Page images
PDF
EPUB

Alors, le soleil se remontra, et les étoiles reprirent la couleur du ciel. Je m'allais remettre en chemin, pour retrouver mon village; mais, sur ces entrefaites, le sorcier m'ayant envisagé, s'approcha du lieu où j'étais. Encore qu'il cheminât à pas lents, il fut plutôt à moi que je ne l'aperçus bouger. Il étendit sous ma main une main si froide, que mes doigts en demeurèrent fort long-temps engourdis. Il n'ouvrit ni la bouche, ni les yeux; et, dans ce profond silence, il me conduisit, à travers des mâsures, sous les effroyables ruines d'un vieux château inhabité, où les siècles, depuis mille ans, travaillent à mettre les chambres dans les caves.

Aussitôt que nous fùmes eutrés: vante-toi, me dit-il en se tournant vers moi, d'avoir contemplé face à face le sorcier Agrippa, dont l'âme, par métempsycose, est celle qui jadis animait le savant Zoroastre, prince des Bactriens. Depuis que je disparus d'entre les hommes, je me conserve ici, par le moyen de l'or potable, dans une santé qu'aucune maladie n'a jamais interrompue. De vingt ans en vingt ans, j'avale une prise de cette médecine universelle, qui me rajeunit, et restitue à mon corps ce qu'il a perdu de ses forces. Si tu as considéré trois phioles que ma présentées le roi des démons ignés, la première en est pleine; la seconde, de poudre de projection; et la troisième,d'huile de talc. Au reste, tu me dois de la reconnaissance, puisqu'entre tous les mortels, je t'ai

choisi pour assister à des mystères, que je ne célèbre qu'unc fois en vingt ans.

Après ces paroles, le magicien disparut, les couleurs des objets s'éloignèrent, je me trouvai sur mon lit, et je m'aperfus que toute cette vision n'était qu'un songe.

(Tiré de la lettre pour les sorciers.)

INFERNAL.

A

ADRAMELECK,- Grand chancelier des enfers, · président du haut conseil des diables. ( Suivant les Démonomanes.)

AGRIPPA. Henri Corneille Agrippa, l'un des plus grands hommes de son siècle, naquit à Cologne en 1486, d'une famille noble et ancienne; il vécut errant et malheureux, et mourut à l'hôpital de Grenoble.

Ses lumières causèrent ses malheurs; il était trop instruit pour le temps où il parut; on l'accusa de sorcellerie, et plus d'une fois il fut obligé de fuir pour se soustraire aux mauvais traitemens de la populace ignorante, qui débitait sur son compte une foule d'absurdités.

De graves historiens n'ont pas rougi d'écrire que dans ses voyages il payait ses hôtes en monnaie fort bonne en apparence, mais qui se changeait, au bout de quelques jours, en petits morceaux de corne ou de coquille.

AGR

Tandis qu'il professait à Louvain, un de ses écoliers, lisant un livre de conjurations, fut étranglé par le diable. Agrippa, craignant qu'on ne le soupçonnat d'être l'auteur de cette mort, parce qu'elle était arrivée chez lui, commanda au malin esprit de rentrer dans le corps, et de le faire marcher sept ou huit jours sur la place publique, avant de le quitter. Le diable obéit, et laissa le corps chez les parens du jeune homme.

cun,

On ne peut nier, dit Thevet, qu'Agrippa n'ait été ensorcelé de la plus fine et exécrable magie qu'on puisse imaginer, et de laquelle, au vu et au su de chail a fait profession évidente. Il était si subtil, qu'il grippait, de ses mains podagres et crochues, des trésors que beaucoup de vaillans capitaines ne pouvaient gagner par le cliquetis de leurs armes et leurs combats furieux. Il composa le livre de la Philosophie occulte, censuré par les chrétiens, pour lequel il fut chassé de la Flandre, où il ne put dorénavant être souffert; de manière qu'il prit la route d'Italie, qu'il empoisonna tellement, que plusieurs gens de bien lui donnèrent encore la chasse, et il n'eut rien de plus hâtif que de se retirer à Dôle. Enfin il se rendit à Lyon, dénué de facultés; il y employa toutes sortes de moyens pour vivoter, remuant le mieux qu'il pouvait la queue du bâton; mais il gagnait si peu, qu'il mourut en un chétif cabaret, abhorré de tout le monde, et détesté comme un magicien maudit, parce que toujours il menait en sa compagnie un diable sous la figure d'un chien noir.

Paul Jove ajoute qu'aux approches de la mort, comme on le pressait de se repentir, il ôta à ce chien un collier garni de clous qui formaient des inscriptions nécromantiques, et lui dit · Va-t'en, malheureuse béte, tu as causé ma perte !... Qu'alors le chien prit aussitôt la fuite vers la rivière, s'y jeta, la tête en avant, et n'en sortit point.

Wierius, qui fut disciple d'Agrippa, dit qu'en effet il avait constamment deux chiens dans son étude; et c'était, au quinzième siècle, une preuve qu'on était sorcier, et intimement lié avec le diable, quand on vivait retiré, ou qu'on montrait de l'attachement pour un animal quelconque.

C'était d'ailleurs une consolation pour les sots,

que

de pouvoir rabaisser ou avilir un homme, dont ils ne pouvaient atteindre la hauteur. Dans les siècles de l'ignorance, et avant le rétablissement des lettres, dit le savant Naudé, ceux qui s'amusaient à les cultiver étaient réputés grammairiens et hérétiques; eeux qui pénétraient davantage dans les causes de la nature, passaient pour irréligieux; celui qui entendait la langue hébraïque était pris pour un juif, et ceux qui recherchaient les mathématiques et les sciences moins communes, étaient soupçonnés comme enchanteurs et magiciens.

AIGUILLETTE. - Le nouement de l'aiguillette était connu des anciens aussi-bien que des modernes, et a rendu de tous temps les sorcières redoutables aux nouveaux époux. Mais jamais ce maléfice ne fut

« PreviousContinue »