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de lune, accompagnée de tonnerre. Apollonius regarda le ciel et dit d'un ton prophétique : Quelque chose de grand arrivera et n'arrivera pas. Trois jours après, la foudre tomba sur la table de Néron, et renversa la coupe qu'il portait à sa bouche. Le peuple trouva dans cet événement l'accomplissement de la prophétie.

Dans la suite, l'empereur Domitien ayant voulu le faire maltraiter, il disparut, sans qu'on sut par où il s'était sauvé, et se rendit à Éphèse. La peste infestait cette ville : les habitans le prièrent de les en délivrer. Apollonius leur commanda de sacrifier. aux dieux. Après le sacrifice, il vit le diable, en forme de gueux tout déguenillé; il commanda au peuple de l'assommer à coups de pierre, ce qui fut exécuté. Mais quand on ôta les pierres, on ne trouva plus, à la place du gueux lapidé, qu'un chien noir, qui fut jeté à la voirie, et la peste cessa.

Apollonius fut regardé par les uns comme un insigne magicien, comme un dieu par les autres comme rien par les sages. Sa vie est un roman: Philostrate l'écrivit cent ans après la mort du personnage, pour l'opposer à celle de Jésus-Christ. Apollonius est annoncé par un démon; le messie le fut par un ange. L'un et l'autre naît d'une vierge. Les cygnes chantent à la naissance du héros de Philostrate; les anges à celle de l'Homme-Dieu. Il en est à peu près de même de tous les autres prodiges, avec cette différence, que ceux d'Apollonius ne méritaient pas même le peu de succès qu'ils ont eu.

APPARITIONS.

Simulacra, modis pallentia miris,

Visa sub obscurum.

VIRG.

Les démons apparaissent la nuit plutôt que le jour, et la nuit du vendredi au samedi plus volontiers qu'en toute autre, si l'on en croit Bodin.

Quand les esprits apparaissent à un homme seul, disent les cabalistes (1), ils ne présagent rien de bon; quand ils apparaissent à deux personnes à la fois, rien de mauvais; ils ne se sont jamais montrés à trois personnes ensemble.

Le diable parlait à Apollonius, sous la figure d'un orme; à Pythagore, sous celle d'un fleuve ; à Simon le magicien, sous celle d'un chien. S'il paraît sous une figure humaine, on le reconnait ordinairement à son pied fourchu ou armé de griffes.

Des sorciers brûlés à Paris ont dit, en justice, que quand le diable veut se faire un corps aérien pour se montrer aux hommes, il faut que le vent lui soit favorable, et que la lune soit pleine. Et lorsqu'il apparaît, c'est toujours avec quelque défaut : ou trop noir, ou trop blanc, ou trop rouge, ou trop grand, ou trop petit.

Dans la nuit du 22 juillet 1629, apparurent, entre le château et le parc de Lusignan, deux hommes de haute taille, armés de toutes pièces, dont le vêtement était enflammé, tenant d'une main un glaive

(1) Manassé-ben-Israël.

de feu, et de l'autre une lance toute flamboyante, de laquelle dégouttait du sang. Ces deux hommes se rencontrant ainsi l'épée à la main, se battirent assez long-temps. Enfin l'un d'eux fut blessé, et fit en tombant un si horrible cri, qu'il réveilla tous les environs. Il apparut alors une longue souche de feu qui traversa la rivière et gagna le parc. De pauvres gens, qui se trouvaient dans le bois, en pensèrent mourir de frayeur ; et la garnison de Lusignan, alarmée du cri qu'avait poussé l'homme de feu en tombant, étant allée sur les murailles pour observer ce qui se passait, on vit en l'air une grande troupe d'oiseaux, les uns noirs, les autres blancs, criant tous, d'une voix hideuse et épouvantable. Deux flambeaux les précédaient, et une figure d'homme les suivait sous la forme d'un hibou (1). On sait quelles terreurs causaient, au quinzième siècle, un météore, une aurore boréale, une nuée lumineuse, quelques exhalaisons, et tels autres phénomènes que le peuple grossissait, qui, en passant de bouche en bouche, devenaient de plus en plus effroyables, et recevaient le dernier coup de pinceau de la main du narrateur ignorant et crédule, prompt à écouter et à imaginer des merveilles, pour plaire à ses lecteurs, ( Voyez Aurore boréale.)

- Delancre dit qu'en Égypte, un maréchal ferrant étant occupé à forger pendant la nuit, il lui apparut un diable sous la forme d'une belle femme,

(1) Leloyer.

qui le sollicitait à la caresser. Mais lui, quoique bel homme, était chaste et de bonnes mœurs; c'est pourquoi, avant de se laisser séduire, il jeta un fer chaud à la face du démon, qui s'enfuit en pleurant... Quelques historiens rapportent qu'à la sortie d'Antioche, l'ombre de l'empereur Sévère apparut à Caracalla, et lui dit pendant son sommeil : Je te tuerai comme tu as tué ton frère. Si l'on personnifiait le remords, il y aurait bien des manières de le représenter.

La politique a employé quelquefois les prodiges pour mener la multitude à son gré, et ce moyen est toujours sûr. Jules-César étant avec son armée sur les bords du Rubicon, il apparut un homme d'une taille au-dessus de l'ordinaire, qui s'avança, en sifflant, vers le général. Les soldats accourent, le fantôme saisit une trompette, sonne la charge et passe le fleuve. Aussitôt, sans délibérer davantage, César s'écrie: « Allons où les présages des dieux et » l'injustice des ennemis nous appellent (1). » L'armée le suivit avec ardeur.

que

Pendant les Romains faisaient la guerre en Macédoine, Publius Vatinius, revenant à Rome, vit subitement devant lui deux jeunes gens, beaux et bien faits, montés sur des chevaux blancs, qui lui annoncèrent que le roi Persée avait été fait prisonnier, la veille, par le consul Paul-Émile. Il alla annoncer au sénat cette heureuse nouvelle, et les sénateurs,

(1) Suétone.

croyant déroger à la majesté de leur caractère, en s'arrêtant à des puérilités, firent mettre cet homme en prison.

Mais après qu'on eut reconnu, par les lettres du consul, que le roi de Macédoine avait effectivement été pris ce jour-là, on tira Vatinius de sa prison, on le gratifia de plusieurs arpens de terre, et le sénat connut par là que Castor et Pollux étaient les protecteurs de l'empire romain (1). Si cette révélation hasardée, qui pouvait bien n'être qu'une vision de Vatinius, ou une prédiction concertée avec le sénat, se fût trouvée démentie par l'événement, le prophète était en prison, considéré comme un insensé, et la majesté des sénateurs ne courait aucun risque.

-Guillaume-le-Roux, roi d'Angleterre, chassait dans une forêt. Le comte de Cornouailles, s'étant un peu écarté, vit un grand bouc velu et noir, qui portait un homme nu blessé d'une flèche au travers du corps. Le comte, sans s'effrayer, conjure le bouc, au nom du dieu vivant,de lui dire qui il est, et qui il porte? Le bouc répondit qu'il était le diable; qu'il portait Guillaume-le-Roux, tyran infáme qui n'avait cessé d'affliger les gens de bien, et qu'il allait le présenter au tribunal de Dieu..... Ce jour-là, Guillaume fut tué d'une flèche lancée au hasard par un de ses serviteurs (2); et ce prodige fut publié pour pallier l'assassinat.

(1) Valère-Maxime.

(2) Mathieu Paris.

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