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LIVRE VI. '

Aspect de l'Assemblée législative à ses premières séances.

de la royauté y est mis en question.

Le cérémonial - Le roi se présente à l'Assemblée.

- Il y est reçu avec applaudissements. - · Difficultés de l'Assemblée. —

---

Le clergé, l'émigration, la guerre.
contre le serment civil.
Réponse de Torné, évêque constitutionnel de Bourges.
l'impression de ce discours. Gensonné conseille la tolérance.

Une partie du clergé se déclare
Discours de Fauchet, prêtre assermenté.

Ducos demande

- Isnard

Décret contre les pré

la combat aux applaudissements des Girondins. tres non assermentés. - Discours de Brissot contre les puissances et contre les émigrés. Discours de Condorcet dans le même sens. monte à la tribune. Son portrait.

des cultes.

-

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cours d'Isnard. Décret contre les émigrés. Ces deux décrets consternent le roi et son conseil. Lettre d'André Chénier sur la liberté Lutte des journaux girondins et jacobins contre les FeuilLa Fayette résigne le commandement de la garde nationale. Bailly, maire de Paris, se retire la même époque. Pétion est nommé

lants.

à sa place.

Danton, comme substitut de procureur de la commune,

commence sa fortune populaire.

1.

Telles étaient les dispositions réciproquement menaçantes de la France et de l'Europe, au moment où l'Assemblée constituante, après avoir proclamé les principes, laissait à d'autres le soin de les défendre et de les appliquer. C'était comme le législateur qui se retirait dans son repos, pour contempler ses lois

en activité. La grande pensée de la France abdiquait, pour ainsi dire, avec l'Assemblée constituante. Le gouvernement tombait de haut entre les mains de l'inexpérience ou de la passion d'un nouveau peuple. Du 29 septembre au 1er octobre, il y eut comme un changement de règne. L'Assemblée législative se trouva, ce jour-là, face à face avec un roi sans autorité, au-dessus d'un peuple sans modération. On sentit, dès sa première séance, l'oscillation désordonnée d'un pouvoir sans tradition et sans contrepoids, qui cherche son aplomb dans sa propre sagesse, et qui, flottant de l'insulte au repentir, se blesse lui-même avec l'arme qu'on lui a mise dans la main.

II.

Une foule immense s'était portée à ses premières séances. L'aspect extérieur de l'Assemblée était changé. Presque tous les cheveux blancs avaient disparu. On eût dit que la France avait rajeuni dans une nuit. L'expression des physionomies, les traits, les gestes, les costumes, l'attitude des membres de l'Assemblée n'étaient plus les mêmes. Cette fierté de la noblesse française empreinte dans le regard et sensible dans les manières, cette dignité du clergé et de la magistrature, cette gravité austère des premiers députés du tiers état avaient tout à coup fait place aux représentants d'un peuple nouveau, dont

la confusion et la turbulence annonçaient l'invasion au pouvoir plutôt que l'habitude et la possession du gouvernement. L'extrême jeunesse s'y faisait remarquer en foule. Quand le président d'âge, pour former le bureau provisoire, somma les députés qui n'avaient pas encore accompli leur vingt-sixième année de se présenter, soixante jeunes gens se pressèrent autour de la tribune et se disputèrent le rôle de secrétaires de l'Assemblée. Cette jeunesse des représentants de la nation inquiéta les uns, réjouit les autres. Si, d'un côté, une telle représentation n'offrait rien de cette maturité calme et de cette autorité du temps que les législateurs antiques recherchaient dans les conseils des peuples; d'un autre côté, ce rajeunissement soudain de la représentation nationale était comme un symptôme du rajeunissement complet des institutions. On sentait que cette nouvelle génération avait rompu avec toutes les traditions et tous les préjugés de l'ancien ordre de choses. Son âge même était une garantie, à l'inverse des civilisations assises, où l'on demande aux législateurs de donner par leurs années des gages au passé. On demandait à ceux-ci de donner des gages à l'avenir. Leur inexpérience était un mérite, leur jeunesse était un serment. Les temps calmes veulent des vieillards, les révolutions veulent des jeunes gens.

A peine l'Assemblée était-elle constituée, que le

double esprit qui allait s'en disputer les actes, l'esprit monarchique et l'esprit républicain, s'y livra, sous un frivole prétexte, une lutte puérile en apparence, sérieuse au fond, et y fut tour à tour vaincu et vainqueur en deux jours. La députation qui s'était rendue près du roi, pour lui annoncer la constitution de l'Assemblée, rendit compte de sa mission par l'organe du député Ducastel, président de cette députation: « Nous avons hésité, » dit-il, « sur les >> formes du langage à adopter en parlant au roi. » Nous avons craint de blesser ou la dignité nationale » ou la dignité royale. Nous sommes convenus de » lui dire : --- Sire, l'Assemblée est constituée; elle » nous a députés pour en informer Votre Majesté.» Nous nous sommes rendus aux Tuileries. Le mi»nistre de la justice est venu nous annoncer que le >> roi ne pouvait nous recevoir qu'aujourd'hui à une >> heure. Nous avons pensé que le salut de la » chose publique exigeait que nous fussions admis »sur-le-champ, et nous avons insisté. Le roi alors »> nous a fait dire qu'il nous recevrait à neuf heures. » Nous y sommes allés. A quatre pas du roi, je l'ai >> salué; j'ai prononcé les mots convenus. Le roi » m'a demandé le nom de mes collègues, je lui » ai répondu que je ne les connaissais pas. Nous >> allions nous retirer, lorsqu'il nous a arrêtés en >> nous disant: - Je ne pourrai vous voir que ven» dredi. »>

Une sourde agitation qui courait déjà dans les rangs de l'Assemblée, éclate à ces dernières paroles. « Je demande, » s'écrie un député, « qu'on ne se » serve plus de ce titre de Majesté. - Je demande, »> ajoute un autre, « qu'on répudie ce titre de sire, qui » est une abréviation de seigneur, et qui reconnaît une souveraineté dans celui à qui on le donne. » Je demande, » dit le député Becquet, « que nous »ne soyons pas comme des automates, assis ou de»>bout quand il plaira au roi de se tenir debout ou » de s'asseoir. » Couthon éleva la voix pour la première fois, et sa première parole fut une menace à la royauté. « Il n'y a plus d'autre majesté ici que » celle de la loi et du peuple, » dit-il; « ne laissons » au roi d'autre titre que celui de roi des Français ! >> Faites retirer ce fauteuil scandaleux, ce siége doré

qu'on lui a apporté la dernière fois qu'il a paru » dans cette salle : qu'il s'honore de s'asseoir sur le » simple fauteuil du président d'un grand peuple; » que le cérémonial entre lui et nous soit celui de » l'égalité; soyons debout et découverts quand il » sera découvert et debout, restons couverts et assis » quand il s'asseoira et se couvrira. - Le peuple, »> reprit Chabot, « vous a envoyés ici pour faire res» pecter sa dignité. Souffrirez-vous que le roi vous >> dise : Je viendrai à trois heures? - Comme si >> vous ne pouviez pas lever la séance sans l'at>> tendre! >>>

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