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vint à l'y faire appliquer qu'en | lui promettant de le laisser monter à cheval ou de faire des armes. Il servit d'abord en Flandre dans l'armée des alliés, commandée par le prince Eugène et par Marlborough. Il fut témoin de la prise de Lille en 1709, se signala au siége de Tournay, à celui de Mons, à la bataille de Malplaquet, et dit le soir de ce jour mémorable «< qu'il étoit content de sa journée. » La campagne de 1710 acquit à ce héros enfant un nouveau surcroît de gloire. Le prince Eugène et le duc de Marlborough firent publiquement son éloge. Le roi de Pologne assiégea l'année d'après Stralsund, la plus forte place de la Poméranie: le jeune comte servit à ce siége, et y montra la plus grande intrépidité il passa la rivière à la nage, à la vue des ennemis, et le pistolet à la main. Sa valeur n'éclata pas moins à la sanglante journée de Guedelbusck, où il eut un cheval tué sous lui, après avoir ramené trois fois à la charge un régiment de cavalerie qu'il commandoit alors. Après cette campagne, la comtesse de Konigsmarck lemaria avec la comtesse de Lobin, éga- | lement aimable et riche. Cette union ne dura pas. Le comte fit dissoudre son mariage en 1721, et se repentit plusieurs fois de cette démarche. Son épouse ne T'avoit quitté qu'avec beaucoup de regret; mais ces regrets ne l'empêchèrent pas de se remarier peu de temps après. Le comte de Saxe, son premier époux, aimoit trop les plaisirs, et varioit trop dans ses goûts pour se soumettre au joug et aux devoirs du mariage.

Sa morale sur cet objet, dit Thomas, ressembloit à celle des anciens héros dont il avoit la force. Son caractère fier et libre

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ne lui permettoit guère de s'assu jettír à plaire; et il aimoit mieux commander l'amour que le mériter. » Cependant au milieu des voluptés où il se plongeoit quelquefois, il ne perdoit pas de vue sa profession. Par-tout où il alloit, il avoit une bibliothèque militaire; et dans les momens même où il sembloit le plus occupé de ses plaisirs, il ne marquoit jamais de se retirer pour étudier au moins une heure ou deux. En 1717 il s'étoit rendu en Hongrie. L'empereur y avoit alors une armée de 15,000 hommes sous les ordres du prince Eugène, la terreur des Ottomans. Le héros saxon se trouva au siége de Belgrade, et à une bataille que ce prince gagna sur les Turcs. Dé retour en Pologne, l'an 1718, le roi le décora de l'ordre de l'Aigle blanc. L'Europe pacifiée par les traités d'Utrecht et de Passarowitz n'offrant au héros saxon aucune occasion de se signaler il se détermina, en 1720, à passer en France, pour y jouir des douceurs de la société. Il avoit eu de tout temps beaucoup d'inclis nation pour les Français; et ce goût sembloit être né en lui avec celui de la guerre : la langue française fut la seule langue étrangère qu'il voulut apprendre dans son enfance. Le duc d'Orléans se l'attacha par un brevet de maréchalde-camp. Le comte de Saxe enploya tout le temps que dura la paix à étudier les mathématiques, le génie, les fortifications, les mécaniques, sciences pour lesquelles il avoit un talent décidé. L'art d'exercer les troupes avoit fixé son attention presqu'au sortir de l'enfance. Dès l'âge de 16 ans il avoit inventé un nouvel exercice, et l'avoit fait exécuter en Saxe avec le plus grand succès. En 1722, ayant obtenu un régiment

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en France, il le forma, et l'exerça sur lequel cette princesse monta Jui-même suivant sa nouvelle mé- depuis. Une anecdote qu'on ne thode. Le chevalier Folard, juste doit point oublier, c'est que le appréciateur des talens militaires, comte de Saxe ayant écrit de présagea dès-lors qu'il seroit un Gourlande en France pour avoir grand homme. Les états de Cour- un secours d'hommes et d'argent, lande le choisirent pour souve-mademoiselle Le Couvreur, farain de leur pays en 1726. La Po-meuse actrice, mit ses bijoux et logne et la Russie s'armèrent con- sa vaisselle en gage pour secourir tre lui La czarine voulut faire son amart, et lui envoya une

somme de 40 mille livres. Cette

dans les camps. Le comte de Saxe se retira de nouveau en France. Entièrement livré aux mathématiques, il y composa en 13 nuits, et pendant les accès d'une fièvre, ses Réveries, qu'il retoucha depuis. Cet ouvrage, digne de César et de Condé, est écrit d'un style peu correct, mais mâle et rapide, plein de vues profondes, de nouveautés hardies, et propre également à former le général et le soldat. Il développa dans cet ouvrage des principes qui semblent avoir eu une grande influence sur la manière actuelle

tember ce duché sur la tête de Menzicoff, cet heureux aventu-actrice avoit formé son esprit pour rier, qui, de garçon pâtissier de- les choses agréables. Elle lui vint général et prince. Ce rival du avoit fait lire la plupart de nos comte de Saxe envoya à Mittaw poètes, et lui avoit donné beauSoo Russes, qui investirent le coup de goût pour les spectapalais du comte, et l'y assiegècles, goût qui le suivit jusque rent. Le comte, qui n'avoit que 60 hommes, s'y défendit avec le plus grand courage: le siége fut levé, et les Russes obligés de se retirer. La Pologne armoit de son côté. Maurice, retiré avec ses troupes dans l'île d'Usmaiz, parle à ses peuples en souverain, et s'apprête à les défendre en héros. Les Russes veulent le forcer dans cette retraite où il n'avoit que 500 soldats. Leur général qui en avoit 4000, joignant la perfidie à la force, tente de le surprendre dans une entrevue. Le comte, instruit de ce complot, le fit rougir de sa lâcheté, et rompit la de faire la guerre. Il y insiste conférence. Cependant, comme sur l'utilité des pièces d'artil il n'avoit pas assez de forces pour lerie légères, et qui peuvent se défendre contre la Russie et la être transportées avec rapidité; Pologne, il fut obligé de se retirer sur l'avantage qu'obtient presque Fan 1729, en attendant une cirà coup sûr l'armée qui attaque; constance favorable. On prétend sur l'utilité des troupes d'infanteque la duchesse de Courlanderie légère; enfin sur la supériodouairière, Anne Iwanowa (deu- rité certaine de l'infanterie sur la xième fille du czar Iwan Alexio- cavalerie, lorsqu'elle en attend le witz, frere de Pierre-le-Grand), choc de pied ferme et ne tire qu'a qui l'avoit soutenu d'abord dans bout touchant, et sur sa perle l'espérance de l'épouser, l'aban-assurée dans le cas où elle agit donna ensuite, désespérant de pouvoir fixer son inconstance. Cette inconstance lui fit perdre non-seulement la Courlande mais encore le trône de Moscovie

d'une maniere différente. La mort du roi de Pologne son père alluma la guerre en Europe 1733. L'électeur de Saxe offrit au comte son frère le commande

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les réduisit à l'inaction. L'année 1745 fut encore plus glorieuse. Il se conclut en janvier un traité d'union à Varsovie, entre la reine de Hongrie, le roi d'Angleterre et la Hollande, L'am

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ayant rencontré le maréchal de Saxe dans la galerie de Versailles, lui demanda ce qu'il pensoit de ce traité ? «Je pense, répondit ce général, que si le roi mon maître veut me donner carte blanche, j'irai lire à La Haye l'original du traité avant la fin de l'année. » Cette réponse n'étoit point une rodomontade; le maréchal de Saxe étoit capable de l'effectuer. Il alla prendre, quoique très-malade, le comman dement de l'armée française dans les Pays-Bas. Quelqu'un le voyant dans cet état de foiblesse, avant son départ de Paris, lui demanda comment il pourroit se charger d'une si grande entreprise?« line s'agit pas seulement de vivre, répondit-il, mais de partir.» Peu de temps après l'ouverture de la campagne, se livra la bataille de Fontenoi, le 11 mai 1745. Le général étoit presque

'ment général de toutes ses troupes, Čelui-ci aima mieux servir en France en qualité de maréchalde-camp, et se rendit sur le Rhin à l'armée du maréchal de Berwick. Ce général, sur le point d'attaquer les ennemis à Etlin-bassadeur des états - généraux ghen, voit arriver le comte de Saxe dans son camp. «Comte, Tui dit-il aussitôt, j'allois faire venir 3000 hommes, mais vous 'me valez seul ce renfort. » Ce fut dans cette journée qu'il pénétra, à la tête d'un détachement de grenadiers, dans les ligues des ennemis, en fit un grand carnage, et décida la victoire par sa bravoure. Non moins intrépide au siége de Philisbourg, il fut chargé d'un grand nombre d'attaques, qu'il exécuta avec autant de succès que de valeur. Le grade de lieutenant-général fut en 1734 la récompense de ses services. La mort de Charles VI replongea l'Europe dans les dissentions que la paix de 1736 avoit éteintes. Prague fut assiégée à la fin de novembre 1741, et en ce même mois le comte de Saxe l'emporta par escalade. La ville d'Egra fut prise après quelques jours de tranchée ouverte. Cet événement fit beaucoup de brit dans l'Eu- d'osier pour visiter tous les posrope, et causa la plus grande joie tes. Pendant l'action il monta à à l'empereur Charles VII, qui cheval; mais son extrême foiécrivit de sa propre main au vain- blesse faisoit craindre qu'il n'exqueur pour l'en féliciter. Il ra- pirât à tout moment. C'est ce qui mena ensuite l'armée du maré-fit dire au roi de Prusse, dans une chal de Broglie sur le Rhin lettre qu'il lui écrivit long-temps où il établit différens postes, et après: Agitant, il y a quelques s'empara de toutes les lignes de jours, quelle étoit la bataille de Lahterbourg. Devenu maréchal ce siècle qui avoit fait le plus de France le 26 mars 1744, il d'honneur au géneral, tout le commanda en chef un corps monde tomba d'accord que c'étoit, 'd'armée en Flandre. Cette cam-" "sans contredit, celle dont le gépagne, chef-d'œuvre de l'art néral étoit à la mort lorsqu'elle militaire, fit placer le maréchal se donna.» La victoire de Fonde Saxe à côté de Turenne. Il tenoi, due principalement à sa observa si exactement les enne- capacité, fut suivie de la prise de mis, supérieurs en nombre; qu'il Tournai, de celle de Bruges, de

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se fit porter dansant: il

voiture

Songe, songe, Senac, à cette nuit eruelle,
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle;

Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris

des mourans,

Dans la flamme étouffés, sous le fer expirans! Il ajouta à ces vers de l'Andromaque de Racine, « et tous ces soldats n'en savent rien encore. » Ce mouvement d'un général qui, dans le silence de la nuit, s'attriste en pensant aux massacres du lendemain, prouve un grand fonds d'humanité. Ce même hom

Gand, d'Oudenarde, d'Ostende, | qui précéda la célèbre bataille d'Ath et de Bruxelles. Cette der- de Rocoux : nière ville se rendit le 28 février 1746. Au mois d'avril de la même année le roi donna au vainqueur de Fontenoi des lettres de naturalité conçues dans les termes les plus flatteurs. Les campagnes suivantes lui méritèrent de nouveaux honneurs. Après la victoire de Rocoux, remportée le 11 octobre 1746, le roi lui fit présent | de six pièces de canon. Il le créa maréchal de toutes ses armées le 12 janvier de l'année suivante, et commandant-général de tous les Pays-Bas nouvellement conquisme, qui s'attendrissoit sur le sort en 1748. Cette année fut marquée par des succès brillans, et surtout par la prise de Maestricht, qui se rendit à Lowendahl le 7 mai. L'année précédente l'avoit été par la victoire de Lawfeld et par la prise de Berg-op-Zoom. La Hollande épouvantée trembla pour ses états, et demanda la paix après l'avoir refusée. Elle fut conclue le 18 octobre 1748, et l'on peut dire que l'Europe dut son repos aux talens du maréchal de Saxe. Ce grand homme se retira ensuite au château de Chambord, que le roi lui avoit donné pour en jouir comme d'un bien propre. Il ne quitta sa retraite que pour faire un voyage à Berlin où le roi de Prusse l'accueillit comme Alexandre auroit reçu César. De retour en France, le maréchal de Saxe se délassa de ses fatigues au milieu des gens de lettres, des artistes et des philosophes. Il mourut le 30 novembre 1750. Cet homme, dont le nom avoit retenti dans toute l'Europe, compara, en mourant, sa vie à un rêve : « M. de Sepac, dit-il à son médecin, j'ai fait un beau songe.»> Il avoit dit au même médecin, qui le trouvoit triste pendant la nuit |

des soldats, faisoit valoir avec zèle les services des officiers, et les appuyoit à la cour de tout son crédit. Il ménageoit autant qu'il pouvoit le sang des subalternes. Un jour, un officier général lui montrant un poste qui pouvoit être utile: « Il ne vous coûtera pas, dit-il, plus de 12 grenadiers... 1) - «Passe encore, dit le maréchal de Saxe, si c'étoit 12 lieutenans-généraux. » Sans doute, dit Thomas, par cette plaisanterie, il ne vouloit point blesser un corps d'officiers aussi respectables par leurs services que par leurs grades ; il vouloit seulement faire voir combien il falloit ménager uu corps de soldats dont la valeur étoit assurée. Il étoit impossible que le maréchal de Saxe, frère naturel du roi de Pologne, élu souverain de Courlande, et né avec une imagination forte et inquiète, n'eût pas de l'ambition. Il eut de bonne heure la fantaisie d'être roi. Ayant manqué d'être empereur de Russie par son inconstance en amour, il fit, dit-on, le projet de rassembler les juifs, et d'être le souverain d'une nation qui, depuis 1700 ans, n'a ni chef, ni patrie. Cette idée chi

mérique ne pouvant se réaliser il eut sur le royaume de Corse des vues qui ne réussirent pas mieux. Il avoit eu plusieurs fois dans la tête une forte envie de se faire un établissement en Amérique et sur-tout au Brésil.Il étoit occupé de ces idées extraordinaires et romanesques lorsque la mort le surprit. Il avoit été élevé et il mourut dans la religion luthérienne. « Il est bien fâcheux, dit la reine, en apprenant sa mort, qu'on ne puisse pas dire un De profundis pour un homme qui a fait chanter tant de Te Deum,» Le roi le pleura. L'ambassadeur d'Espagne lui ayant appris une perte considérable en vaisseaux que son maître venoit de faire, Louis XV lui répondit : « M. l'ambassadeur, je viens d'en faire une plus grande; on peut refaire des vaisseaux, mais on ne refait pas des hommes tels que le maréchal de Saxe. » Le héros saxon avoit demandé que son corps fût brûlé dans de la chaux vive, « afin dit-il, qu'il ne reste rien de moi dans le monde que ma mémoire parmi mes amis. » On ne souscrivit point à cette demande; son corps fut transporté avec la plus grande pompe à Strasbourg, pour Y être inhumé dans l'église luthérienne de Saint Thomas, où l'on a placé son mausolée. L'académie française proposa pour sujet en 1759, l'éloge de ce héros; et ce prix fut remporté par Thomas. On a fait plusieurs éditions des Réveries du maréchal de Saxe. La seule honne est celle de Paris, en 1757, en 2 vol. in-4°. Elle a été conférée, avec la plus grande exactitude, sur le manuscrit original qui est à la bibliothèque impériale Cette édition est accompagnée de plusieurs dessins gravés avec précision,et précédée

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d'un abrégé de la vie de l'auteur. Elle avoit déjà été écrite fort au long, mais avec moins d'exactitude et d'élégance, en 1752, en 2 vol. in-12. Voyez aussi l'Eloge du comte de Saxe › par Thomas, Paris, 1761, in-8°; et son Histoire, par d'Espagnac, 2 vol. in - 12. Quoique cette Histoire tienne de la nature des éloges, l'auteur est assez impartial pour observer que, dans les trois ba tailles sur lesquelles est particulièrement fondée la réputation du comte de Saxe, il fut secondé par tout ce qui peut donner la victoire. « Il faut convenir que jamais général ne fut mieux aidé dans ses moyens. Honoré de la confiance du roi, il n'étoit gêné dans aucun de ses projets. Il avoit toujours sous ses ordres des armées nombreuses, des troupes bien tenues, et des officiers d'un grand mérite; aidé pour la conduite des marches et des détails par des sujets d'une expérience et d'une habileté consommée, ayant les vivres dirigés par des hommes uniques, etc. »

à

* IV. SAXE (Christophe), Christophorus Saxius, professeur d'histoire, d'antiquités, etc.. Funiversité d'Utrecht, mort dans cette ville le 3 mai 1806, à l'âge de 92 aus, est auteur des ouvrages suivans: I. Onomasticon litterarium sive Nomenclator historico-criticus præstantissimorum scriptorum, ab orbe condito usque ad sæculum quod vivimus tempora digestus, editio nova, Trajecti ad Rhenum, 1773 et 1803,8 vol. in-8°. Cet ouvrage est très-estimé; le dernier volume est un supplément. Il y a un abrégé des deux premiers volumes (jusqu'en 1499), sous le titre d'Epitome Onomastici litterarii, Trajecti ad Rhenum,

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