Page images
PDF
EPUB

que ce soit en cette personne que nous les éprou- | fois et dans l'égoïsme; et nous voilà ramenés au système d'Helvétius.

vons. }

L'auteur se donne beaucoup de peine pour établir la réalité de ce fait : mais il ne s'agit point de sa réalité, ou de sa non-réalité; il s'agit de savoir si ce

toujours d'après Montesquieu, comme principes des gouvernements despotique, monarchique et républicain, la crainte, l'honneur, et l'amour de la patrie, qu'il appelle des vertus politiques, vertus non absolues, mais seulement relatives; d'où il suit, pour ne

Ainsi, pour faire le bien, il ne faut pas seulement avoir l'idée de la peine ou du plaisir que telle action pourrait procurer à une autre personne; il faut s'identifier avec cette personne: mais qui nous identifie fait résout le problème moral, constitue une obliavec un autre? Ce n'est ni la raison, ni la conscience; gation absolue, des devoirs égaux pour tous: or, il ce ne peut être que l'imagination et la sensibilité, est clair qu'il ne satisfait point à ces conditions. c'est-à-dire les deux facultés les plus variables de la Plus loin, l'auteur cherche à expliquer le plus ou nature humaine. Tout à l'heure, il ne fallait que se moins de facilité que nous avons à nous identifier faire sur sa propre sensibilité quelque idée des affec- avec les autres, mais cela même tourne contre lui: tions futures d'une sensibilité étrangère maintenant où il y a du plus ou du moins, il y a de l'arbitraire, il faut la partager, la ressentir en soi : ceci est plus et le fondement de la morale n'est pas là. Aussi le difficile. N'y aura-t-il pas des natures qui s'y prêteront sens moral de l'auteur, sa droiture et sa sagesse, moins aisément que d'autres ? N'y aura-t-il point des manquant d'un point d'appui assez ferme, n'ont pu tempéraments et des imaginations plus promptes ou le sauver de quelques assertions hasardées qui tendent plus lentes, plus froides ou plus vives, plus ou moins à introduire l'arbitraire dans la morale, en donnant sympathiques? Où donc est l'unité du bien, l'égalité le nom de vertu à des sentiments qui n'y ont aucun du mérite, dans la diversité des conditions de bien droit, et en ne reconnaissant pas la vertu là où elle faire? De plus, qu'est-ce alors que bien faire? Ou est évidemment. Par exemple, en parlant de vertus l'identification est complète, ou partielle d'abord, politiques, il prétend qu'elles ne sont point absolues, qu'est-ce qu'une identification partielle? Ensuite, mais relatives à la nature des gouvernements ; et emcomme l'identification complète est la condition né-pruntant la division célèbre de Montesquieu, il adopte, cessaire pour ressentir la douleur d'autrui et se déterminer à la secourir, il s'ensuit que, si elle n'est pas complète, la condition de la détermination n'existant pas, la détermination ne peut plus avoir lieu, ou du moins ne peut plus constituer un devoir, et que l'obligation périt tout entière dans la plus légère modifica-point parler de l'honneur des monarchies, que la tion de l'identité, à moins pourtant que l'on ne veuille admettre aussi des demi-devoirs et une obligation partielle. D'une autre part, si l'identification est complète, l'action suit nécessaire et non volontaire; ce n'est pas un acte réfléchi et libre, un acte moral, mais un simple mouvement instinctif, et la vertu expire avec la liberté dans l'instinct. Encore, si toutes les vertus se rapportaient à la bienfaisance! Mais il n'en est pas ainsi. Régner sur soi, ne pas trahir la vérité, On n'échappe à toutes ces définitions arbitraires sont des devoirs qui s'accomplissent ou du moins peu-que par des principes fixes et absolus; et on ne trouve vent s'accomplir sans bien ou mal faire à autrui en de pareils principes, ni dans la sensibilité physique quoi se rapportent-ils, même indirectement, à la pitié, à la sympathie, à l'identification? Avec qui s'identifie, sur quoi s'apitoie, quelle infortune soulage, quelle joie procure celui qui meurt pour la vérité? La bienfaisance elle-même repose-t-elle toujours sur l'identification? Au fond, l'auteur convient que cette identité n'est qu'une illusion : que dire alors des vertus qu'une illusion détermine? Enfin, si je me suis identifié absolument avec la personne souffrante, si je suis elle et si elle est moi aux yeux de l'imagination et de la sensibilité, ne s'ensuit-il pas que ce n'est pas elle, mais moi-même, que je soulage, ou du moins que j'ai l'intention de soulager? Ici nous ne sommes plus seulement dans l'arbitraire, mais dans l'arbitraire à la

crainte est une vertu, puisque c'est une vertu relative; et que l'amour de la patrie n'est point une vertu absolue, c'est-à-dire que la bassesse d'un aga qui, de peur de déplaire à son maître, opprime ses malheureux compatriotes, et l'action d'un Régulus qui meurt pour les siens, sont placées au même rang, et confondues sous la même dénomination de vertus relatives.

d'Helvétius, ni dans ce qu'on appelle, avec plus ou moins de justesse, la sensibilité morale la raison seule a le privilége d'établir des règles inviolables, parce qu'elle seule aperçoit la vérité, fondement unique de l'obligation morale. Trop souvent on a cru pouvoir employer la sensibilité et le raisonnement seuls pour atteindre à la vérité, et par là, au lieu de la trouver, on l'a perdue. On a donc pris en défiance tout ce qui touche à la sensation et au raisonnement, et l'on s'est réfugié de désespoir dans le sentiment, contre les émotions des sens et les incertitudes de l'entendement. De là cette pente qui entraîne aujourd'hui tant d'esprits au mysticisme. Mais le sentiment, quoique plus intime à l'âme que la sensation, est aussi

variable qu'elle, et n'est pas plus scientifique : c'en | et fixe : la sensation ni le sentiment n'y atteignent est fait de la science, si le mysticisme triomphe; il point, et le raisonnement n'y pénètre que pour y endormira les âmes, il ne les calmera point; il éner- puiser les principes qui le légitiment. vera les esprits; il éteindra la spéculation. Même Mais la crainte du mysticisme ne doit pas nous fléau de la part de la sensation et du raisonnement rendre injustes envers l'estimable auteur de la Nouseuls, qui agiteront sans éclairer, et retiendront tou-velle Réfutation. C'est déjà beaucoup d'abandonner jours les recherches philosophiques dans les données les voies d'Helvétius; mais celles de Smith, pour étroites et fugitives d'une sensibilité bornée et mobile, être plus nobles en apparence, ne sont guère plus ou dans les cercles vicieux de la dialectique. La raison est le seul asile éternellement ouvert à la dignité de l'homme et à la science il n'y a là ni trouble, ni changement, ni incertitude; tout y est pur, universel

sûres. S'il nous appartenait de proposer des guides, nous indiquerions avec plus de confiance dans l'école même de Smith, Dugald-Stewart, Kant en Allemagne, ou chez les anciens, Platon et Marc-Aurèle.

PENSÉES DÉTACHÉES.

DU LANGAGE.

antérieure, qui a pu les créer parce qu'elle l'a voulu ; et c'est de cette volonté productrice qu'il faut nous relever, non des signes qui n'en sont que les produits.

Pourquoi l'animal ne pense-t-il pas ? Parce qu'il n'a pas de signes, dit-on; mais pourquoi n'a-t-il pas de signes? Parce qu'il ne pense pas ; et il ne pense pas, parce qu'il ne veut pas, c'est-à-dire qu'il ne produit pas volontairement, et que, par conséquent, ce qu'il fait n'étant pas un effet qu'il puisse distinguer de sa cause, il est toujours sous la loi de l'affection passive, il n'a pas, et par conséquent il ne conçoit pas l'intention, et ne peut attacher une intention métaphysique à un son matériel.

Rien n'induit plus à faire des cercles vicieux que l'habitude des abstractions logiques qui vous ramènent d'ordinaire au point d'où vous êtes parti. M. de Tracy, analyste logicien, cherche pourquoi l'animal n'a pas de signes. C'est, dit-il, qu'il n'est pas capable de distinguer les sensations particulières renfermées sous une sensation complexe; mais comme l'animal ne pourrait faire cette opération sans signes, il s'ensuit que l'animal n'a pas de signes parce qu'il n'a pas de signes. Toute institution suppose une puissance d'institution; or, l'institution, réagissant sur la puissance L'homme est essentiellement une force libre: là qui l'institue, la développe, l'étend, de sorte que est le titre de sa dignité, l'origine ou du moins la celle-ci lui doit ses progrès et paraît en dépendre. condition de toutes ses connaissances. Il y a de l'action Mais comme la puissance d'institution a créé l'insti- dans toute connaissance, et toute action est essentution qui la fortifie, il est vrai de dire que c'est à tiellement libre; le reste n'est point de l'action, mais elle-même réellement qu'elle doit tous ses progrès du mouvement; notre vraie puissance est notre voultérieurs. Ainsi le génie moral dicte les lois qui lonté. Si l'homme ne voulait pas, il ne pourrait rien, règlent la moralité et paraissent la faire, quand jamais ces lois n'eussent existé sans lui. Si l'on examinait ainsi les effets des grandes institutions naturelles, on verrait qu'ils ne sont point arbitraires, parce que leurs causes ne le sont pas; et l'on ne confondrait plus les causes prochaines et immédiates avec les vraies causes plus éloignées.

il ne pourrait que ce que peut l'animal, c'est-à-dire que la force universelle de la nature, à l'aide de circonstances extérieures et de ressorts internes, déterminerait en lui des impressions et des mouvements purement organiques. Parmi ces mouvements, il faut compter le langage primitif, tout signe involontaire et irréfléchi. Quand ces signes irréfléchis et involonIl est absurde de dire que l'homme ne pense qu'au taires seraient aussi riches qu'ils le sont peu; quand moyen de signes, si l'on ajoute qu'il n'a des signes l'imagination systématique leur prêterait les caractères que parce qu'il pense. Les signes ne créent point de dont ils sont absolument dépourvus, si parfaits qu'on facultés; ils supposent une activité intentionnelle les suppose, considérés isolément en eux-mêmes,

DE LA LOI MORALE

ET DE LA LIBERTÉ.

ils ne pourraient jamais servir de moyen de rappel | ou de communication à la pensée; ils ne seraient même jamais des signes; ils seraient exactement comme s'ils n'étaient pas, si, comme on le dit ordinairement avec assez de justesse, l'homme n'avait quelque pensée à leur donner à signifier, ou plutôt, s'il n'avait le pouvoir de se les approprier et de les La loi morale ne peut commander qu'à une volonté apercevoir; car tout ce qui est inaperçu est insignifiant libre. Le monde moral est celui de la liberté. Là où et nul. Or la condition essentielle de toute apercep- il y a libre détermination, acte voulu et délibéré, là tion est l'action intérieure, cette action personnelle est le monde spirituel. Or, nous ne vivons, nous ne et fondamentale que les scolastiques appelaient la subsistons que par des actes continuels de volonté et forme substantielle de l'existence. Ce n'est pas l'aper- de liberté. Le monde spirituel est donc déjà pour nous ception qui nous constitue; c'est bien plutôt nous sur cette terre. Nous vivons en quelque sorte sur les qui constituons l'aperception. Où manquerait l'action confins de deux empires séparés dont nous formons la intérieure, défaillerait l'aperception, et il n'y aurait mystérieuse réunion. Pour pénétrer dans le ciel, il rien pour nous. En vain l'animal en nous pousserait n'est pas besoin de percer les ombres du tombeau; des cris, exécuterait mille mouvements; ne sachant le ciel est déjà dans le cœur de l'homme libre: Et rien, parce qu'il ne se saurait pas; ne se sachant pas, cœlum et virtus, dit Lucain. Je suis citoyen du parce qu'il n'aurait jamais ni agi ni voulu, il ne saurait royaume invisible des intelligences actives et libres. jamais ni que lui, ni, à plus forte raison, qu'un autre Mais quelle est la détermination de ma volonté qui que lui, eût exécuté un mouvement extérieur, encore éclaire à mes yeux ce monde invisible? Demandez-le moins qu'il eût voulu l'exécuter, et que ce mouvement à la conscience. Examinez-vous quand vous faites réfléchit un sentiment, une idée. Ce n'est donc pas votre devoir, et le ciel vous apparaîtra au fond de la puissance de la parole et du signe, considérés en votre cœur. Ce n'est pas par des raisonnements qu'on eux-mêmes, qui produit les miracles qui nous acca-acquiert la conviction du monde spirituel : c'est par blent aujourd'hui, et dans l'éclat desquels le signe un acte libre de vertu, qui est toujours suivi d'un et la parole cachent leur origine. Car, ôtez l'activité acte de foi à la beauté morale, et d'une vue intérieure humaine, et cette puissance mystérieuse se réduit à de Dieu et du ciel. rien. Laissez l'activité, au contraire; laissez-lui aper- Le monde sensible agit sur moi, et l'impression cevoir ces cris, ces gestes, qui, tant qu'ils lui sont que je reçois est pour moi une occasion de vouloir. étrangers, sont insignifiants en eux-mêmes. Elle les Ma volonté détermine à son tour un changement dans aperçoit; bientôt elle va les répéter librement, et le monde sensible. C'est là l'ordinaire de la vie hupar là se les approprier, les rendre significatifs pour maine, où le vouloir ne se manifeste qu'à la suite de elle, qui les comprend parce qu'elle les produit, qui mouvements sensibles et par des mouvements senles produit puisqu'elle les répète librement; car toute sibles. Faites plus contenez votre vouloir en luirépétition volontaire est une véritable production. même, qu'il agisse sans se manifester au dehors, Voilà les signes inventés; l'activité n'a plus qu'à les que ses libres déterminations ne sortent pas du sancperfectionner, à les modifier, à les varier, à les unir, tuaire intérieur; ne cherchez point à marquer votre à en faire à la longue, pour la pensée, ces moyens de volonté par des effets sensibles et vous voilà tout à rappel, de communication, ou même de production fait affranchis du monde matériel, votre vie est toute ultérieure, si actifs et si puissants, puisqu'ils sont spirituelle, vous êtes parvenu à la source de la véridépositaires de toute l'activité et de toute la puissance table activité, vous êtes en possession du saint, du de l'intelligence volontaire et libre, dont ils sont à la pur et du divin; vous avez une vue intérieure de la fois les effets et les instruments. Les signes, la parole, vie divine qui se révèle dans la vôtre. Se placer hors ne sont donc rien en eux-mêmes; ils ne sont que ce de toute condition sensible; vouloir, sans égard aux que la volonté les fait être; et en ceci, comme en suites de son vouloir; vouloir, indépendamment de beaucoup d'autres choses, il est dur d'entendre par-tout antécédent et de tout conséquent, replier ses tout célébrer les effets, quand la cause est ou négligée, déterminations sur elles-mêmes, c'est là la vraie ou méconnue, ou repoussée. Que l'on y songe; la liberté, le commencement de l'éternité. On peut théorie que nous combattons ne va pas à moins qu'à parler de liberté, de sainteté, de pureté : mais on ne faire produire l'homme par la parole; mais l'homme combine que des mots lorsqu'on ne s'est point affranchi de cette théorie n'est qu'une machine dont se sert plus soi-même. On n'obtient, dit le christianisme, le sens ou moins heureusement le langage, qui vient alors on de la vie éternelle qu'en renonçant au monde et à ses ne sait d'où : n'est-ce pas là un véritable suicide? fins. Alors la foi en l'Éternel entre dans l'âme. Enfin,

selon les images de la doctrine chrétienne, il faut mourir et être enfanté de nouveau pour entrer dans le royaume des cieux.

La philosophie n'est que la vue de l'àme généralisée. Si la volonté est attachée au monde sensible, comment peut-on croire à la sainteté et à une autre vie? On traite l'éternité de fable, ou on y croit par préjugé. Réformez la vie pour réformer la philosophie. Les lumières de l'esprit ne seraient que ténèbres sans la lumière de la vertu. Oh! si l'âme du dernier des Brutus, si l'âme de saint Louis s'étaient racontées elles-mêmes, quelle belle psychologie morale nous aurions!

qu'il ait lieu. Donnez plus de lumière à mon égoïsme, ou augmentez la force de ma sympathie naturelle, je ferai autant ou plus de bien aux autres que par le seul sentiment du devoir.

Il faudrait avoir toujours présentes à l'esprit les maximes suivantes :

1o Les conséquences d'une action, quelles qu'elles soient, ne la rendent ni bonne ni mauvaise moralement; l'intention est tout. A parler rigoureusement, il n'y a pas d'action morale, il n'y a que des intentions morales.

2o Pour qu'une intention soit bonne moralement, il faut qu'elle ne soit pas intéressée.

La volonté infinie et éternelle se révèle à nous dans la conscience morale, dans ce commandement su- 3o Sont regardées comme intéressées toutes intenprême: Veux le bien; et la volonté humaine indivi- tions où il y a un retour personnel. Ainsi, faire une duelle se mêle à la volonté infinie en obéissant libre-chose pour avoir des honneurs, de la gloire, des ment à sa voix. Là est le grand mystère de l'éternité applaudissements, des plaisirs, soit sensuels, soit inse découvrant à l'humanité, et de l'humanité se revêtant librement de l'éternité. L'homme est tout entier dans ce mystère donc la morale est la source de toute vérité, et la vraie lumière réside dans les profondeurs de l'activité volontaire et libre.

Voici un fait de conscience incontestable, et en même temps simple et indécomposable :

tellectuels, des plaisirs externes ou internes, pour entendre dire que l'on est généreux ou pour pouvoir se le dire à soi-même, pour avoir des récompenses sur la terre ou même dans le ciel, tout cela est également en dehors de la morale.

4o Sont regardées comme indifférentes les actions qui viennent de l'impulsion de l'organisation. Ainsi, Fais le bien, sans égard aux conséquences; c'est- l'homme qui, entraîné par un mouvement irrésistible à-dire, veux le bien. ›

Puisque ce commandement n'a pas d'objet terrestre, visible, matériel, applicable aux besoins de cette vie et de ce monde sensible, il suit que, ou il n'a pas de fin, de but, ou il a une fin, un but invisible, et qu'il regarde un monde différent du nôtre, où les mouvements externes qui résultent des volitions sont comptés pour rien, et où les volitions elles-mêmes sont tout.

S'il n'y a pas un monde invisible, où toutes nos bonnes volontés nous sont comptées, quel est donc sur la terre le but de la vertu ?

1o Sert-elle au mécanisme de l'univers?

2o A-t-elle pour fin la civilisation du globe?

de pitié et de sympathie, prodigue sa vie pour servir son semblable, n'est pas encore un être moral.

5o Est regardé comme être moral celui qui, après avoir pesé une action et l'avoir trouvée juste, la fait uniquement parce qu'il croit qu'il faut la faire, et par cette seule raison qu'elle est juste.

DE LA CAUSE ET DE L'INFINI.

L'induction a besoin d'une base dans un état à peu

3o L'amélioration de la destinée humaine sous le près semblable. Jamais nous ne concevrions des causes rapport des commodités locales et physiques? 4o La paix du monde?

5o Le plus grand développement moral du genre humain, d'où sortirait sa plus grande perfection en général, avec son plus grand bonheur ?

volontaires extérieures, si une cause volontaire interne ne nous était donnée. Sur cette terre nous ne pourrions nous élever à l'idée d'une autre vie toute spirituelle, si nous n'en trouvions déjà une image dans cette vie intérieure de la volonté, dans ce monde Pour tout cela il n'était pas besoin de vertu. Dieu des déterminations libres et des intentions vertueuses, n'avait qu'à construire des machines sans liberté ; il où ne pénètre rien de sensuel et de terrestre. Otez aurait eu un aussi beau spectacle, s'il ne voulait que cette donnée humaine, la vie divine n'est pas seulele spectacle du bonheur. Mais, dira-t-on, il le voulait ment incompréhensible, mais inconcevable; l'inducproduit par nous-mêmes. Il ne l'aura jamais; le tion n'y porte pas, et jamais l'homme n'en eût eu bonheur universel sur la terre est une chimère. En- l'idée. Descartes disait : Donnez-moi la matière et le suite Dieu, pour arriver à ce but, pouvait se dispenser mouvement, et je vais créer le monde. Je dirais volonde nous donner la loi morale et la conscience; il suf-tiers: Donnez-moi la conscience et l'induction, je vais fisait de l'égoïsme. Remarquez que dans le monde créer les connaissances premières et les connaissances sensible peu importe pourquoi un fait a lieu, pourvu ultérieures, le subjectif et l'objectif, l'aperception et

la croyance. La vie future est crue dans la vie vertueuse | rieure. Le NON-MOI est l'indéfini, c'est-à-dire le fini aperçue par la conscience.

multiplié par lui-même; le мor est l'individuel, c'està-dire le fini redoublé en lui-même. Le moi a beau s'étendre dans le NON-MO, lui résister, même le vaincre, il ne sort pas des limites du fini les scènes plus ou moins intéressantes de la vie ne dépassent point le théâtre étroit du monde visible.

Le visible c'est le fini, l'invisible c'est l'infini. Nous saisissons le visible par la conscience et par les sens; l'invisible, qui se dérobe éternellement à toute prise immédiate, se révèle à l'humanité par la raison.

La raison est la faculté non d'apercevoir, mais de concevoir l'infini.

Par quoi l'infini se révèle-t-il à la raison ? Par son idée?

Et quelles sont les formes sous lesquelles l'idée de l'infini se présente à la raison humaine?

Toutes les idées que nous pouvons nous faire de la création sont empruntées, en dernière analyse, à la conscience de notre causalité personnelle. Or, dans la causation, pour nous servir de ce mot anglais, il y a création d'une détermination intérieure ou d'un mouvement externe, c'est-à-dire la création de quelque chose de phénoménal. Partant de là, qui peut nous permettre de concevoir légitimement la création de substance? Il y a deux mémoires : l'une fille de la sensation, l'autre de la volonté. Condillac ne considère, dans la mémoire, que le retour accidentel de la même image; mais il ne parle ni de la force volontaire de se rappeler, ni de la connaissance du passé, ni de l'identité du sujet qui se rappelle ce qu'il a fait et voulu. La mémoire passive est à la mémoire volontaire ce que la vue est au tact. On demande si nous débutons par la sensation ou par la pensée. Par toutes les deux. Nous ne trouvons pas d'abord le dehors tout seul, ce qui impliquerait contradiction: un NON-MOI sans MOI, comme specta- Que l'homme par lui-même ne puisse atteindre justeur au moins, est absurde. Nous ne trouvons pas non qu'à l'infini, que la portée de sa conscience et de sa plus le moi tout seul; mais nous le trouvons déjà lié à sensibilité expire sur les bornes du variable et du fini, quelque chose d'étranger, qui le limite et en même qu'un médiateur soit nécessaire pour unir ce phénotemps le détermine. Nous n'allons pas de la circonfé-mène d'un jour et celui qui est la substance éternelle; rence au centre, ni du centre à la circonférence : le cercle nous est donné tout entier en nous-mêmes. L'expérience et les sens enseignent le matérialisme; ce monde ne parle que de mort et de destruction : l'àme seule parle d'immortalité.

Les formes du vrai, du bien, du beau. Le vrai, le bien, le beau, voilà les trois intermédiaires entre l'homme et l'infini.

c'est ce dont on ne peut douter. De là la nécessité d'un terme moyen entre Dieu et l'homme; de là encore cette nécessité que ce soit Dieu qui se manifeste à l'homme, et que le terme intermédiaire vienne de lui pour aller à l'homme, l'homme étant dans une im

La possibilité de la notion d'infini et d'éternel tient puissance absolue de créer lui-même l'échelle qui doit à la nature éternelle et infinie de l'àme. l'élever jusqu'à Dieu; de là la nécessité d'une révélaToutes nos notions négatives sont postérieures et tion. Or cette révélation commence avec la vie dans logiques. Nos premières notions sont positives et abso-l'individu comme dans l'espèce; le médiateur est donné lues. Le oui avant le non. à tous les hommes: c'est la lumière qui éclaire tout

La notion du temps serait contradictoire avec elle-homme qui vient en ce monde. même si on la supposait dérivée de l'idée de succes- En d'autres termes, la raison est contemporaine de sion. Toute succession est une durée limitée, et le la conscience et de la sensibilité; elle agit avec elle et temps n'a point de limite. Multipliez tous les temps, en même temps qu'elle; seulement ses objets sont et vous ne ferez pas encore le temps. Une somme différents. Les objets de la conscience et de la sensid'instants, si considérable qu'elle puisse être, n'est bilité sont l'homme et la nature; les deux réalités finies, pas plus de l'éternité, que la somme la plus considé- contingentes, variables, qui, dans leurs comparairable de zéros n'est un nombre. La succession mesure sons, leurs abstractions, leurs généralisations, leurs le temps, elle ne le constitue pas. développements les plus reculés, ne peuvent donner

Le passé et l'avenir sont deux rapports dans l'éter-à l'homme que des connaissances contingentes et nité, qui est un présent continuel.

RELIGION, MYSTICISME, STOÏCISME.

finies. Or, c'est un fait, et un fait incontestable, que l'homme possède d'autres connaissances que celles-là, des connaissances qu'il est impossible de ramener aux précédentes par exemple, les mathématiques, dont les principes ne sont appuyés ni sur l'expérience extérieure, ni sur l'expérience intérieure; les lois universelles de la physique qui reposent sur le calcul, non La vie n'est autre chose que la conscience du moi sur l'expérience; les lois morales qui s'appliquent aux dans son rapport avec le NON-MOI ou la nature exté- | actes humains, et qui ne s'en déduisent pas ; certaines

COUSIN.

TOME II.

11

« PreviousContinue »