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» Hésiode, et qui ne sont que les accouplemens » des diables avec les sorcières, dont sont nés les >> géants.

>> Orphée savait évoquer les diables. Il institua la >> confrérie des orphéotelestes, espèce de sorciers, >> parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil » lieu que le diable tient aujourd'hui aux assem» blées du sabbat. Bacchus, qui n'était qu'un diable » déguisé, s'y nommait Sabasius: c'est de là que le » sabbat a précieusement conservé son nom.

» Après la mort d'Orphée, sa tête rendit des » oracles, dans l'ile de Lesbos. >>

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P.

PACTE. Il y a plusieurs manières de faire pacte avec le diable. On le fait venir en lisant le Grimoire à l'endroit des évocations, ou bien en saignant une poule noire dans un grand chemin croisé, et l'enterrant avec des paroles magiques (1). Quand le diable veut bien se montrer, on fait alors le marché que l'on signe de son sang. Au reste on dit l'ange de ténèbres assez accommodant, sauf la condition accoutumée de s'abandonner à lui.

Le comte de Gabalis, qui ôte aux diables leur antique pouvoir, prétend que ces pactes se font avec

(1) On fait pacte avec les diables, 1°. lorsqu'on les invoque soi-même, en implorant leur secours, et leur promettant obéissance et fidélité; 2o. lorsqu'on les invoque, par des personnes qui leur sont affidées, ou qui ont beaucoup de liaisons avec eux; 30. lorsqu'on attend d'eux l'effet de quelque chose qu'on leur attribue. THIERS.

les gnomes, qui achètent l'àme des hommes, pour les trésors qu'ils donnent largement, en cela cependant conseillés par les hôtes du sombre empire.

- Le docteur Andelin, pour jouir de ses plaisirs, s'asservit à Satan par un pacte; et il allait tous les matins lui rendre hommage, à cheval sur un bâton (1).

- Un jeune seigneur allemand, nommé Louis de Bonbenhores, ayant perdu tout son argent au jeu, à la cour du duc de Lorraine, résolut de se livrer au démon, s'il voulait rétablir ses affaires. Comme il s'occupait de cette pensée, il vit paraître devant lui un jeune homme bien fait et bien vêtu, qui lui donna une bourse pleine d'or, et lui promit de venir le revoir le lendemain.

Louis courut aussitôt retrouver ses compagnons, qui jouaient encore, regagna tout l'argent qu'il avait perdu, et emporta celui de ses amis. Dès que la nuit fut passée, le jeune homme de la veille lui apparut de nouveau, et lui demanda, pour récompense du service qu'il lui avait rendu, trois gouttes de son sang, qu'il reçut dans une coquille de gland; puis, offrant une plume au jeune seigneur, il lui dit d'écrire ce qu'il allait lui dicter. Il prononça en même temps quelques mots barbares, que Louis écrivit sur deux billets différens, dont l'un demeura au pouvoir du jeune homme, et l'autre fut enfoncé, par un pouvoir magique, dans le bras de Louis, à l'endroit

(1) Monstrelet.

où il s'était piqué pour tirer les trois gouttes de sang. Après quoi le démon se fit connaître, et lui dit : « Je m'engage à vous servir pendant sept ans ; ensuite >> vous m'appartiendrez sans réserve. »

Louis y consentit, quoiqu'avec une certaine horreur; et le démon ne manquait pas de lui apparaître jour et nuit, sous diverses formes, et de l'aider en toute occasion.

Le terme des sept années approchant, le jeune seigneur revint à la maison paternelle. Le démon, à qui il s'était donné, lui inspira le dessein d'empoisonner son père et sa mère, de mettre le feu à leur château, et de se tuer lui-même après. Il essaya de commettre tous ces crimes, et ne réussit point: le poison n'opéra pas sur ses parens, et le fusil avec lequel il voulait se tuer, fit deux fois long feu.

Inquiet de plus en plus, il découvrit à quelques domestiques de son père le malheureux état où il se trouvait, et les pria de lui procurer quelques secours. Mais, au même instant, le démon le saisit, lui tourna tout le corps en arrière, et peu s'en fallut qu'il ne lui rompît les os, tant il y allait vigoureusement. La mère, effrayée, le mit entre les mains des moines. Ce fut alors que le démon fit de plus violens efforts contre lui, en lui apparaissant sous des formes d'animaux féroces. Un jour, entre autres, il se montra sous la figure d'un homme sauvage, hideux et velu, et jeta par terre un pacte différent de celui qu'il avait extorqué au jeune seigneur, pour donner à croire qu'il abandonnait sa proie, espérant tirer

ainsi le jeune Louis des mains de ses gardes, et l'empêcher de faire sa confession générale; mais on ne donna' point dans le panneau.

Enfin, le 20 octobre 1603, on se rendit à la chapelle de saint Ignace, pour obliger le diable à rapporter la véritable cédule, contenant le pacte en question. Louis y fit sa fit sa profession de foi, renonça au démon, et reçut la sainte eucharistie. Alors, jetant des cris horribles, il s'écria qu'il voyait deux boucs d'une grandeur démesurée, qui tenaient l'un des pactes entre leurs ongles. Mais, dès qu'on eut commencé les exorcismes, et invoqué le nom de saint Ignace, les deux boucs s'enfuirent; le premier pacte sortit du bras du jeune seigneur, sans laisser de cicatrice, et tomba aux pieds de l'exorciste.

Il ne manquait plus que le second pacte, qui était resté au pouvoir du démon. On promit à saint Ignace de dire une messe en son honneur ; et aussitôt on vit paraître une cigogne haute et difforme, qui présenta avec son bec cette seconde cédule. Ainsi Louis de Bonbenhores dut sa délivrance au grand saint Ignace (1).

Des fictions aussi absurdes ont pu avoir du succès, dans les siècles où l'erreur et les contes étaient de mode. Maintenant elles seraient fort mal reçues, même dans un roman, et on a reproché à l'auteur du Moine, quelques morceaux de ce genre, quoique traités avec un talent bien supérieur (2).

(1) D. Calmet.

(2) Tandis que les gens senses s'indignaient de voir un auteur

-Le pacte du moine Ambrosio, qui termine le roman, peut avoir ici sa place, puisqu'il a autant de fondement que ceux qu'on trouve dans les chroniqueurs, et qu'il donne une idée complète de l'opinion qu'on avait sur ces sortes de traités avec les puissances de l'enfer.

Le plus fameux prédicateur de Madrid, le superbe Ambrosio, prieur des dominicains, plongé dans l'abîme par la vanité et l'orgueil, coupable d'assassinat et de viol, Ambrosio, dans les cachots de l'inquisition, était en proie aux tourmens du remords, et aux terreurs du supplice. Toutes les circonstances l'accusent, rien ne s'offre pour le justifier. On l'introduit dans une salle où siégent trois inquisiteurs ; il pâlit, en apercevant des instrumens de torture. Mathilde, sa complice, Mathilde, qui l'a conduit dans le crime, est devant lui, et jette sur Ambrosio un regard triste et languissant.

L'inquisition n'interroge pas. Le prévenu, traduit devant elle, doit confesser. S'il nie, la torture le force d'avouer.

Ambrosio était accusé de meurtre et de sortilége ;

plein de mérite écrire sérieusement des prodiges infernaux et des monstruosités, dignes des vieux démonomanes, il se trouvait, à la fin du dernier siècle, des hommes à préjugés qui ne voyaient dans cet ouvrage qu'un livre rempli de morale. Oui, si on regarde comme vertueux celui-là qui ne donne pas dans tous les vices, par la crainte des châtimens. La plupart de nos théologiens font dire à Dieu avec le tyran de Syracuse: Je me soucie peu d'étre aimé, pourvu qu'on me craigne! Oderint, dùm metuant!

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