tout fut cru. Il y eut encore une circonstance qui réussit merveilleusement; c'est que Pythagore, au moment de son retour des enfers, et portant encore sur le visage la pâleur et l'effroi qu'avait dû lui causer la vue de tant de supplices, savait parfaitement tout ce qui était arrivé sur la terre pendant son absence.

Q.

QUESTION. - Voici comment on procédait, en Allemagne surtout, à la recherche des coupables de sorcellerie, gens pendables s'il en fut jamais. Dès que quelque personnage était réputé sorcier, il était emprisonné et bientôt interrogé. S'il niait, on l'appliquait à la question, jusqu'à deux ou trois fois, et plus souvent jusqu'à la mort.... s'il avouait, il prononçait sa condamnation....

Un sorcier était convaincu, lorsqu'il ne pouvait pleurer. Il avait pourtant la puissance, quoique possédé du diable, de verser trois larmes de l'œil droit ; mais ces trois larmes étaient une preuve, plus forte encore que s'il fût resté l'œil sec. Quand on fit le procès du curé de Loudun, l'exorciste lui dit : Je te commande de pleurer, si tu es innocent. Comme il n'obéit pas à la minute, et que même on prétendit qu'il n'avait répandu aucune larme, ni avant, ni après la question, quoiqu'il fût exorcisé de l'exorcisme des sorciers, on le jugea criminel; et, parce qu'on croyait que le diable servait ses sujets et ses 'confidens, avec toute l'adresse et toute l'énergie

dont il est capable, on prit le soin, ordinaire en ces occasions, de ne rien laisser sur lui, de peur qu'il ne portat quelque sort caché, par le moyen duquel il pût se délivrer des mains de ses juges : ainsi, on lui ôta tous ses vêtemens, et on examina en même temps s'il n'avait point les marques du diable. Après l'avoir dépouillé tout nu, comme cela se pratiquait alors, aussi-bien pour les femmes que pour les hommes, on lui rasa tout le poil du corps; puis pour le priver du secours qu'il pouvait espérer du diable, un capucin exorcisa l'air, la terre et les autres élémens, les coins, les bois et les marteaux de la question, à laquelle on l'appliqua de nouveau. Et, comme il protestait toujours qu'il était innocent, on remarqua trois larmes qui coulaient de son œil droit. Cette forte preuve, jointe aux autres présomptions foudroyantes qu'on avait contre lui, le fit condamner au bûcher; et il fut brûlé à Loudun. C'étaient des temps que ceux-là ! et nos ancêtres étaient plus chastes, plus éclairés, plus judicieux, et plus équitables que leur postérité, qui n'a plus ni foi, ni sorciers, ni bûchers, ni question.

On fit ces vers sur la mort du curé de Loudun :

Vous tous, qui voyez la misère,
De ce corps qu'on brûle aujourd'hui,
Apprenez que son commissaire

Mérite mieux la mort que lui.

(Voyez Démoniaques, Épreuves, Jugemens de Dieu.)

Je ne parlerai point ici de ces tourmens hideux qui forçaient l'innocence à s'avouer coupable; de ces tortures et de ces supplices affreux qu'on faisait subir à tout être que l'envie, ou la scélératesse, ou les haines particulières osaient accuser. Heureusement, la philosophie et les lumières, que les hibous du siècle cherchent vainement à éteindre, nous ont délivrés de ces horreurs ; et la France, du moins, grâces au vertueux Louis XVI,ne s'en voit plus souillée.

R.

RELIQUES. Les Catalans, ayant appris que Saint-Romuald voulait quitter leur pays, en furent très-affligés; ils délibérèrent sur les moyens de l'en empêcher; et le seul qu'ils imaginèrent, comme le plus sûr, fut de le tuer, afin de profiter du moins de ses reliques, et des guérisons et autres miracles qu'elles opéreraient après sa mort. La dévotion, que les Catalans avaient pour lui, ne plut point du tout à Saint-Romuald ; il usa de stratagème et leur échappa (1).

On montrait à l'abbé de Marolles la tête de saint Jean-Baptiste, qui est à Amiens : « Dieu soit » loué, dit-il, en la baisant! c'est la sixième que » j'ai l'honneur de baiser. >>

-Les moines de Saint-Germain-des-Prés ceignaient les femmes grosses d'une ceinture de sainte Marguerite, dont ils ne pouvaient dire l'histoire,

(1) Saint-Foix.

sans s'exposer à la risée des savans. Ils assuraient néanmoins que ces femmes seraient délivrées de leur grossesse, par la vertu miraculeuse de cette ceinture (1).

-Les moines de Vendôme s'imaginaient avoir, dans leur église, une des larmes que le fils de Dieu versa sur la mort de Lazare. Pour justifier cette relique, ils avaient fait imprimer un petit livre, intitulé Histoire véritable de la sainte Larme, que notre Seigneur pleura sur Lazare; comme et par qui elle fut apportée au monastère de la sainte Trinité de Vendôme; ensemble plusieurs beaux et insignes miracles, arrivés depuis 630 ans, qu'elle a été miraculeusement conservée en ce saint lieu, etc. Les religieux de l'abbaye de Saint-Pierre, au diocèse d'Amiens, se glorifiaient de posséder la même relique (2).

Les moines de Coulombs, dans le diocèse de Chartres, se vantaient d'avoir le prépuce de notre Seigneur, que les bonnes gens appelaient le saintprépuce. Ils le montraient aux femmes grosses, enchâssé dans un reliquaire d'argent, afin qu'elles pussent accoucher sans peine (3).

-Le pape Pie VI, entendant parler du grand nombre de miracles qu'opéraient sur les mâchoires malades, les dents de sainte Apolline, se fit apporter

(1) Thiers.
(2) Idem.
(3) Idem.

toutes celles qu'il put connaître, pour éprouver leur vertu réelle, et distinguer les fausses d'avec les vraies, s'il était possible. Il s'en trouva plein un coffre.

- On voit, dans le cabinet du roi de Danemarck, l'ongle de Nabuchodonosor (1).

On montrait au docteur Patin, dans une église de Prague, un portrait de la sainte Vierge peint saint Luc: « Je ne suis fàché de l'avoir vu >> trop souvent, répondit-il ; saint Luc ne l'a pas peint >> tant de fois, et l'ouvrage a ses marques modernes. »

par

que

-Jahel, héroïne israélite, enfonça un clou dans la tête du général Sisara: on conserve ce clou, dans plusieurs couvens grecs et latins, avec la mâchoire dont se servit Samson, la fronde de David, et le couperet avec lequel la célèbre Judith coupa la tête du général Holopherne, après avoir couché avec lui (2).

-Une dévote de village fit présent à son église d'un os de Jésus-Christ.

- Un religieux montrait les reliques de son couvent devant une nombreuse assemblée; mais la plus rare, selon lui, était un cheveu de la sainte Vierge, qu'il présentait en écartant les mains. Un paysan, ouvrant ses deux grands yeux, dit en s'approchant : « Mais mon révérend père, je ne vois rien. Par» bleu ! je le crois, répondit le religieux; il y a

(1) Regnard Voyages.

(2) Voltaire : Notes de la Pucelle.