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aussi séduisantes que celles du paganisme. Là, un jeune homme, au milieu d'un bois, dans ses douces et tendres rêveries, pouvait croire, dit Saint-Foix, que plusieurs nymphes le regardaient; que quelqu'une le trouverait peut-être aimable, se rendrait visible, palpable, et le comblerait de faveurs et de plaisirs. Ici, les déserts, le silence, les ténèbres ne présentent à l'imagination effrayée que des démons, des spectres, des fantômes et des objets hideux.

Les anciens,à la verité,croyaient comme nous aux présages, aux divinations, à la magie, aux évocations, aux revenans,etc.; mais tout cela était moins noir chez eux, qu'il ne l'a été chez nous, dans des siècles peu reculés. Et cependant, la religion chrétienne devait être exempte, plus que toute autre, de ces monstrueuses superstitions. On doit donc s'étonner de l'en voir étouffée, contre le vœu de son fondateur; et ce qui doit plus surprendre encore, c'est que, dans des jours de lumières, nous enten dions, comme au quinzième siècle, plaider la cause de l'ignorance et de l'erreur. Je n'ai pas besoin de citer des écrivains

connus; mais il en est d'obscurs, que certains lecteurs recherchent, et que les sots admirent, qui soutiennent les préjugés, qui défendent le mensonge, qui prétendent que la tradition effrayante de l'histoire des revenans est dans les intérêts de la morale; que la peur des prodiges surnaturels des apparitions est une espèce de tribunal invisible, qui exerce une influence très-salutaire sur les consciences, et qui semble être le précurseur de la justice céleste ; que ce Code pénal-moral avait beaucoup de puissance parmi le peuple; que l'appréhension du sorcier de l'endroit empêchait bien des crimes,etc, et mille autres impertinences qui, accompagnées d'anecdotes bien plates et bien effroyables, ne tendent qu'à ramener l'erreur dans les esprits faibles. Qu'on jette donc les yeux sur les temps de barbarie, et qu'on voie s'il s'y commettait moins de meurtres, moins de vols, moins de trahisons qu'aujourd'hui, si la crainte des apparitions empêchait les assassinats, et si le sorcier de l'endroit n'en était pas ordinairement le plus méprisable. La superstition

empêchait un crime: elle en inspirait mille autres ; et pour un homme qu'elle retenait dans le devoir, elle faisait cent bourreaux et dix mille victimes. Lisez l'histoire de l'inquisition, vous y trouverez souvent plus de condamnés en un jour, que nos tribunaux n'en jugent en un an.

Des sophistes outrés ont attribué ces horreurs à l'esprit du christianisme : c'est allier la fureur du tigre à la douceur de l'agneau. Jésus-Christ est venu prêcher la clémence; il a prié pour ses bourreaux;il a pardonné à ses ennemis; il a pleuré sur les malheurs de Jérusalem coupable;ila apporté au monde la paix du ciel et le culte le plus simple;il a condamné les superstitions des pharisiens, qui portaient sur leurs vêtemens des préservatifs et des amulettes; etc. D'ailleurs le fanatisme s'est montré dans toutes les religions; la superstition a régné sur tous les peuples; les hérésies n'ont déchiré lareligion chrétienne,qu'après en avoir déchiré vingt autres, L'expérience de tous les siècles prouve que la superstition a toujours resserré les esprits et abruti les cœurs. La vérité au contraire vient les

ennoblir. J'ose donc élever la voix en sa faveur. J'écris dans un temps où elle ne craint point de paraitre, sous un gouvernement éclairé, impartial : la fraude et le mensonge ne viendront point me fermer la bouche.

Je n'ai rien à dire au lecteur sur l'ouvrage que je lui présente. C'est à lui de le juger. J'ai consulté tous les livres qui, à ma connaissance, traitent des superstitions diverses, et de ces cent mille extravagances infernales, qui dégradent l'esprit humain. J'ai choisi les faits les plus remarquables et ce qui nous touche de plus près. J'ai analysé une partie des principales divinations, dont on n'a donné jusqu'ici qu'une idée souvent fausse. J'ai recueilli aussi quelques traits qui nous sont étrangers, pour jeter de la variété dans l'ouvrage, et pour comparer nos erreurs à celles des autres peuples. J'avoue, au reste, que quoique je ne cite pas toujours les sources où je puise, il n'y a guère de morceaux dans ce dictionnaire, que je n'aie lus ou extraits quelque part; et que je ne suis riche de découvertes.

que

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

QUAND

Superstitio, fusa per gentes, omnium oppressit fere animos, atque hominum imbecillitatem CICER. de Divin, lib. II.

occupavit.

UAND on s'arrête un moment sur les différens cultes des peuples, on ne trouve de toutes parts que des religions entourées de mile erreurs, la vérité défigurée par le mensonge, les idées de la divinité ensevelies dans un chaos de superstitions ridicules, et la dignité de l'homme avilie par les plus monstrueuses faiblesses. Alors on s'écrie: l'erreur et le doute sont-ils donc à jamais le partage de la nature humaine?....

Il n'est point de nation si sauvage qui n'ait trouvé dans son âme, dans l'harmonie de la nature, dans tout l'ensemble de ce bel univers, l'éloquent témoignage de l'existence d'un DIEU; mais chacun, loin de chercher à le connaître, s'est forgé une vaine idole, sur sa propre res semblance, et chacun la fait servir à ses passions. Le méchant en a fait un monstre ; l'ambitieux, un potentat; le lâche, un barbare; le fanatique, un tyran qui ne respire que la ven

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