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prêtre qui, étant ravi en extase, demeurait longtemps sans respiration et sans sentiment.

-Les démonomanes appellent l'extase un transport en esprit seulement, parce qu'ils reconnaissent le transport en chair et en os, par l'aide et assistance du diable. Une sorcière toute nue se frotta de graisse, puis tomba pâmée, sans aucun sentiment; et, trois heures après, elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu'elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite avérées (1).

Cardan dit avoir connu un prêtre qui tombait sans vie et sans haleine, toutes les fois qu'il le voulait; cet état durait ordinairement quelques heures ; on le tourmentait, on le frappait, on lui brûlait les chairs sans qu'il éprouvât aucune douleur; mais il entendait confusément, et comme à une distance fort éloignée, le bruit qu'on faisait autour de lui.

Cardan assure encore qu'il tombait lui-même en extase, à sa volonté ; qu'il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu'il ne sentait aucunement les douleurs.

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Le père de Prestantius, après avoir mangé d'un fromage maléficié, crut qu'étant devenu cheval, il avait porté de très-pesantes charges, quoique son corps n'eût pas quitté le lit ; et l'on regarda comme une extase produite par sortilège ce qui n'était qu'un songe causé par une indigestion.

(1) Bodin.

Plutarque rapporte, dans la vie de Romulus, qu'un certain Aristée quittait et reprenait son âme quand il le voulait ; et que, lorsqu'elle sortait de son corps, sa femme et les assistans la voyaient sous la figure d'un cerf.

-Le charlatanisme n'a pas dédaigné les extases: de prétendus saints ont persuadé aux idiots que, dans leurs pieux ravissemens, ils voyaient toutes les merveilles du ciel; et telle est la force d'un fanatisme imbécile, que quelques-uns débitaient sincèrement ces impertinences, et croyaient voir réellement ce que leur montrait une imagination égarée. L'habitude de mentir produit souvent cet effet, que le menteur finit par croire lui-même à ses propres mensonges.

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F.

que

FANATISME. Les Espagnols regardaient les Indiens comme des êtres plus vils les bêtes de somme, parce qu'ils ne connaissaient pas la souveraineté du pape. Adorer un Dieu n'est rien aux yeux des fanatiques; il faut pratiquer leurs cérémonies supertitieuses, partager leurs erreurs, respecter leurs inepties, pour être à l'abri de leurs coups; et, suivant cette maxime terrible: Quiconque n'est pas pour nous est contre nous! les forcenés trouvent dans le monde mille ennemis, pour un frère.

J'ai vu des Castillans, dit Barthélemi de Las-Casas, donner à leurs chiens des enfans à la mamelle, qu'ils

déchiraient dans les bras de leur mère (1), parce qu'ils n'avaient pas reçu le baptême... et qu'ils étaient sans défense. Ces lâches vainqueurs, ces tigres affamés de sang et d'or, qui se disaient les envoyés du Dieu de paix, ne laissaient sur leur passage, dans toutes les contrées de l'Inde, que le meurtre et la désolation. Ils offraient à l'Éternel, comme un holocauste agréable, des victimes humaines, qu'ils faisaient mourir dans un feu lent et mesuré, dans des tortures épouvantables que les persécuteurs de l'église auraient à peine inventées; et des chrétiens crucifièrent plus d'une fois treize de leurs semblables, en l'honneur de JésusChrist et des douze Apôtres....

Le fanatisme se montre dans toutes les religions, et toujours hideux et sanguinaire. Qui n'a pas lu les horribles exploits de Mahomet et de ses successeurs? qui ne connaît cet Omar et ces pieux exterminateurs, dont l'humanité et les lettres pleurent les forfaits et les ravages?

-Dans la guerre contre les Languedociens, en 1156, les croisés assiégèrent Béziers,, où il y avait beaucoup d'hérétiques, mais encore plus de catholiques. Les chefs des croisés, en montant à l'assaut, demandèrent au légat du pape ce qu'ils devaient faire, dans l'impossibilité où l'on était de distinguer les catholiques d'avec les hérétiques: Tuez-les tous,

(1) Ils prenaient les petits enfans des Indiens par les jambes et les divisaient en deux. ( Histoire de la conquête du NouveauMonde.)

dit le légat, Dieu connaitra ceux qui sont à lui. Femmes, filles, enfans, vieillards, soixante-mille habitans de cette malheureuse ville furent tous passés au fil de l'épée.

FANTOMES.

Ecce ante oculos mœstissimus Hector

Visus adesse mihi.

VIRG.

Les fantômes sont des esprits ou des revenans de mauvais augure.

On n'aura aucunement peur des fantômes, si l'on tient dans sa main de l'ortie avec du mille-feuille (1).

Les Juifs prétendent que le fantôme qui apparaît ne peut reconnaître la personne qu'il doit effrayer, si elle a un voile sur le visage. Mais, quand cette personne est coupable, Dieu fait tomber le masque, afin que l'ombre puisse la voir et la mordre (2).

-

Lorsqu'Alexandre III, roi d'Écosse, se maria en troisièmes noces avec la fille du comte de Dreux, on vit entrer, à la fin du bal, dans la salle où la cour était rassemblée, une effigie de mort toute décharnée, qui sautait et gambadait; ce qui annonçait au roi sa fin prochaine (3).

(1) Les admirables secrets d'Albert-le-Grand. (2) Buxtorf.

(3) Hector de Boëce.-Cet auteur est plein d'anecdotes comme celles-ci. Il se peut qu'il ne les ait pas toutes tirées de son imagination; mais si quelques-unes de ces apparitions ont eu lieu, elles furent l'ouvrage de l'imposture.-Un curé d'Italie montrait le diable à ceux de ses paysans qu'il ne pouvait dominer que par

-On lit, dans les Chroniques de Saint-Dominique, que les religieux trouvèrent un jour le réfectoire plein de moines décédés, qui se disaient damnés. C'était Dieu (ou plutôt le supérieur) qui avait envoyé ces religieux morts, pour exciter les religieux vivant à faire pénitence.

-Pausanias, général des Lacédémoniens, après avoir tué, à Vicence, une jeune fille nommée Cléonice, dont il ne pouvait obtenir les faveurs, vécut depuis dans un effroi continuel, et ne cessa de voir jusqu'à sa mort cette fille à ses côtés. Si on connaissait ce qui a précédé les visions et les fantômes, on en trouverait bientôt la source dans les remords, dans l'imagination, et dans les faiblesses de l'esprit.

Trois ou quatre jours avant que l'empereur Pertinax fût massacré par les soldats de sa garde, il vit, dans un étang, je ne sais quelle figure qui le menaçait, l'épée au poing (1). L'indiscipline de l'armée et les séditions qui se fomentaient à tout instant, sur la fin du règne de Pertinax, devaient, plus que les fantômes, lui donner des frayeurs.

-Camerarius rapporte que, de son temps, on voyait souvent dans les églises des fantômes sans tête,

la crainte, et ce diable tant redouté n'était qu'un savetier de village, affublé d'un costume infernal, et engagé au silence par une récompense de trois francs pour chaque séance. Ne pouvait-on pas de même faire annoncer la mort d'un personnage qu'on voulait ôter du monde, puisque dès lors le peuple était beaucoup moins frappé de le voir mourir, qu'il ne l'eût été de le voir survivre à la prophétie.

(1) Julius Capitolinus.

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