l'intervention unique d'une force aveugle, il faut confesser que Dieu a pu, dans plus d'une circonstance, pour des motifs bien réels, mais dont l'utilité échappe quelquefois à nos regards, opérer quand il l'a voulu des actes surnaturels; or, si Dieu avait jadis cette puissance, il l'a conservée, et la conservera jusque dans l'éternité.

Si, dans l'histoire du peuple juif, un fait indiqué comme entrant d'une manière essentielle dans l'économie des desseins de la divinité n'a pu s'accomplir par des moyens naturels, et s'est cependant réalisé, on doit convenir que c'est l'effet d'un pouvoir surnaturel c'est-à-dire un miracle. Sins nous écarter des événemens dont M. de Laborde a commenté le récit, il est évident que Dieu, voulant délivrer les Israélites de la servitude où ils gémissaient, et les établir dans la possession d'une contrée nouvelle, il fallait que des faits surnaturels vinssent frapper d'effroi les Egyptiens et les peuples voisins, paralyser leurs efforts, raffermir la foi chancelante des Hébreux, les prémunir et les fortifier contre le découragement, le désespoir, les embarras de leur situation présente, les inquiétudes que leur offrait l'avenir. Or, ces

effets n'ont pu réellement s'opérer par la seule intervention des moyens humains,et la main de Dieu a pu seule trancher les dicultés nombreuses dont la carrière de Moïse et de son peuple devait être semée.

Parmi les faits nombreux et extraordinaires que présente cette histoire, je me contenterai d'en citer un. Les Israélites, formant une nombreuse population, étaient destinés à vivre durent quarante ans dans les solitudes de l'Arabie-Pétrée, c'est-à-dire dans le plus affreux désert qui existe au monde, où quelques milliers d'Arabes traînent une existence malheureuse, et, malgré leur extrême frugalité, ont bien de la peine à ne pas mourir de faim. Le long séjour des Hébreux dans cette contrée inhospitalière est un fait complètement démontré. Or, s'ils l'ont habitée et parcourue durant un si grand nombre d'années, ils ont dû trouver les moyens de subsister là où un sol aride n'en offre d'aucune espèce. Nous savons par le récit de Moïse, confirmé d'aillenrs par tous les monumens de l'histoire et de la littérature hébraïque, que Dieu envoya journellement à son peuple une mâne qui suffisait à sa nourriture: or, cette mâne, qui, par ses caractères, n'avait qu'un faible rapport avec la substance sucrée du même nom, que l'on recueille sur les feuilles des tamarisques de ce désert, qui avait une propriété éminemment nutritive, qui se ramassait sur le sol du désert, qui ne se montrait pas le samedi, qui cessa de paraître au moment où les Israélites mirent le pied sur la terre promise, était évidemment envoyée par une providence surnaturelle, et son existence ne pouvait être attribuée à des moyens bumains. Il y avait donc là un miracle, et un miracle qui se renouvela journellement, durant une longue période de quarante années.

La plupart du tems, lorsque Dieu opère des miracles, il emploie des moyens purement naturels. Le prodige consiste alors, non pas dans la réalisation du fait, mais, dans ce que ce fait acquiert une intensité tout-à-fait inusitée, ou bien en ce que la chose se produit à point, à l'époque indiquée dans les décrets divins, lorsqu'aucune prévision humaine ne pouvait deviner un pareil événement. Ainsi, les murs de Jéricho tombent

devant l'Arche d'alliance. Bien probablement cette destruction fut opérée par un tremblement de terre. Mais cette commotion arriva à point nommé, ainsi que l'avait annoncé une prédiction divine. Voilà donc ce qui constitue le miracle; car jamais la prévision humaine n'a pu calculer d'avance un pareil phénomène. et aujourd'hui encore, malgré les immenses progrès qu'ont fait les sciences physiques, aucun savant ne pourrait, une heure d'avance, prédire l'existence d'un tremblement de terre.

Dans le récit des plaies d'Égypte, nous voyons des faits naturels se produire à la voix de Dieu, avec une violence inaccoutumée, à des époques où d'ordinaire ils n'ont pas lieu; se répandre simultanément sur une vaste étendue de pays, frapper les Egyptiens, tandis que les Hébreux, placés dans leur voisinage, se trouvèrent complètement à l'abri du fléau; une maladie cruelle et instantanée faire périr en une nuit tous les premiers-nés de l'Égypte, tandis qu'elle respecta complètement les familles des Israélites. Je demande s'il est possible de voir dans ces événements, qui paraissent au premier abord le produit de causes naturelles, autre chose que l'intervention immédiate de la toutepuissance divine, et, par suite, de véritables miracles?

Que, sous le règne de David, la ville de Jérusalem ait été en proie à une maladie cruelle, qui, dans l'espace de trois jours, moissonna 70,000 hommes, c'est là, sans doute, un de ces tristes événemens qui peuvent s'expliquer par des causes naturelles. Mais qu'un prophète ait annoncé cette catastrophe comme un châtiment infligé par la divinité au roi coupable; que, dans le moment où Dieu, fléchi par les prières et les larmes du monarque, ordonne, suivant l'expression poétique de l'écriture, à l'ange exterminateur de remettre son épée dans le fourreau, le fléau ait cessé instantanément, entièrement: voilà ce qui constitue le prodige!

Plus tard l'armée de Sennachérib, roi d'Assyrie, fut presque totalement anéantie, dans l'espace d'une seule nuit, sous les murs de Jérusalem. Sans doute des soldats, forcés de faire la guerre dans des contrées brûlantes, se livrant à tous les excès de l'intempérance, de la débauche, peuvent être facilement déciIII SERIE. TOME VI. - N° 32. 1842.

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més par des maladies typhoïdales ou autres; mais a-t-on jamais lu dans aucune histoire qu'une armée, au milieu même des plus terribles épidémies, ait dans une seule nuit perdu 185,000 Lommes? Or, la délivrance de Jérusalem avait été expressément annoncée par le prophète Isaïe, et la puissance du roi d'Assyrie ne pouvait être renversée par des moyens humains, par les faibles forces du roi Ezéchias, par cette population renfermée dans les murs de la capitale, et qu'avait glacée d'effroi les discours arrogans de Rabsacès; il est donc impossible, je crois, de ne pas voir dans cet événement désastreux l'intervention d'une main divine, un véritable miracle.

Je ne pousserai pas plus loin ces observations, qui, pour être exposées comme le sujet le comporte, exigeraient de longs développemens, des discussions de plus d'un genre.

Dans les articles suivans, j'examinerai avec soin le travail de M. Léon de Laborde. J'indiquerai les services qu'il a rendus à la science en général, et en particulier à la géographie et à l'interprétation de la Bible. Si, sur quelques points, je me permets de modifier, de combattre même ses sentimens, je le ferai toujours avec ces égards que l'on doit au véritable talent.

QUATREMÈRE,

De l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Critique Biblique.

LES

LIVRES DE L'ANCIEN-TESTAMENT

CONTIENNENT-ILS DES MYTHES?

Deuxième article.

Ge que c'est que les mythes.

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Etude des mythologies païennes. Comment elle a conduit à rechercher des mythes dans nos livres saints. -Différens sens du mot mythe. Origine et caractères du mythe. Ce qui le distingue de quelques idées voisines. - Diverses applications du système mythique à l'histoire profane.

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Depuis un certain nombre d'années, les esprits se sont épris d'un enthousiasme sans exemple jusqu'alors pour l'étude des mythologies païennes. On a remué dans tous les sens les annales de l'ancien monde, on a fouillé au fond des vieilles chroniques qui datent du berceau des premiers hommes, afin de découvrir le sens des fables qu'elles contiennent, la raison, le mode de leur formation; puis on a voulu suivre à travers les âges la série de leurs transformations sans nombre. Les religions de l'Inde, de la Grèce et de Rome ont d'abord concentré l'attention des savans.

Voir un autre article sur les mythes, au t. iv, p. 4050

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