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ment favorable pour afficher à sa porte la sommation de comparaître devant le tribunal des invisibles (1).

Les sommations portaient d'abord le nom du coupable, écrit en grosses lettres, puis le genre de ses crimes vrais ou prétendus, soit comme sorcier, ou comme traître, ou comme impie, etc.; ensuite ces mots: Nous, les secrets vengeurs de l'Éternel, les juges implacables des crimes, et les protecteurs de l'innocence, nous te citons d'ici à trois jours, devant le tribunal de Dieu. Comparais! comparais!

La personne citée se rendait sur un carrefour, où aboutissaient quatre rues. Un franc-juge masqué et couvert d'un manteau noir s'approchait lentement, en prononçant le nom du coupable qu'il cherchait. Il l'emmenait en silence et lui jetait sur le visage un voile épais pour l'empêcher de reconnaitre le chemin qu'il parcourait. On descendait dans une caverne. Tous les juges étaient masqués et ne parlaient que par signes, jusqu'au moment du jugement. Alors on sonnait une cloche; le lieu s'éclairait, l'accusé se trouvait au milieu d'un cercle de juges (2), vêtus de noir. On lui découvrait le visage, et on procédait à son jugement.

Mais il était rare qu'on citât de la sorte, hormis

(1) Les francs-juges se nommaient aussi les invisibles, et les inconnus. Ils tenaient leurs séances partout et nulle part; et leurs bras se trouvaient en tous lieux, comme la présence de l'Éternel.

(2) Dans le procès de Conrard de Langen, où il fut condamné, il se trouva au tribunal secret plus de trois cents francs-juges.

pour les fautes légères. Il était plus rare encore que la personne citée comparût. Le malheureux que les francs-juges poursuivaient ṣe hâtait de quitter la Westphalie (1), trop heureux, en abandonnant tous ses biens, d'échapper aux poignards des invisibles.

Quand les juges, chargés d'exécuter les sentences du tribunal, avaient trouvé leur victime, ils la pendaient, avec une branche de saule, au premier arbre qui se rencontrait sur le grand chemin. Poignardaient-ils, ils attachaient le cadavre à un tronc d'arbre, et y laissaient le poignard, afin qu'on sût qu'il n'avait pas été assassiné, mais exécuté par un francjuge.

Il n'y avait rien à objecter aux sentences de ce tribunal; il fallait les exécuter sur-le-champ avec la plus parfaite obéissance. Tous les juges s'étaient engagés, par un serment épouvantable, à dénoncer, en cas de délit, père, mère, frère, sœur, ami, parent, şans exception; et à immoler ce qu'ils auraient de plus cher, dès qu'ils en recevraient l'ordre : celui qui ne donnait point la mort à son frère condamné, la re

cevait aussitôt.

On peut juger de l'obéissance servile qu'exigeait le tribunal secret, de la part de ses membres, par ce mot du duc Guillaume de Brunswick, qui était du nombre des francs-juges : « Il faudra bien, dit-il un

(1) Le tribunal secret désignait la Westphalie sous le nom symbolique de la terre rouge.

» jour tristement (1), que je fasse pendre le duc Adolphe de Sleswick, s'il vient me voir, puis» qu'autrement mes confrères me feront pendre moi

>> même. »>

Il arriva quelquefois qu'un franc-juge, rencontrant un de ses amis condamné par le tribunal secret, l'avertit du danger qu'il courait, en lui disant : On mange ailleurs aussi bon pain qu'ici. Mais dès lors les francs-juges ses confrères étaient tenus par leur serment de pendre le traitre, sept pieds plus haut que tout autre criminel condamné au même supplice.

Un tribunal si détestable, sujet à des abus si crians et si contraires à toute raison et à toute justice, subsista pourtant pendant plusieurs siècles en Allemagne. Il devint si terrible que la plupart des gentilshommes et des princes furent obligés de s'y faire agréger. Vers la fin du quatorzième siècle, on le vit s'élever tout à coup à un degré de puissance si formidable, que l'Allemagne entière en fut épouvantée. Quelques historiens affirment qu'il y avait à cette époque, dans l'empire, plus de cent mille francs-juges qui, par toutes sortes de moyens, mettaient à mort quiconque avait été condamné par leur tribunal. Dès que la sentence était prononcée, cent mille assassins étaient en mouvement pour l'exécuter, et nul ne pouvait se flatter d'échapper à leurs recherches. On raconte que le duc Frédéric de Brunswick,

(1) Jean de Busche.

condamné par les francs-juges, s'étant éloigné de sa suite, à peu près de la portée d'un arc, le chef de ses gardes, impatienté de sa longue absence, le suivit, le trouva assassiné, et vit encore le meurtrier s'enfuir.

-Enfin,après avoir été réformé à plusieurs reprises, par quelques empereurs qui rougirent des horreurs que l'on commettait en leur nom, le tribunal secret, souillé de tant de crimes, fut entièrement aboli par l'empereur Maximilien I". au commencement du seizième siècle (1).

UKOBACH,

U.

- Démon d'un ordre inférieur. Il se montre toujours avec un corps enflammé. On le dit inventeur des fritures et des feux d'artifice. Il est Belzebuth, d'entretenir l'huile dans les chaudières infernales.

chargé, par

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UPHIR, Démon chimiste, très-versé dans la connaissance des simples. Il est responsable aux enfers de la santé de Belzebuth et des grands de sa cour. Les médecins l'ont pris pour leur patron, depuis le discrédit d'Esculape.

VALAFAR,

V.

Duc des enfers. Il a la forme d'un lion, et la tête d'un voleur. Il entretient la bonne

(1) On croit que ce fut en 1513.

intelligence entre les brigands, jusqu'au pied de la potence (1).

VAMPIRES. C'étaient des morts qui sortaient la nuit de leurs cimetières, pour aller sucer les vivans. La Hongrie, la Pologne, la Moravie, en furent long-temps infestées. Il en parut considérablement, en Russie et en Pologne, vers la fin du dixseptième siècle.

Les vampires peuvent quitter leurs cercueils, depuis midi jusqu'à minuit. Ils vont la nuit embrasser étroitement leurs parens et leurs amis, et leur sucent le sang, jusqu'à les exténuer et leur causer la mort.

-Quand on déterre les vampires, il sort de leur corps une grande quantité de sang, que quelques-uns mêlent avec de la farine pour faire du pain, lequel garantit celui qui le mange des vexations du revenant. Ceux qui ont été sucés par les vampires, sans avoir eu soin de s'en guérir, ou en mangeant ce pain magique, ou en avalant un peu de la terre qui couvrait le cadavre du mort, ou en se frottant de son sang, ceux-là deviennent vampires, et sucent à leur tour, quand ils sont morts, sans qu'on puisse trouver la raison, bonne ou mauvaise, de ces prodiges effrayans.

Un pâtre des environs de Kadam en Bohême revint, comme bien d'autres, quelque temps après

(1) Wierius.

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