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germe de tout bien se trouvait dans Athènes. L'ancienne, l'éternelle querelle se débattait à Salamine, et si la Grèce eût succombé, c'en était fait, non que je pense que le progrès du genre humain, dans la perfection de son être, pût dépendre d'une bataille ni même d'aucun événement; mais comme il fut arrêté depuis par la férocité romaine et d'autres influences qui faillirent à perdre la civilisa tion, elle eût péri pour un long temps à Salamine, dès sa naissance, par le triomphe du barbare.

Ils écrivirent, non dans le patois esclave, comme nos Froissard, nos Joinville, mais dans la langue belle alors, c'est-à-dire ancienne; car, en la déliant du rhythme poétique, ils lui conservèrent les formes de la poésie, les expressions et les mots hors du dialecte commun, témoin le passage même d'Hécatée: Ecataios Milésios óde mutheitai, qui, en italien (car cette langue a aussi sa phrase et ses mots pour la poésie ), se traduirait bien, ce me semble, Ecateo Melesio così favella, au lieu de la façon vulgaire così dice Ecateo, outó legei Ecataios o Milésios; la différence paraît d'abord. Au grec, il ne manque, pour un vers, que le mètre seul et le rhythme, qui même revint dans la prose après Hécatée; mais ce n'est pas de quoi il s'agit, Le dialecte poétique, chez les Grecs, était le vieux grec; en Italie, c'est le vieux toscan, qu'on retrouve dans le contado de Siène et du val d'Arno. Il ne faut pas croire qu'Hérodote ait écrit la langue de son temps commune en Ionie, ce que ne fit pas Homère même, ni Orphée, ni Linus, ni de plus

anciens, s'il y en eut; car le premier qui composa mit dans son style des archaïsmes. Cet ionien si suave n'est autre chose que le vieux attique auquel il mêle, comme avaient fait tous ses devanciers prosateurs, le plus qu'il peut des phrases d'Homère et d'Hésiode. La Fontaine, chez nous, empruntant les expressions de Marot, de Rabelais fait ce qu'ont fait les anciens Grecs, et aussi est plus grec cent fois que ceux qui traduisaient du grec. De même Pascal, soit dit en passant, dans ses deux ou trois premières lettres, a plus de Platon, quant au style, qu'aucun traducteur de Platon.

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Que ces conteurs des premiers âges de la Grèce aient conservé la langue poétique dans leur prose, on n'en saurait douter après le témoignage des critiques anciens, et d'Hérodote qu'il suffit d'ou vrir seulement pour s'en convaincre. Or, la langue poétique partout, si ce n'est celle du peuple, en est tirée du moins. Malherbe, homme de cour, disait J'apprends tout mon français à la place Maubert; et Platon, poëte s'il en fut, Platon, qui n'aimait pas le peuple, l'appelle son maître de langue. Demandez le chemin de la ville à un paysan de Varlungo ou de Peretola, il ne vous dira pas un mot qui ne semble pris dans Pétrarque, tandis qu'un cavalier de San-Stephano parle l'italien francisé (infrancesato, comme ils disent) des antichambres de Pitti. Ariane, ma sœur, de quel amour blessée, n'est point une phrase de marquis; mais nos laboureurs chantent : feru de ton amour, je ne

dors nuit ni jour. C'est la même expression. L'autre, qui dit de Jeanne :

Sentant son coeur faillir, elle baissa la tête

Et se prit à pleurer *,

n'a point trouvé cela certes dans les salons; il s'exprime en poëte : pouvait-il mieux? jamais, ni avec plus de grâce, de douceur, d'harmonie. C'est la langue poétique, antique; et mes voisins allant vendre un âne à la foire de Chousé, ne causent pas autrement, n'emploient point d'autres mots. Il continue de même, c'est-à-dire très-bien, qui t'inspira, jeune et faible bergère..., et non pas, qui vous conseilla, mademoiselle, de quitter monsieur votre père, pour aller battre les Anglais? Le ton,` le style du beau monde sont ce qu'il y a de moins poétique dans le monde. Madame Dacier commençant : Déesse, chantez, je devine ce que doit être tout le reste. Homère a dit grossièrement : Chante, déesse, le courroux.....

Par tout ceci, on voit assez que penser traduire Hérodote dans notre langue académique, langue de cour, cérémonieuse, raide, apprêtée, pauvre d'ailleurs, mutilée par le bel usage, c'est étrangement s'abuser; il y faut employer une diction naïve, franche, populaire et riche, comme celle de La Fontaine. Ce n'est pas trop assurément de tout notre français pour rendre le grec d'Hérodote,

Casimir Delavigne.

anciens, s'il y en eut; car le premier qui composa mit dans son style des archaïsmes. Cet ionien si suave n'est autre chose que le vieux attique auquel il mêle, comme avaient fait tous ses devanciers prosateurs, le plus qu'il peut des phrases d'Homère et d'Hésiode. La Fontaine, chez nous, empruntant les expressions de Marot, de Rabelais fait ce qu'ont fait les anciens Grecs, et aussi est plus grec cent fois que ceux qui traduisaient du grec. De même Pascal, soit dit en passant, dans ses deux ou trois premières lettres, a plus de Platon, quant au style, qu'aucun traducteur de Platon.

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Que ces conteurs des premiers âges de la Grèce aient conservé la langue poétique dans leur prose, on n'en saurait douter après le témoignage des critiques anciens, et d'Hérodote qu'il suffit d'ou vrir seulement pour s'en convaincre. Or, la langue poétique partout, si ce n'est celle du peuple, en est tirée du moins. Malherbe, homme de cour, disait J'apprends tout mon français à la place Maubert; et Platon, poëte s'il en fut, Platon, qui n'aimait pas le peuple, l'appelle son maître de langue. Demandez le chemin de la ville à un paysan de Varlungo ou de Peretola, il ne vous dira pas un mot qui ne semble pris dans Pétrarque, tandis qu'un cavalier de San-Stephano parle l'italien francisé (infrancesato, comme ils disent) des antichambres de Pitti. Ariane, ma sœur, de quel amour blessée, n'est point une phrase de marquis; mais nos laboureurs chantent : feru de ton amour, je ne

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