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penchants les plus réprouvés de la morale, des religions; il continue donc d'être en principe un élément destructeur de la dignité humaine.

Veut-on le juger dans la pratique, dans les faits? Voici ce qu'en dit un des hommes les plus experts en cette matière :

<< Ne respecter rien, ni la religion, ni la loi, ni la vérité, ni la fiction.

>> Tourner tout en dérision, institutions, hommes et choses.

>> Remettre sans cesse en question tout ce qui a été résolu, tout ce qui >> devrait l'être irrévocablement.

>> Dénaturer et obscurcir tous les faits.

» Nier ou exagérer ce qui est vrai, affirmer ce qui est faux, rendre vrai» semblable ce qui n'est qu'imaginaire.

» Dénigrer systématiquement tout ce que les autres louent; louer systé>> matiquement tout ce que les autres dénigrent.

>> Isoler les actes des intentions qui les justifient, et les faits des circon>> stances qui les ont produits.

>> Traiter de tout sans rien approfondir. Abaisser les grands carac» tères, élever les petits, construire à plaisir des réputations trompeuses, » en démolir d'honorables.

» Ravaler la dignité nationale, en affectant pour elle une hypocrite >> susceptibilité.

» Surprendre et divulguer les secrets de l'État, sous le prétexte de solli»citude pour la sûreté publique.

» Rendre indélébiles toutes les taches, irréparables toutes les fautes. >> Étaler complaisamment tous les scandales.

» Faire servir à l'école du vice la publicité des tribunaux; la travestir » avec art et profit; rendre divertissant ce qui attriste la société et pathétique >> ce qui révolte l'humanité.

>> Publier prématurément les actes d'accusation, sans attendre le jour >> des dépositions, des débats et des plaidoieries, et sans autre raison que >> celle de satisfaire l'avidité publique; livrer ainsi sans ménagement les >> prévenus et les accusés que la justice peut absoudre, à toutes les préven>>tions de l'opinion, qui juge arbitrairement sur ses premières impressions, » dont il est aussi difficile de la faire revenir qu'il a été facile des le lui >> donner.

>> Se constituer juge souverain de la conscience et du verdict des jurés. >> Spéculer sur tout, sur l'honneur et la honte, le dénigrement et l'apo»logie, l'erreur et la vérité, le bien et le mal.

» Vivre d'injures et d'injustices, de diffamations et de calomnies.

» Ne reconnaître enfin d'autre Dieu sur la terre que l'abonné, et lui tout >> immoler pour se le rendre ou se le conserver propice, les croyances les » plus saintes, les idées les plus justes, les intentions les plus droites, les >> actions les plus honorables, les renommées les plus glorieuses.

» Tout cela peut constituer le bon plaisir du journalisme, mais rien de >> cela ne saurait dériver du droit politique « de publier et faire imprimer » son opinion; » là s'arrête et doit s'arrêter la liberté de la presse.

» Citez une liberté qu'il (le journalisme) n'ait pas mise en péril, poursuit >> le même écrivain, eu la poussant à l'excès.

» Citez un principe d'autorité dont il ait professé le respect en donnant » l'exemple de la soumission.

» Citez une forme de Gouvernement qu'il n'ait pas décriée avec injustice » ou vantée avec exagération.

» Citez une gloire qu'il n'ait pas laissé flétrir par l'esprit de parti.

» Citez une vérité qu'il n'ait pas alternativement proclamée et démentie >> selon le besoin de sa cause.

» Citez une grande œuvre qu'il ait faite et qui ne soit pas une révolution. >> Citez un homme qu'il ait produit et qui ait apporté au pouvoir l'esprit de >> réforme qui l'avait fait éminent dans l'opposition.

» Citez une critique sans personnalités qui ne soit jamais inspirée que par » l'amour de l'art et de la science, et le désir exclusif de le voir se perfec» tionner et s'ennoblir. »>

Sans rien exagérer par conséquent, l'autorité du journalisme ne vaut pas l'autorité que les siècles nous ont léguée.

Du reste, que faut-il aujourd'hui pour être autorité, pour être Roi, dictateur, despote, en matière de journalisme, et par conséquent Roi, dictateur, despote dans la société.

Est-ce du talent? est-ce du génie? non; car plus un journal a de talent et de génie, plus il ne convient qu'à des hommes distingués; plus il écarte la foule; plus il met en faîte l'abonné qui est l'unique moyen de talent du journalisme. Un journal, pour réussir, pour avoir des abonnés, doit être avant tout en rapport avec les hommes qui ne sont pas distingués, distincts de la foule; avec la foule naturellement médiocre, il doit être médiocre avant tout.

Est-ce de la vertu? Non le journalisme n'a besoin d'aucune vertu. Journalisme et vertu sont deux êtres qui peuvent parfaitement se passer l'un de l'autre.

Est-ce de la science? Non un journal n'est jamais qu'un seul et même article retourné 365 fois par an.

Que faut-il donc pour avoir l'autorité suprême aujourd'hui ? Des écus et de l'audace, de l'audace et des écus.

La grande autorité de l'Europe pour ceux qui déclinent l'autorité, se réduit donc à tout ce qu'il y a de plus subalterne (1) parmi les hommes, à

(1) Il est entendu que nous ne parlons ici que du journalisme en principe.

la dietature d'une sophistique infiniment au-dessous de celle que Socrate vint fustiger de son ironie, en rappelant l'homme à la connaissance de luimême.

Pour défendre le journalisme, on dit qu'il représente la liberté de penser, la gloire, la grandeur, la majesté de l'intelligence, de la civilisation et toutes les autres fantasmagories dont on abuse l'intelligence moderne. Suivant nous, encore une fois, le journalisme ne peut vivre qu'avec des abonnés. Pour avoir des abonnés, il doit être à la portée de tous. Pour être à la portée de tous, il doit être et rester essentiellement médiocre, en dehors de toutes les grandes discussions. Le journalisme n'est donc que l'antipode de la liberté de penser, qui ne peut s'exercer et se développer que dans de grands efforts et des aperçus nouveaux, inconnus. Le journalisme est si peu la liberté de penser que tout article un peu sérieux en est tout naturellement exclu, par cela seul qu'il est sérieux. Du reste, demandez aux journalistes qui ont voulu parler un langage un peu scientifique, s'ils se sont beaucoup enrichis.

La liberté moderne, celle qu'on oppose comme principe à l'autorité, à la prépondérance d'une grande loi religieuse, morale ou politique, n'est donc nullement ce qu'on l'a dite. Elle est exactement tout le contraire. Les faits d'ailleurs ne parlent-ils pas plus haut que tout ce qu'on peut écrire à cet égard?

Voyez la France par exemple: qui commande aujourd'hui dans ce pays? Qui force le Gouvernement à se tenir sans cesse sur ses gardes, à dépenser des centaines de millions pour prévenir? Trois ou quatre journalistes; et quels hommes, grand Dieu, que ces journalistes !

La liberté, l'égalité, la fraternité, sont trois grands principes quand on les fait descendre du christianisme, quand on les rattache à cette religion trois fois sainte, quand on les accepte dans leur cause et dans leurs effets, quand on en prend les charges avec les bénéfices. Mais détachées de cette source sacrée, elles ne sont que trois mots absolument vides de sens, trois impossibilités, trois mystifications.

Aujourd'hui il y a beaucoup d'hommes, parmi ceux-là même dont le nom retentit partout, qui prennent les mots pour les idées, les fantômes pour les réalités, parce qu'ils ignorent radicalement les causes de la position trèslogique d'ailleurs que nous traversons, parce qu'en France comme ailleurs, il n'y a rien qu'on sache moins que l'histoire même des idées nationales, parce que jamais on n'eût moins de souci du passé qu'aujourd'hui. Mais si l'on tolère, si l'on écoute ces hommes dans un temps comme le nôtre, dans un temps où tout est vrai excepté le vrai, la postérité en fera justice comme de tant d'autres qui les ont précédés. La postérité ne manque jamais de punir sévèrement ceux qui compromettent l'existence des nations, soit par ignorance, soit par orgueil.

S. A.

DU DRAINAGE SOUTERRAIN

DES TERRES A PENTES NULLES OU TRÈS-FAIBLES.

Dans ces derniers temps, on s'est beaucoup occupé du drainage, comme l'un des moyens les plus puissants d'augmenter la production agricole. D'après la Revue villageoise, le drainage a fait de grands progrès en Belgique, et dans l'article que nous lui empruntons, elle rappelle sommairement les principes du drainage; puis, elle en examine l'efficacité dans les terrains dont la pente pour l'écoulement des eaux est très-faible. Voici cet article:

aux

Toute terre dépourvue d'humidité, est frappée d'une stérilité absolue; d'un autre côté, un sol complétement saturé d'eau est peu propre à la végétation ; le drainage a pour but de donner issue à cet excès d'humidité, si nuisible végétaux cultivés. Lorsqu'il s'agit de dessécher par le drainage une terre basse et marécageuse, la première chose à faire, c'est d'ouvrir des tranchées assez nombreuses pour recevoir toutes les eaux stagnantes à la surface, et assez profondes pour que le niveau de l'eau s'y maintienne à plusieurs décimètres au-dessous de celui du sol. Bien des gens sont persuadés, quand

cette besogne est exécutée, qu'il ne reste plus rien à faire pour débarrasser la terre de tous les inconvénients qui résultent d'une humidité surabondante. C'est une opinion très-généralement accréditée dans les pays où il existe des marais à dessécher; si le sol est poreux et sablonneux, s'il est tourbeux, ou si l'argile y domine, l'effet désiré est, dit-on, toujours obtenu au moyen de fossés découverts, pourvu qu'ils soient profonds, et que l'eau s'y maintienne à un niveau suffisamment bas. Il y a dans cette manière de voir une erreur de fait. A moins que les fossés découverts ne soient très-rapprochés, ce qui devient énormément coûteux et fait perdre une grande partie de la surface cultivable, l'écoulement de l'eau surabondante n'a lieu qu'à une petite distance des deux côtés des bords de chaque fossé; le surplus ne peut se dissiper que par évaporation, même dans les terres les plus légères; si le sol est lourd et compacte, l'impossibilité du desséchement devient encore plus évidente, par le seul effet des fossés ouverts. D'ailleurs, un autre fait qui ne doit pas être oublié dans la question du drainage, c'est qu'il importe que toute l'eau stagnante, soit à la surface, soit à l'intérieur de la couche cultivable, filtre à travers le sol au lieu de s'écouler au-dessus. Chaque goutte d'eau qui s'en va par ce dernier chemin est perdue, soit comme aliment de la terre en raison des principes qu'elle contient, soit comme agent mécanique et chimique d'une grande puissance. L'eau des pluies est disposée naturellement à pénétrer dans le sol et à filtrer au travers; mais elle ne peut s'écouler dans de bonnes conditions, en produisant son effet utile quant aux végétaux cultivés, que lorsqu'on lui ménage des passages souterrains pour la conduire vers les fossés découverts, après qu'elle a traversé le sous-sol, et qu'elle y arrive filtrée, ayant déposé dans la couche arable tout ce qu'elle contenait d'éléments de fertilisation. Donc, la grande différence entre le drainage naturel par des fossés découverts, et le drainage artificiel par des conduits souterrains, c'est qu'avec le premier système une très-grande partie de l'eau superflue n'a d'autre voie pour s'en aller que l'évaporation; tandis qu'avec le second système, cette même eau surabondante trouve, pour s'écouler, des tuyaux qui la reçoivent immédiatement et en totalité, après qu'elle a traversé l'épaisseur de la couche arable; elle ne part que quand, ayant produit tout le bien qu'on en pouvait attendre, son séjour prolongé deviendrait nuisible. Ce point est tellement important, que nous croyons indispensable de l'éclaircir par quelques explications plus détaillées.

Un agronome anglais a dit que la terre est comme l'estomac des plantes; c'est le lieu où se préparent leurs aliments. L'observation démontre que cette préparation, qui consiste entièrement en réactions chimiques, a lieu indistinctement, bien qu'à divers degrés, dans tous les sols, moyennant la présence de trois éléments: air, chaleur et humidité. L'un des grands inconvénients de la présence de l'eau en excès dans le sol cultivé, c'est d'abord que l'eau met obstacle à la présence de l'air. On sait quel rôle

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