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LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON.

PERSONNAGES.

PERRICHON.

LE COMMANDANT MATHIEU.

MAJORIN.

ARMAND DESROCHES.

DANIEL SAVARY.

JEAN, domestique de Perrichon.

MADAME PERRICHON.

HENRIETTE, sa fille.

UN AUBERGISTE.

UN GUIDE.

UN EMPLOYÉ DU CHEMIN DE FER.

COMMISSIONNAIRES, VOYAGEURS, ETC.

ACTE PREMIER.

La gare du chemin de fer de Lyon à Paris. - Au fond, barrière ouvrant sur les salles d'attente. Au fond, à droite, guichet, pour les billets. Au fond, à gauche, bancs. A droite, marchande de gâteaux ; à gauche, marchande de livres.

SCÈNE PREMIÈRE.

MAJORIN, UN EMPLOYÉ DU CHEMIN DE FER, VOYAGEURS,
COMMISSIONNAIRES.

MAJORIN, se promenant avec impatience. Ce Perrichon 5 n'arrive pas ! Voilà une heure que je l'attends... C'est pourtant bien aujourd'hui qu'il doit partir pour la Suisse avec sa femme et sa fille... (Avec amertume.) Des carrossiers qui vont en Suisse! Des carrossiers qui ont quarante mille livres de rentes! Des carrossiers qui 10

ont voiture! Quel siècle! Tandis que, moi, je gagne deux mille quatre cents francs... un employé laborieux, intelligent, toujours courbé sur son bureau... Aujourd'hui, j'ai demandé un congé...j'ai dit que 5 j'étais de garde... Il faut absolument que je voie Perrichon avant son départ... je veux le prier de m'avancer mon trimestre... six cents francs! Il va prendre son air protecteur... faire l'important!... un carrossier! ça fait pitié! Il n'arrive toujours pas! on 10 dirait qu'il le fait exprès! (S'adressant à un facteur

qui passe suivi de voyageurs.)

Monsieur, à quelle heure

part le train direct pour Lyon? ...

LE FACTEUR, brusquement. Demandez à l'employé. (Il sort par la gauche.)

15 MAJORIN. Merci . . . manant! (S'adressant à l'employé qui est près du guichet.) Monsieur, à quelle heure part le train direct pour Lyon?...

L'EMPLOYÉ, brusquement. Ça ne me regarde pas ! voyez l'affiche. (Il désigne une affiche à la cantonade, à 20 gauche.)

MAJORIN. Merci.... (A part.) Ils sont polis dans ces administrations! Si jamais tu viens à mon bureau, toi!... Voyons l'affiche... (Il sort par la gauche.)

SCENE II.

L'EMPLOYÉ, PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTE. (Ils entrent par la droite.)

PERRICHON. Par ici!. ne nous quittons pas! nous 25 ne pourrions plus nous retrouver... Où sont nos bagages?... (Regardant à droite, à la cantonade.) Ah! très bien! Qui est-ce qui a les parapluies?...

HENRIETTE. Moi, papa.

PERRICHON.

teaux ?...

Et le sac de nuit?... les man

MADAME PERRICHON.

Les voici.

...

PERRICHON. Et mon panama? . Il est resté dans le fiacre! (Faisant un mouvement pour sortir et s'arrê- 5 tant.) Ah! non! je l'ai à la main!... Dieu, que j'ai chaud !

MADAME PERRICHON.

C'est ta faute !...

tu nous

presses, tu nous bouscules!... je n'aime pas à voyager comme ça !

PERRICHON.

C'est le départ qui est laborieux... une fois que nous serons casés!... Restez là, je vais prendre les billets... (Donnant son chapeau à Henriette.) Tiens, garde-moi mon panama... (Au guichet.) premières pour Lyon!...

Trois

L'EMPLOYÉ, brusquement. Ce n'est pas ouvert! Dans un quart d'heure !

PERRICHON, à l'employé. Ah! pardon! c'est la première fois que je voyage... (Revenant à sa femme.) Nous sommes en avance.

MADAME PERRICHON. Là! quand je te disais que nous avions le temps... Tu ne nous as pas laissées déjeuner !

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PERRICHON. Il vaut mieux être en avance!...on examine la gare! (A Henriette.) Eh bien, petite fille, 25 es-tu contente?... Nous voilà partis!... encore quelques minutes, et, rapides comme la flèche de Guillaume Tell, nous nous élancerons vers les Alpes! (A sa femme.) Tu as pris la lorgnette ?

MADAME PErrichon. Mais oui ! HENRIETTE, à son père. Sans reproches, voilà au moins deux ans que tu nous promets ce voyage.

PERRICHON. Ma fille, il fallait que j'eusse vendu mon

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fonds... Un commerçant ne se retire pas aussi facilement des affaires qu'une petite fille de son pensionnat. D'ailleurs, j'attendais que ton éducation fût terminée pour la compléter en faisant rayonner devant toi le grand 5 spectacle de la nature !

MADAME PERRICHON.

Ah çà est-ce que vous allez continuer comme ça ?... Vous faites des phrases dans une gåre !

PERRICHON.

Je ne fais pas de phrases... j'élève les 10 idées de l'enfant. (Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que j'ai acheté pour toi, pour écrire d'un côté la dépense, et de l'autre nos impressions de voyage! Tu écriras, et moi, je dicterai.

MADAME Perrichon. Comment! vous allez vous 15 faire auteur à présent?

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PERRICHON. Il ne s'agit pas de me faire auteur... mais il me semble qu'un homme du monde peut avoir des pensées et les recueillir sur un carnet!

MADAME PERRICHON. Ce sera bien joli !

PERRICHON, à part. Elle est comme ça, chaque fois qu'elle n'a pas pris son café!

UN FACTEUR, poussant un petit chariot chargé de bagages. Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vous les faire enregistrer?...

PERRICHON. Certainement! Mais, auparavant, je vais les compter... parce que, quand on sait son compte... Un, deux, trois, quatre, cinq, six, ma femme, sept, ma fille, huit, et moi, neuf. Nous sommes neuf.

LE FACTEUR. Enlevez!

PERRICHON, courant vers le fond. Dépêchons-nous ! LE FACTEUR. Pas par là, c'est par ici! (Il indique la gauche.)

PERRICHON. Ah! très bien! (Aux femmes.) Atten

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