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révélation des turpitudes de la révolution de février, met à jour les menées des sociétés secrètes républicaines et des émeutiers qui, après avoir harassé le règne de Louis-Philippe, l'ont terminé au moment où ils s'y attendaient le moins.

Quelque terribles qu'aient été les résultats de ces conspirations : assassinats, insurrection, révolution enfin, rien de plus méprisable que le nombre et le personnel des conspirateurs. Nul parmi eux n'avait un titre plus élevé que celui de parasite des journaux séditieux, et, quant au chiffre total, il n'a jamais, dans tout Paris, dépassé 3,000...; mais ce n'était là que le noyau, et autour de ce noyau se groupaient tous les oisifs et les vagabonds déguenillés de cette ville à la fois turbulente et lâche. Nous n'ajouterons plus qu'un trait à ce tableau : Si l'insurrection de juin eût réussi, le dictateur désigné était MARC CAUSSIDIÈRE.

Il paraît que de Lahodde resta enseveli dans les caveaux de la Conciergerie, jusqu'à ce que le règne de Caussidière fût terminé; alors on lui permit probablement de s'évader et de venir en Angleterre. Retourné à Paris, et le pamphlet de Chenu ayant rajeuni sa notoriété, il a publié son récit de la Naissance de la République, où il montre par quelle série d'accidents et surtout par l'atroce stratagème (dont on a accusé M. Lagrange qui s'en est défendu) de provoquer ce qu'on appelle le massacre du boulevard des Capucines, l'insurrection se ranima, lorsque tous les hommes des journaux et des sociétés secrètes qui l'avaient suscitée l'abandonnaient sans espoir. La défiance est bien permise envers de Lahodde, lorsqu'il parle de certaines questions personnelles; mais, en tenant compte de son animosité trèsnaturelle contre ceux qu'il avait trahis et qui, en retour, lui firent subir de si cruelles tortures, nous ne voyons pas qu'on puisse douter de l'exactitude des détails qu'il donne sur les événements auxquels il a pris part. Sa brochure ne va pas au-delà de la proclamation de la république, dont il fut un des parrains dans les bureaux de la Réforme, et, comme de raison, il ne dit rien de sa courte apparition à la préfecture de police en qualité de secrétairegénéral, ni de la scène du Luxembourg; mais il promet un volume dans lequel nous supposons que les événements seront racontés... à sa manière. Il s'est plaint, par une lettre adressée aux journaux, que M. Chenu l'ait représenté comme trop terrifié à la perspective de l'étrange mort dont on le menaçait. Sur ce point, nous ajoutons foi plus volontiers au récit de M. Chenu, qui devait être là un observateur plus calme... Et, en vérité, nous ne pensons pas que ce soit nuire au caractère de M. de Lahodde, de dire qu'il ait reçu avec une horreur extrême la proposition qui lui était faite, et qu'il ait exprimé la ferme détermination de ne pas mourir de cette façon. Quant aux autres détails, il confirme remarquablement tout ce que raconte M. Chenu, et leurs Mémoires exposent si pittoresquement, si naturellement, et (en tenant toujours compte de leur rancune personnelle contre Caussi

dière) si véridiquement la faiblesse, la folie, la turpitude, et enfin la fausseté du parti révolutionnaire, qu'ils sont la meilleure réponse à tous les panégyriques que se consacrent à eux-mêmes Lamartine et Louis Blanc. Par conséquent, ils pourront, nous l'espérons, répandre et fortifier en France le sentiment dont les Français ont le plus besoin... le sentiment de l'humiliation qu'ils doivent éprouver en se voyant dupes et victimes d'hommes si méprisables et de circonstances si fortuites.

C'est en vain que M. de Lamartine défend son association avec ces hommes, et particulièrement avec Caussidière, prodiguant les fleurs de rhétorique et les poétiques métaphores, comme par exemple : « C'est par son aide que j'ai fait de l'ordre avec du désordre, » ou: « J'ai été le paratonnerre conspirant avec le nuage pour en extraire la foudre. >> Nous lui demanderons Qui avait créé le désordre? Qui avait amassé les éléments de l'explosion? et pour quel but justifiable? ou avec quels résultats atténuants? Lorsque l'ex-dictateur nous décrit, avec une satisfaction si glorieuse, ses luttes à l'Hôtel de Ville, il nous oblige à lui répliquer qu'il soutint ces luttes pour sa propre défense... S'il fit tant d'efforts pour sauver le navire, c'est parce qu'il aurait fait naufrage à son bord; et lorsqu'il se fait l'écho des vanteries de l'ex-préfet de police, rappelant avec quelle promptitude il avait complétement rétabli et maintenu la tranquillité publique, repavé les rues, entretenu la propreté du pavé, rallumé les réverbères, supprimé les maisons de jeu et rendu les vols plus rares, ils oublient, l'un et l'autre qu'il est des choses que l'autorité sommaire et toute-puissante d'un despotisme irresponsable fait facilement et doit faire par tous les motifs un règne de terreur n'admet d'autre désordre que le sien. Le préfet de police qui, pour premier et dernier compliment, dit aux commissaires placés sous ses ordres, que s'ils ne se conduisent pas bien, il les fusillera dans la cour de l'hôtel, pouvait bien être certain qu'il avait le pouvoir nécessaire pour obliger les portiers à balayer le trottoir des maisons. Le Gouvernement qui enrôla tous les plus audacieux turbulents de la cité dans la garnison de la préfecture et conçut l'idée sublime (M. de Lamartine l'appelle ainsi, et nous admettons que ce fut une idée heureuse,) de comprendre dans la garde mobile, vingt-quatre mille des pires émeutiers ou bandits de la révolution, ce Gouvernement a bien pu dire qu'il avait diminué le nombre des malfaiteurs errants et des petits voleurs.

Mais, c'est une justice qu'il faut rendre à M. de Lamartine, le baume précieux de son panégyrique n'est pas versé seulement sur sa propre tête, quoiqu'il ne le ménage pas quand il s'agit de lui, ni même exclusivement sur ses amis et ses collègues, Flocon, Caussidière et tutti quanti, - il a une inépuisable provision de dragées qu'il jette au visage de tout le monde, comme les promeneurs du carnaval de Rome, excepté, ainsi que Louis Blanc s'en plaint, au visage de Louis Blanc. Relativement à cette plainte, il est

vrai de dire que, quelque exagérée que l'appréciation des talents et des service de M. Louis Blane par M. de Lamartine nous semble à nous, elle reste considérablement au-dessous de sa propre estime, et nous soupçonnons qu'il n'est aucune plume au monde, quelque favorable et flatteuse qu'elle fût, qui pourrait satisfaire l'opinion que ces deux messieurs ont de leur mérite, aucune plume, excepté la plume de chacun d'eux. Le panégyrique est un breuvage qu'ils peuvent seuls sucrer à leur goût. Nous abrégerons un peu ce que M. Louis Blanc dit de ce trait caractéristique du caractère et de l'histoire de M. de Lamartine, prétendant que toute sa politique consiste en ces deux mots Être applaudi.

« L'oreille constamment tendue pour écouter le bruit de son nom, et » tremblant toujours qu'on ne troublât la musique de sa renommée, il voulut >> capter quiconque se faisait craindre. Il convoita tous les hommages, se >> mira dans toutes les opinions, et chercha, pour s'y placer, le point d'inter>> section de tous les partis. D'une égale ardeur on le vit rechercher l'appro>>bation des salons et tenter celle des clubs, se concilier lord Normanby et » s'efforcer de plaire à Sobrier; offrir une ambassade à M. de Larocheja» quelein et se prêter à des entrevues secrètes avec Blanqui.

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» La flatterie prodiguée sans mesure à tout venant est un artifice familier >> aux hommes qui ont une grande réputation à soigner. Convaincus que la » flatterie, quand elle tombe de haut, a des attraits irrésistibles, ils se font » volontiers courtisans, pour grossir le nombre de leurs admirateurs, de leurs » séïdes, de leurs porte-voix ; ils demandent à intéresser au succès de leur » propre vanité la vanité d'autrui. Après l'avoir conquise de haute lutte, ils >> rusent avec la gloire. » (Pages d'histoire, p. 26 et 27.)

L'ouvrage de M. de Lamartine est une galerie de portraits qui nous représentent des monstres de perfection comme le monde n'en avait jamais vus... (1) jusqu'à ce que M. de Lamartine les lui révélât. Oncques n'exista une pareille constellation de toutes les espèces de vertus publiques, de vertus privées et même de beauté physique. Si nous ne nous trompons, parmi les centaines de noms qu'il mentionne, il n'en est que deux qu'il n'accable pas de compliments étudiés, plus ou moins lourds, et, comme nos lecteurs le devinent, plus ou moins immérités. Les deux personnes qui ont eu la bonne fortune d'être moins bien partagées dans le panégyrique confus de M. de Lamartine, sont MM. Guizot et Thiers! M. Thiers est très-peu loué, M. Guizot pas du tout. Præfulgebant eo ipso quod effigies eorum non

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visebantur. Louis Blanc ne voit dans cette aveugle prodigalité d'éloges que le calcul usuraire de la vanité.

« Incense like interest, is but a loan

Which he lays out for what he can get. »

« Il prodigue l'encens, mais ce n'est là qu'un prêt

Dont il espère bien retirer l'intérêt. »

Or, M. de Lamartine, nous le présumons, n'espérait guère que MM. Thiers et Guizot lui rendraient encens pour encens.

Mais nous soupçonnons un autre motif à ce panégyrique presque sans distinction. M. de Lamartine n'a peut-être pas sérieusement renoncé au jeu des révolutions: il a disparu sous la vague; mais il peut remonter à la surface. Encore quelques tours de la roue de fortune, le comte de Paris peut rentrer aux Tuileries, ou Louis Blanc au Luxembourg, Marrast au PalaisBourbon et Marc Caussidière avec le commandant Pornin, à la préfecture. Si la politique de M. de Lamartine n'est pas très-profonde, elle est du moins à la hauteur de la célèbre maxime de Larochefoucault: « Vivez avec vos amis comme s'ils devaient un jour devenir vos ennemis, et avec vos ennemis comme s'ils devaient un jour devenir vos amis. » Brydone, dans ses Voyages, parle d'un Anglais original qui, à Rome, ne manquait jamais d'ôter son chapeau à une statue de Jupiter. Quelqu'un lui ayant demandé pourquoi : « Qui sait, répondit-il, si sa Divinité ne pourra pas un jour être réintégrée dans son temple? Peut-être alors se souviendra-t-il de ceux qui ont été polis pour lui au temps de sa disgrâce? » C'est ainsi que M. de Lamartine ôte son chapeau non seulement à Jupiter, mais encore à Pasquin, à Morforio et même à Silène.

Par une conséquence naturelle, son ouvrage est également vide d'information et d'amusement. Il a retourné l'axiome historique de Cicéron : Ne quid veri audeat, ne quid falsi non audeat. Les trois quarts de ses volumes sont une compilation, d'après le Moniteur, de tous les admirables discours qu'il prononça et de toutes les pièces diplomatiques qu'il publia pendant son règne éphémère, accompagnée par le commentaire courant de l'éloge de son génie, de son éloquence, de son courage et même de sa beauté physique, la distinction agamemnonienne de cette haute taille et l'énergie démosthénienne de cette noble physionomie qui donnait de l'autorité aux fleurs de rhétorique et de la grâce aux paroles de la sagesse. Ce ne sont pas là ses propres termes, qui, surtout lorsqu'il se loue, sont trop diffus pour être facilement condensés; mais tel en est le sens, telle est la forme de son style. Bref, tout est si défiguré par ce que Louis Blanc appelle justement une puissance d'illusion prodigieuse, que son Histoire de la Révolution de Février est également inutile comme histoire et fatigante comme roman.

BIBLIOGRAPHIE.

Inventaire des Cartes et des Plans conservés aux archives de la Flandre orientale, accompagné de notes et d'éclaircissements, par M. P.-C. Van der Meersch, Gand, 1850, chez J. Van den Branden-De

archiviste provincial.

Schuyter, 1 vol. in-4°.

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Le conseil provincial, en ordonnant la publication de l'ouvrage que nous annonçons aujourd'hui, a fait chose éminemment utile, à laquelle M. Van der Meersch a largement contribué par l'intelligent et heureux classement des cartes. Il faut également savoir gré à M. l'archiviste des notes qui accompagnent cet inventaire. Elles seront très-utiles aux personnes qui se trouveront dans le cas de consulter l'ouvrage, dont un exemplaire sera déposé au secrétariat de chacune des communes de la province.

L'ancienne topographie de la province, surtout celle du nord et de l'ouest de la Flandre orientale, a été souvent l'objet de longues et vives controverses parmi les savants. Il en est de même de son ancienne circonscription ecclésiastique et féodale, sur laquelle on ne possède que des données vagues et incertaines.

La connaissance des cartes mentionnées dans l'inventaire dont nous rendons compte, et qui retracent, presque sans interruption, l'aspect de la Flandre, depuis 1274 jusqu'à nos jours, mettra un terme à bien des contestations.

Les principes du dessin d'imitation, développés par M. FÉLIX DE VIGNE, peintre, professeur à l'Académie royale et à l'Athénée de Gand. Gand, 1850, chez MM. De Busscher, broch. in-8°.

Si M. De Vigne pouvait atteindre le but qu'il s'est proposé en publiant cet intéressant ouvrage, nous le féliciterions de grand cœur; mais quoiqu'il arrive, il aura du moins l'honneur d'avoir tenté la réforme qu'il siguale et qui est en effet aussi urgente qu'utile : l'enseignement du dessin ne suit pas une voie uniforme; chaque professeur a, pour ainsi dire, une méthode à lui, et les élèves, en passant de l'une classe dans une autre, sont obligés de changer de méthode, perdent la confiance dans leurs maîtres et le fruit de leurs études antérieures. C'est afin de parvenir à un enseignent uniforme, que M. De Vigne a tracé dans une trentaine de pages les principes du dessin d'imitation. Les professeurs qui tiennent au progrès de l'art, seconderont sans doute l'heureuse initiative prise par M. De Vigue.

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