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venu après saint Anselme, ne considère pas la preuve métaphysique comme suffisante; aussi, laissant de côté les raisonnements d'abstraction, il se borne à établir la notion de Dieu par des preuves a posteriori; telles sont celles qui se tirent de la nécessité d'un premier moteur ou de la considération des merveilles de l'univers. Dans son Traité de l'existence de Dieu, Fénelon donne une place à la preuve métaphysique, mais il ne lui attribue pas une prépondérance exclusive; elle y figure au même titre que les autres preuves. Enfin, dans son livre de la Connaissance de Dieu et de soimême, Bossuet commence par déclarer que c'est par la connaissance approfondie de l'homme qu'il faut s'élever à celle de Dieu. En conséquence, il étudie en premier lieu, non seulement l'âme humaine, sa nature et ses actes, mais aussi le corps · avec ses organes et ses fonctions. Cette dernière étude avait, à ses yeux, une importance toute particulière, et l'on sait que, pour s'initier plus complètement aux mystères de l'organisme humain, il suivit, pendant un certain temps, les leçons de l'anatomiste Duverney. On voit assez combien sa méthode différait de celle de Descartes."

La philosophie cartésienne n'a donc pas eu simplement pour résultat de changer la méthode des anciennes écoles, mais, ce qui est bien autrement

T. II.

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grave, elle a entrepris de déplacer le centre de gravité du monde intellectuel et de réaliser, en métaphysique, une révolution inverse de celle que Copernic avait effectuée en astronomie. Les philosophes anciens plaçaient Dieu comme un principe immuable et nécessaire au centre du monde. des intelligences et faisaient tout graviter autour de lui; les modernes ont transporté ce centre dans l'homme et dans la pensée. A la vérité, Descartes ne se sert du fait intime de la pensée que pour remonter aussitôt au premier principe de toutes choses; mais néanmoins les preuves de l'existence de Dieu ne sont pour lui qu'une simple restauration dont le: Cogito, ergo sum, est la base. Son système n'est pas sans analogie avec celui de Tycho-Brahé qui consentait à faire tour. ner le ciel autour du Soleil, mais à la condition que celui-ci tournerait lui-même autour de la Terre. Ses successeurs iront plus loin dans leur logique; ils n'hésiteront pas à donner la première place à l'homme et à la pensée, en reléguant leur Dieu abstrait dans les horizons lointains d'une circonférence infinie. Avec les systèmes allemands, l'homme devient à la fois le centre et la circonférence; avec Hégel enfin, on a le spectacle inouï d'un monde imaginaire tourbillonnant dans le vide autour du néant.

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La mission de la saine philosophie, à notre époque, consiste surtout à remonter ce courant d'erreur et à remettre chaque chose à sa place. La science de l'homme a sans doute une organisation et des lois qui lui sont propres; mais, semblable à ces mondes planétaires qui peuplent les régions célestes, elle reconnaît un soleil où elle puise sa force, sa vie et sa raison d'être. Restituer à Dieu sa place et ses droits dans le domaine des intelligences, tel doit être l'objet es. sentiel des penseurs contemporains. Et pour cela, il ne suffirait pas de considérer Dieu comme un principe abstrait au moyen duquel on puisse établir, sous forme de propositions géométriques, des théories bien coordonnées; il faut encore. lui rendre l'hommage de soumission et de respect qui lui sont dus, et relever son trône, là où il tient surtout à régner: c'est-à-dire dans les âmes et les cœurs.

V

LA MORALE ET LA FOI

Sa

Caractère pratique de la philosophie de Descartes. morale provisoire. Son éloignement pour les excès. Son attachement et son respect pour les vérités de la foi. Ses relations avec le cardinal de Bérulle.

crainte d'être noté par l'Eglise. adresser à Descartes.

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Sa

Reproches qu'on peut

Attachement constant de Des

cartes aux pratiques religieuses. Son esprit de prosélytisme. Récit de ses derniers moments à Stockholm.

Si l'on veut apprécier la valeur d'une doctrine philosophique, il faut en étudier les conséquences pratiques, de même qu'on juge de la bonté de l'arbre par l'excellence de ses fruits. Cette doctrine a-t-elle pour effet d'accroître la somme des vérités utiles, d'élever l'âme et d'y développer ces sentiments du vrai et du bien que nous possédons naturellement? Elle est dès lors digne de nos méditations et de nos respects, quoiqu'elle puisse d'ailleurs présenter des lacunes et des er

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