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rens corps de ce superbe édifice, les différentes parties de ce monument admirable existent ou peuvent exister séparément dans la nature. Le génie de l'artiste n'a fait que les rapprocher, les rassembler, les unir à propos, et en composer un tout aussi parfait qu'il pou

voit l'être.

Il s'ensuit de tout ce que je viens de dire, que le poète, pour être en état d'inventer, doit porter des yeux attentifs sur la nature, en bien saisir toutes les parties, et le vrai beau; distinguer tout ce qui est, et tout ce qui peut être ; observer les hommes et leurs divers caractères, étudier à fond le cœur humain, démêler tous les secrets ressorts qui le font mouvoir, tous les sentimens dont il est susceptible, toutes les passions qui peuvent le maîtriser dans toutes les circonstances possibles de la vie.

L'homme inventeur n'est pas toujours De l'art de poète. Pour en mériter le beau titre, il peindre. faut qu'il rende l'objet qu'il a trouvé, aussi sensible à l'esprit et au cœur, que l'est aux yeux du corps un objet présenté sur la toile. Ce que fait la peinture par les couleurs, la poésie doit le faire par l'expression. Aussi emploie-t-elle un langage extraordinaire, qu'on peut appeler le langage des Dieux. Elle anime, elle personnifie, elle divinise même les différens êtres. L'Aurore est une jeune

déesse, qui ouvre avec ses doigts de roses les portes de l'Orient : ses pleurs sont la rosée qui humecte la terre, et qui redonne la vie aux fleurs. Le soleil est un Dieu monté sur un char étincelant, que traînent des chevaux immortels, qui vomissent la flamme. Les vents ont des ailes; le tonnerre a des flèches. Les vices. sont des monstres hideux: l'envie est dévorée de serpens : la vengeance est armée de poignards: la colère, agitée de mouvemens convulsifs a sans cesse l'écume dans la bouche: la calomnie, se traînant dans l'ombre, répand partout le fiel et le poison.

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Tous les objets que le poète offre à nos regards, portent l'empreinte d'une ima gination brûlante, d'un génie de feu, mais toujours dirigé par le goût. Ce sont les pensées les plus nobles et les plus hardies, les expressions les plus magnifiques et les plus animées, les métaphores les plus riches et les plus brillantes, les figures les plus vives et les plus pompeuses, les tours les plus nombreux et les plus variés, l'harmonie la plus agréable et la plus séduisante. Mais rien n'est hors de la nature tout en est une copie fidèle. Rien ne passe les bornes de la vraisemblance: tout est soumis aux sages loix de la raison. Le poète, dans ses plus grands écarts, ne marche qu'à la clarté de son flambeau. S'élevant et s'abaissant

:

dans son style, il sait le varier selon les sujets il prête un langage différent au monarque, au héros, au simple citoyen, au berger, en prenant, pour ainsi dire, leurs sentimens et leur ame. En un mot il sait donner à chaque objet le vrai coloris qui lui est propre, et dire chaque chose sur le ton qui lui convient. C'est ainsi qu'il imite, qu'il exprime la belle nature dans toute sa noblesse, dans toute sa vérité, dans toute sa perfection.

Ce que

te pour

Le poète doit donc, pour rendre son
style pittoresque, ou, ce qui est la même fait le poe.
chose, vraiment poétique, s'attacher peindre.
au choix des pensées et des expressions.
Il faut qu'elles soient toujours nobles,
riches, naïves, douces, gracieuses,
agréables, selon la diversité des sujets,
et qu'elles n'aient jamais rien de com-
mun ni de trivial. Il y a des mots qui
sont en eux-mêmes ignobles et bas. Le
génie du poète sait bien souvent les
rendre dignes de la haute poésie. Ainsi
Racine a eu l'art d'employer les mots
chiens et pavé, sans que la délicatesse
du lecteur en fût blessée.

Les chiens à qui son bras a livré Jésabel,
Attendant que sur toi sa fureur se déploie,
Déjà sont à ta porte et demandent leur proie.

Tu le vois, dit-il, en parlant de
Louis XIV,

Baiser avec respect le pavé de tes temples.

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déesse, qui ouvre avec ses doigts de roses les portes de l'Orient : ses pleurs sont la rosée qui humecte la terre, et qui redonne la vie aux fleurs. Le soleil est un Dieu monté sur un char étincelant, que traînent des chevaux immortels, qui vomissent la flamme. Les vents ont des ailes; le tonnerre a des flèches. Les vices sont des monstres hideux : l'envie est dévorée de serpens: la vengeance est armée de poignards: la colère, agitée de mouvemens convulsifs, a sans cesse l'écume dans la bouche: la calomnie, se traînant dans l'ombre, répand partout le fiel et le poison.

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Tous les objets que le poète offre à nos regards, portent l'empreinte d'une ima gination brûlante, d'un génie de feu, mais toujours dirigé par le goût. Ce sont les pensées les plus nobles et les plus hardies, les expressions les plus magnifiques et les plus animées, les métaphores les plus riches et les plus brillantes, les figures les plus vives et les plus pompeuses, les tours les plus nombreux et les plus variés, l'harmonie la plus agréable et la plus séduisante. Mais rien n'est hors de la nature: tout en est une copie fidèle. Rien ne passe les bornes de la vraisemblance: tout est soumis aux sages loix de la raison. Le poète, dans ses plus grands écarts, ne marche qu'à la clarté de son flambeau. S'élevant et s'abaissant

dans son style, il sait le varier selon les sujets: il prête un langage différent au monarque, au héros, au simple citoyen, au berger, en prenant, pour ainsi dire, leurs sentimens et leur ame. En un mot il sait donner à chaque objet le vrai coloris qui lui est propre, et dire chaque chose sur le ton qui lui convient. C'est ainsi qu'il imite, qu'il exprime la belle nature dans toute sa noblesse, dans toute sa vérité, dans toute sa perfection.

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Ce que

te pour

Le poète doit donc, pour rendre son style pittoresque, ou, ce qui est la même fait le poe. chose, vraiment poétique, s'attacher peindre. au choix des pensées et des expressions. Il faut qu'elles soient toujours nobles, riches, naïves, douces, gracieuses agréables, selon la diversité des sujets, et qu'elles n'aient jamais rien de commun ni de trivial. Il y a des mots qui sont en eux-mêmes ignobles et bas. Le génie du poète sait bien souvent les rendre dignes de la haute poésie. Ainsi Racine a eu l'art d'employer les mots chiens et pavé, sans que la délicatesse du lecteur en fût blessée.

Les chiens à qui son bras a livré Jésabel,
Attendant que sur toi sa fureur se déploie,
Déjà sont à ta porte et demandent leur proie.

Tu le vois, dit-il, en parlant de
Louis XIV,

Baiser avec respect le pavé de tes temples.

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