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LIVRE VI

DESCARTES

I

VIE DE DESCARTES

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Etat de la philosophie à l'époque où parut Descartes. Sa naissance et ses premières années. Il étudie à Paris. Il prend du service militaire en Hollande, puis en Allemagne. - Voyages en Allemagne et en Italie. — Il se fixe en Hollande et se livre tout entier à l'étude de la

philosophie et des sciences. Voyages fréquents en France. Correspondance avec la reine Christine. — Descartes se décide à aller en Suède.— Son séjour à Stockholm. · Sa maladie et sa mort.

« Le respect que l'on porte à l'antiquité, écrivait Pascal, est aujourd'hui à tel point, dans les matières où il doit avoir le moins de force, que l'on se fait un oracle de toutes ses pensées et des mystères même de ses obscurités, que l'on ne peut plus avancer de nouveautés sans péril, et que le texte d'un auteur suffit pour détruire les plus fortes raisons. » Tel est, en effet, l'excès dans lequel finit par tomber la philosophie du

moyen-âge, et le vice radical qui causa sa ruine, malgré les immenses services qu'elle avait rendus à l'esprit humain. La réaction commença au XVIe siècle par les sciences. Dégager l'astronomie, la physique, la mécanique, et en général les sciences naturelles, des anciens préjugés, pour leur ouvrir une voie nouvelle tel fut le but principal poursuivi par les savants de cette époque, et le succès éclatant de leurs premiers efforts était un gage assuré de ce que l'on pouvait espérer pour l'avenir.

La réforme philosophique vint un peu plus tard: c'était la tâche réservée au XVIIe siècle, et, parmi les hommes qui y ont le plus contribué, il n'en est aucun dont l'influence soit comparable à celle de Descartes. Comme toutes les réactions, cette réforme fut une véritable révolution. « Ce n'est pas, ajoutait encore Pascal, que mon intention soit de corriger un vice par un autre, et de ne faire aucune estime des anciens parce qu'on en fait trop. Je ne prétends pas bannir leur autorité pour relever le raisonnement tout seul, quoique l'on veuille établir leur autorité seule au préjudice du raisonnement. » Mais les nouveaux philosophes ne l'entendaient pas ainsi; après avoir secoué un joug devenu insupportable, ils ne voulurent plus relever que d'eux-mêmes et de

leur propre pensée. Ce nouvel excès ne pouvait manquer d'entraîner, à son tour, des abus énormes; pour en juger, il suffit de considérer l'anarchie et la confusion inextricable qui règnent dans la plupart des systèmes modernes et les aberrations étranges où sont tombés les plus grands esprits.

Avec Descartes, nous assistons du moins à la phase la plus sensée et la plus brillante de ce puissant mouvement philosophique dont il fut le principal promoteur. On trouve, il est vrai, dans ses ouvrages, des erreurs nombreuses et capitales; la plupart de ses théories sont même depuis longtemps abandonnées; mais l'impulsion qu'il a communiquée aux intelligences subsiste encore dans toute sa force, et, parmi les systèmes philosophiques contemporains, bons ou mauvais, il en est peu qu'on ne doive rattacher, par des liens intimes, à la réforme cartésienne.

Ce grand homme naquit à la Haye en Tourraine, le 31 mars 1596. Sa famille, originaire de Bretagne, appartenait à la noblesse; son père était conseiller au parlement de Rennes.

Dès l'enfance, le jeune René fit paraître des dispositions extraordinaires pour l'étude et la méditation; on le surnommait dejà le petit philosophe. A l'âge de huit ans, son père l'envoya au

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