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ouvertement et directement à moi, et dans l'autre on ne s'y attaque que couvertement et indirectement. Pour le premier', je ne m'en tourmente pas beaucoup au contraire, je rends grâces à son auteur de ce que, ne l'ayant rempli que d'inutiles cavillations, et de calomnies si noires qu'elles ne pourront être crues de personne, il montre par là clairement qu'il n'a pu rien trouver en mes écrits qu'il pût justement reprendre; et ainsi il en confirme mieux la vérité que s'il les avoit publiquement loués, et cela aux dépens de sa réputation. Pour l'autre, je m'en mets davantage en peine; car, bien qu'il ne contienne rien qui s'adresse ouvertement à moi, et qu'il paroisse sans aucun nom, ni de l'auteur ni de l'imprimeur, toutefois, pourcequ'il contient des opinions que je juge être très pernicieuses et très fausses, et qu'il a été imprimé en forme de placard, afin qu'il pût être commodément affiché aux portes des temples, et ainsi qu'il fût exposé à la vue de tout le monde; et aussi pourceque j'ai appris qu'il a déjà été une autre fois imprimé en une autre forme, sous le nom d'un certain personnage qui s'en dit l'auteur ', que la plupart estiment n'enseigner point d'autres opinions que les miennes; je me trouve obligé d'en découvrir les erreurs, de peur qu'elles ne me soient

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Intitulé, Consideratio Reviana, composé par Revius, théologien de Leyde. »

imputées par ceux qui, n'ayant pas lu mes écrits, pourront par hasard jeter les yeux sur de telles affiches.

Voici maintenant le placard, tel qu'il a paru la dernière fois.

EXPLICATION DE L'ESPRIT HUMAIN,

OU DE L'AME RAISONNABLE,

OU IL EST MONtré ce qu'elle est et ce qu'elle peut être.
(Version.)

ART. Ier L'esprit humain est ce par quoi les actions de la pensée sont immédiatement exercées dans l'homme; et il ne consiste précisément que dans ce principe interne, ou dans cette faculté que l'homme a de penser.

II. Pour ce qui est de la nature des choses, rien n'empêche, ce semble, que l'esprit ne puisse être, ou une substance, ou un certain mode de la substance corporelle; ou, si nous voulons suivre le sentiment de quelques nouveaux philosophes, qui disent que l'étendue et la pensée sont des attributs qui sont en certaines substances, comme dans leurs propres sujets, puisque ces attributs ne sont point opposés, mais simplement divers, je ne vois pas que rien puisse empêcher que l'esprit, ou la pensée, ne puisse être un attribut qui convienne à un même sujet que l'étendue, quoique la notion de l'un ne soit point comprise dans la notion de l'autre : dont la raison est que tout ce que nous pouvons concevoir peut aussi être; or est-il que l'on peut concevoir que l'esprit humain soit

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quelqu'une de ces choses, car il n'y a en cela aucune contradiction, et partant il en peut-être quelqu'une.

III. C'est pourquoi ceux-là se trompent qui soutiennent que nous concevons clairement et distinctement l'esprit humain comme une chose qui actuellement et par nécessité est distincte réellement du corps.

IV. Mais maintenant qu'il soit vrai que l'esprit humain soit en effet une substance, ou un être distinct réellement du corps, et qu'il en puisse être actuellement séparé, et subsister de soi-même sans lui, cela nous est révélé en plusieurs lieux de la sainte Écriture; et ainsi ce qui de sa nature peut être douteux pour quelques uns ( au moins si nous ne nous contentons pas d'une légère et morale connoissance des choses, mais si nous en voulons rechercher exactement la vérité ) nous est maintenant devenu certain et indubitable, par la révélation qui nous en a été faite dans les saintes lettres.

V. Et cela ne fait rien de dire que nous pouvons douter de l'existence du corps, mais que nous ne pouvons aucunement douter de celle de l'esprit; car cela prouve seulement que pendant que nous doutons de l'existence du corps, nous ne pouvons pas alors dire que l'esprit en soit un mode.

VI. Quoique l'esprit humain ou l'âme raisonnable soit une substance distincte réellement du corps, néanmoins pendant qu'elle est dans le corps elle est organique en toutes ses actions: c'est pourquoi, selon les diverses dispositions du corps, les pensées de l'âme sont aussi diverses.

VII. Comme elle est d'une nature différente du corps et de ses diverses dispositions, dont elle ne peut tirer son origine, elle est incorruptible.

VIII. Et comme la notion que nous en avons ne nous fait concevoir en elle aucunes parties ni aucune étendue, c'est

en vain que l'on demande si elle est tout entière dans le tout, et tout entière dans chaque partie.

IX. Comme les choses qui ne sont qu'imaginaires peuvent aussi bien faire impression sur l'esprit, ou sur l'âme, que celles qui sont vraies, il s'ensuit qu'il est naturellement incertain si nous apercevons véritablement aucun corps (au moins si, comme il a déjà été dit, nous ne voulons pas nous contenter d'une légère et morale connoissance de la vérité, mais que nous veuillons connoître les choses avec certitude). Mais la révélation qui nous a été faite dans les saintes lettres nous a encore relevés de ce doute; car elle nous apprend certainement que Dieu a créé le ciel et la terre, et toutes les choses qui y sont contenues, et qu'il les conserve encore à présent.

X. Le lien qui tient l'âme unie et conjointe au corps n'est autre que la loi de l'immutabilité de la nature, qui ést telle, que chaque chose demeure en l'état qu'elle est pendant que rien ne la change.

XI. Comme elle est une substance, et que dans la génération de chaque homme en particulier il s'en produit une nouvelle, ceuxx-là sans doute ont très bonne raison qui disent que l'âme raisonnable est produite par une immédiate créa

tion de Dieu.

XII. L'esprit n'a pas besoin d'idées, ou de notions, ou d'axiomes qui soient nés ou naturellement imprimés en lui; mais la seule faculté qu'il a de penser lui suffit pour exercer

ses actions.

XIII. Et partant toutes les communes notions qui se trouvent empreintes en l'esprit tirent toutes leur origine, ou de l'observation des choses, ou de la tradition.

XIV. Bien plus, l'idée même de Dieu a été mise en l'esprit, ou par la révélation divine, ou par la tradition, ou par l'observation des choses.

XV. La notion que nous avons de Dieu, ou cette idée de Dieu qui est existante en notre esprit, n'est pas un argument assez fort et convaincant pour prouver que Dieu existe, puisqu'il est certain que toutes les choses dont nous avons en nous les idées n'existent pas actuellement, et qu'il est certain aussi que cette idée, étant une conception de notre esprit, et même une conception imparfaite, n'est pas plus audessus de la portée de notre esprit, ou de notre pensée, et n'excède pas davantage la vertu naturelle que nous avons de penser, que l'idée d'aucune autre chose que ce soit.

XVI. La pensée de l'esprit est de deux sortes, à savoir, l'entendement et la volonté.

XVII. L'entendement est la perception et le jugement.

XVIII. La perception est le sentiment, la réminiscence et l'imagination.

XIX. Tout sentiment est une perception de quelque mouvement corporel, laquelle ne demande point l'entremise d'aucunes espèces intentionnelles et le lieu où se fait le sentiment n'est pas l'organe extérieur du sens, mais le cerveau seul.

XX. La volonté est libre, et indifférente à se déterminer aux choses opposées, à l'égard des choses naturelles, comme nous le savons par notre propre expérience.

XXI. C'est elle-même qui se détermine. Et elle ne doit pas être dite aveugle, non plus que l'œil ne doit pas être appelé sourd.

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