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l'homme en place pour s'appliquer à la morale que j'étudie sans distraction. Je dois la savoir, et la sais mieux, n'en doutez pas; et voilà pour la théorie. Quant à la pratique, ma vie laborieuse, studieuse, active, chose à noter, et contemplative en même temps, ma vie aux champs, libre de passions, d'intrigues, de plaisirs, de vanités, me donnerait trop d'avantages dans quelque parallèle que ce fût, et je puis, je dois même dire que je ferais honneur à ceux avec qui je me comparerais, fût-ce même avec vous, monsieur le procureur du roi. Oui, sur ce banc où vous m'amenez, et où tant d'autres se sont vus condamner à des peines infames, sur ce banc même, je vous le dis, ma morale est au-dessus de la vôtre, à tous égards, sous quelque point de vue qu'il vous plaise de l'envisager, et si l'un de nous en devait faire des leçons à l'autre, ce ne serait pas vous qui auriez la parole; par où j'entends montrer seulement que je ne me tiens point avili de l'espèce d'injure que je reçois, et dont la honte, s'il y en a, est et demeurera toute à ceux qui s'imagineraient m'outrager.

En effet, le monde ne s'abuse point, et les sentences des magistrats ne sont flétrissantes qu'autant que le public les a confirmées. Caton fut condamné cinq fois; Socrate mourut comme ayant offensé la morale. Je ne suis Caton, ni Socrate, et sais de combien il s'en faut. Toutefois me voilà dans le même chemin, poursuivi par les hypocrites et les flatteurs de la puissance. Quel que soit votre arrêt, messieurs, et ceci, j'espère, ne sera point pris en mauvaise part; oui, messieurs, je veux qu'on le sache, et re

grette qu'il n'y ait ici plus de gens à m'écouter : en respectant votre jugement, je ne l'attends pas néanmoins pour connaitre si j'ai bien fait. J'en aurais pų douter avant ce qui m'arrive, n'ayant encore que la conscience de mon intention. Mais par le mal que l'on me veut, je comprends que mon œuvre est bonne. Aussi n'aurais-je fâché personne, si personne ne m'eût applaudi. La voix publique, se déclarant autant qu'elle le peut aujourd'hui, m'apprend ce que je dois penser, et ce que, sans doute, vous pensez avec tout le monde de l'écrit qu'on accuse devant vous. Parmi tant de gens qui l'ont lu, de tout âge, de toute condition, j'ajoute même encore, et de toute opinion, je n'ai vu nul qui ne m'en parût satisfait, quant à la morale; et, grace au ciel, je suis d'un rang, d'une fortune, qui ne m'exposent point à la flatterie. Une chose donc fort assurée, dont je ne puis faire aucun doute, c'est que le public 'm'approuve, me loue. Si cependant, messieurs, vous me déclarez coupable, j'en souffrirai de plus d'une façon, outre le chagrin de n'avoir pu vous agréer, comme à tant d'autres; mais j'aime mieux qu'il soit ainsi, que si le contraire arrivait, et que je fusse absous par vous, coupable aux yeux de tout le

monde.

Voilà ce que Paul-Louis voulait dire. Ces paroles, et d'autres qu'il eût pu ajouter, n'eussent pas été perdues peut-être; car, en de tels débats, la voix de l'accusé a une grande force; mais peut-être aussi n'eût-il pas empêché par-là les jurés de le condamner,

comme ils ont fait, unanimement et quasi sans dé– libérer, tant le fait leur parut éclairci par la lumineuse harangue de M. l'avocat-général. Le président posa deux questions: Paul-Louis est-il coupable? Oui. Bobée est-il coupable? Non. La cour renvoie Bobée, condamne Paul-Louis à deux mois de prison et 200 francs d'amende. Appel en cassation. Si le pourvoi est admis, l'accusé parlera, et touchera des points qui sont encore intacts dans cette affaire vraiment curieuse.

FIN DU TOME PREMIER.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

Pages

I

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Simple discours de Paul-Louis. (1821.)

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Aux ames dévotes de la paroisse de Véretz, département

d'Indre-et-Loire. (1821.)

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