accusé d'hérésie; forcé de fuir, il se retira à Genève, puis à Turin où il mourut dans l'indigence en 1544, Marot a laissé vingt-sept Élégies, cinquante-neuf Épîtres, dix-neuf Ballades, trois cent cinq Épigrammes, quatorze opuscules, et beaucoup de pièces fugitives. La meilleure édition de ses OEuvres est celle de Rapilly, 1824, 3 volumes in-8°, avec biographie, notes et glossaire. Cet aimable poëte absorbe et résume en lui, sous une forme plus pure, toutes les qualités de notre vieille poésie, il en possède tous les charmes, mais il en a aussi toutes les limites. Il n'élargit point le cercle qu'avaient tracé ses prédécesseurs, il est Gaulois comme eux, mais il l'est mieux et plus vivement; il l'est seul autant qu'eux tous à la fois. On retrouve en lui la couleur de Villon, la gentillesse de Froissart, la délicatesse de Charles d'Orléans, le bon sens d'Alain Chartier, et la verve mordante de Jean de Meung: tout cela est rapproché, concentré dans une originalité piquante, et réuni par un don précieux qui forme comme le fond de cette broderie brillante, l'esprit. De spirituelles et gracieuses épitres, des élégies où la sensibilité ne sert que d'assaisonnement à l'esprit, des épigrammes enfin pleines de verve et de malice, tels sont les genres poétiques qu'affectionne sa légère pensée. L'instrument dont il pouvait disposer suffisait à de pareilles œuvres; la poésie des fabliaux, polie par l'usage d'une cour brillante, n'est jamais en défaut sous sa main; le vers de dix syllabes, ce mètre qui semble né pour les piquants et joyeux récits, lui fournit une richesse étonnante de coupes et d'effets poétiques, dont Voltaire seul a su lui dérober le secret. La poésie familière, ingénieuse et sensée, l'un de nos trésors les plus précieux du moyen âge, a donc trouvé dans la personne de Marot son expression définitive. Ce n'est pas à dire pour cela que cette poésie ait dû suffire aux Français du seizième siècle, aux élèves de la Renaissance, et qu'ils n'aient rien dû souhaiter au delà. Nourris de Virgile, d'Horace, de Pindare, ils ne tardèrent pas à trouver un peu maigres ces braves formes de s'exprimer, qui ne pouvaient s'élever au-dessus des plus humbles sujets. LE LION ET LE RAT (A son ami Lyon Jamet, 1525.) Je te veux dire une belle Fable: Cestuy Lyon, plus fort qu'un vieil verrat, Adonc le Rat, sans serpe, ne cousteau, Et du Lyon, pour vrai, ne s'est gaudy.... Lors le Lyon ses deux grands yeux vertit, En lui disant, « O povre verminière, Tu n'as sur toi instrument, ne manière, 3 1. Voyez la Fontaine, livre II, Fable 11. 3. Pour me tirer de ce danger pressant. 2. Tourna. Va te cacher, que le chat ne te voye. Ce gros lien vrai est qu'il y songea : Assez longtemps, mais il vous le rongea Disant en soy: Nul plaisir, en effet Ne se perd point, quelque part qu'il soit faict. (Épitre XI.) ÉPITRE AU ROY. (Pour avoir été desrobé, 1531.) On dit bien vrai, la mauvaise fortune 1. La corde. - 2. Hillot, fils, enfant, en gascon. Pour si petit, mais encore il me happe Saye, et bonnet, chausses, pourpoint et cappe: Tous les plus beaux et puis s'en habilla Si justement, qu'à le veoir ainsi estre, Vous l'eussiez prins, en plain jour, pour son maistre Droit à l'estable, où deux chevaux trouva: De ne veoir pas les premiers raisins meurs. Je suis traicté. Or ce que me laissa Et en sirops et julez despendu : Ce neantmoins ce que je vous en mande, N'est pour vous faire ou requeste, ou demande : Je ne veux point tant de gens ressembler, 1. Akakia, professeur de médecine à l'Université de Paris, médecin de François Ier. 2. Etre à quia, être à bout de raisons et de ressources, être à la dernière extrémité, Qui n'ont soucy autre, que d'assembler 1. 4 Quand vostre los et renom cessera. (Livre I, Ép. XIV.) RONSARD. Pierre de Ronsard, né près de Vendôme en 1524, fut page du duc d'Orléans fils de François Ier, puis du prince écossais Jacques Stuart, rentra au service du duc d'Orléans et fut employé dans quelques missions diplomatiques. Il se voua ensuite tout entier aux lettres. Charles IX lui témoignait une grande affection. Ronsard mourut en 1585 dans un de ses prieurés près de Tours. OEuvres de Ronsard, Paris, 1567, 4 vol. in-4°; 16091623, 2 vol in-folio; 1629-30, 5 vol. in-12. OEuvres choisies de Ronsard, Paris, 1840; Œuvres inė– dites, 1855. A l'âge de dix-huit ans, Ronsard, forcé par une surdité précoce de renoncer à la cour, s'enferma, avec le jeune Baïf, son ami, avec Joachim du Bellay, avec Remi Belleau et Antoine Muret, dans un collége dont le savant Daurat |