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ou par quelques attraits qui ne sont que du clinquant. Cet amour-là ne fait pas le bonheur. S'il n'est fondé sur une connaissance approfondie du caractère et des moeurs, et sur une estime réciproque, il pourra enfanter une sympathie d'un moment; puis après, une antipathie éternelle. Alexandre aimait Bucéphale.

Auguste chérissait les perroquets;

Néron, les étourneaux;

Virgile, les papillons;

Commode sympathisait merveilleusement avec son singe;

Héliogabale, avec un moineau ;
Honorius, avec une poule;

Saint Antoine, avec son coehon;

Saint Denis, avec son âne,

Saint Corbinian, avec son ours;

Saint Roch, avec son chien. (Voyez Antipathie).

T.

TABAC.Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne, est le premier qui nous ait fait connaître le tabac; le cardinal de Sainte-Croix l'introduisit en Italie, et le capitaine Drack en Angleterre.

Jamais la nature n'a produit de végétaux dont l'usage se soit étendu si rapidement et si universellement que le tabac mais il a eu ses adversaires, ainsi que ses partisans. Un empereur turc, un czar de Russie, un roi de Perse, le défendirent à leurs

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sujets, sous peine de perdre le nez, ou même la vie. Urbain VIII excommunia, par une bulle, ceux qui en prenaient à l'église. Jacques I., roi d'Angleterre, composa un gros livre, pour en faire connaître les dangers. La faculté de médecine de Paris fit soutenir une thèse, sur les mauvais effets de cette plante, prise en poudre ou en fumée ; et le docteur qui y présidait ne cessa de prendre du tabac, pendant toute la séance.

Les habitans de l'ile Saint-Vincent croient que le tabac était le fruit défendu du paradis terrestre, et que ses feuilles servirent à couvrir la nudité de nos premiers pères (1).

TALAPOINS. La fourberie est tellement répandue parmi les hommes, dit quelque part Suidas, qu'il serait plus facile de compter les feuilles du printemps, que les imposteurs qui chargent la terre. Cette triste vérité s'adresse à tous les peuples, mais surtout à ces nations malheureuses chez qui l'éternelle superstition s'elève, comme un colosse inébranlable.

Les peuples de Lao (2), si l'on en croit Marini et quelques autres voyageurs, sont doux et simples, hon

(1) Saint-Foix.

(2) Royaume d'Asie, au-delà du Gange, au midi de la Chine. Les Langiens ont une espèce de religion qui ressemble en quelque chose à celle des Chinois; ils croient à la métempsycose, qu'ils ont défigurée par mille opinions ridicules, sur l'âme et ses transmigrations. Le roi de Lao ne se montre que deux fois dans l'année.

nêtes envers les étrangers, bienfaisans envers tous, et d'un naturel assez ingénieux; mais ils languissent dans les ténèbres de l'ignorance, sous le despotisme le plus avilissant, parce que les plus grossières superstitions écrasent leur énergie, et chassent de leur âme tout autre sentiment que celui des folles terreurs. Les Talapoins, leurs prêtres et leurs maîtres, gouvernent le peuple à leur gré et font trembler le prince jusques sur son trône. Ils sont pris dans la lie du peuple, et ne deviennent Talapoins, qu'après avoir prouvé par un long noviciat, qu'ils soutiendront dignement l'honneur de l'ordre. Leurs couvens sont riches; et l'appartement du supérieur est plus somptueux que celui du monarque. Il siége sur un trône plus élevé de quelques degrés que le trône du roi. Le revenu le plus considérable des Talapoins est l'offrande publique qu'ils reçoivent pour l'idole Chaca, vers le commencement d'avril. Les dons des riches Langiens doivent être d'or, d'argent, ou tout au moins d'étoffes précieuses. Au reste, les prêtres s'occupent peu de la divinité. Tous leurs sermons tendent à persuader au peuple l'excellence et la sublimité des Talapoins, leur étonnante habileté dans la magie, la nécessité où l'on est, pour vivre heureux dans cette vie, et beaucoup plus dans l'autre, de leur donner ses biens, ses soins, et, s'il le faut, sa vie, de les servir, de les craindre, de les respecter, etc. Ils défendent aussi de boire du vin, de mentir, de dérober, de commettre l'adultère et d'assassiner; néanmoins, ceux qui ont du goût pour ces sortes de choses, peuvent en passer leur en

vie, à la faveur d'un brevet de dispense ou d'expiation, que les Talapoins délivrent, moyennant une grosse somme. Ces actes sont écrits sur des feuilles de palmier, avec un stylet de fer.

Les Langiens sont fort entêtés pour la magie et les sortiléges. Ils croient que le moyen le plus sûr de se rendre invincibles, est de se frotter la tête d'une certaine liqueur composée de vin et de bile humaine. Ils en mouillent aussi les tempes et le front de leurs éléphans. Pour se procurer cette drogue, ils achètent, 6'ils sont assez riches, la permission de tuer. Puis ils chargent de cette commission, des mercenaires qui en font leur métier. Ceux-ci se postent au coin d'un bois, et tuent le premier qu'ils rencontrent, homme ou femme, lui fendent le ventre, et en arrachent le fiel. Si l'assassin ne rencontre personne dans sa chasse, il est obligé de se tuer lui-même, ou sa femme, ou son enfant, afin que celui qui l'a payé ait de la bile humaine, pour son argent.

Les Talapoins profitent, avec beaucoup d'adresse, de la crainte qu'on a de leurs sortiléges, qu'ils donnent et ôtent, à volonté, suivant les sommes qu'on leur offre. Les Langiens les détestent; mais la crainte les oblige à montrer la plus grande soumission pour ces saints personnages, et à leur rendre les services les plus vils. Les grands et les princes vont, en hiver, couper du bois dans les forêts, et le portent publiquement, sur leurs épaules, aux monastères des Talapoins, qui croiraient se déshonorer en travaillant. Dans l'été, c'est à qui leur portera des simples et des

plantes aromatiques, afin qu'ils puissent se baigner plus voluptueusement.

Les Talapoins se font regarder aussi comme de grands faiseurs de miracles, et c'est par miracles qu'ils prétendent chasser toutes sortes de maladies. Quand un Langien est malade, ils lui envoient un de leurs vieux habits, dont le seul attouchement doit lui rendre la santé, fût-il à son der nier instant. Mais comme il est rare que cet habit miraculeux guerisse aucune maladie, les Talapoins ne manquent pas de s'en prendre à l'avarice du Langien qui n'a pas donné assez aux saints religieux, et à son incrédulité qui a repoussé le miracle.

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Tous les Langiens sont obligés de se prosterner devant leurs prêtres; et le roi, qui les redoute à cause de leur grand nombre et du fanatisme qu'ils entretiennent dans l'esprit du peuple, les respecte luimême, jusqu'à s'incliner devant eux, toutes les fois qu'ils se présentent. Un jeune homme, occupé de quelque grande affaire, passa sans y faire attention devant un de ces prètres, et ne se prosterna point, selon l'usage. Le Talapoin furieux l'envoya arrêter, et le fit mourir à coups de pieu. Les parens ayant porté plainte, une foule de Langiens, ameutés par les prêtres, prirent le parti du Talapoin, et forcèrent le juge à prononcer en sa faveur. Le juge loua publiquement cet assassinat, dit Kempfer, comme une action généreuse qui honorait la religion et le sacerdoce.

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