Page images
PDF
EPUB

que forme pour vous, et pour tous MM. les cartésiens, etc.

A Cambridge, du collège de Christ, ce 14 mai 1655.

LETTRE DE M. DE FERMAT

A M. CLERSELIER,

SUR LA DIOPTRIQUE DE M. DESCARTES.

(Lettre 43 du tome III.)

A Toulouse, le 3 mars 1658.

MONSIEUR,

J'ai reçu votre lettre avec les deux copies des écrits de M. Descartes sur le sujet de notre ancien démêlé; je voudrois bien, monsieur, vous satisfaire ponctuellement, en ce que vous semblez souhaiter que je fasse mes réponses d'alors qui se sont égarées; mais comme je hais naturellement tout ce qui choque tant soit peu la vérité, et qu'il me seroit aussi malaisé de rajuster ce vieux ouvrage, qu'à un peintre de refaire mon portrait d'alors sur mon visage d'à présent, j'ai cru qu'il valoit mieux vous écrire tout de nouveau une lettre qui contiendra mes raisons d'opposition, et

vieilles et nouvelles, et c'est à quoi je travaillerai pour la huitaine. J'entre dans vos sentiments pour ce qui concerne l'impression; il faudra changer les termes les plus choquants et les plus aigres; mais n'y faire point autrement de grand changement; et de cela je m'en remets à vous. Pour notre question de Dioptrique, je vous proteste, sans nulle feintise, que je souhaite de m'être trompé; mais je ne saurois obtenir sur moi, en façon quelconque, le raisonnement de M. Descartes soit une démonstration, et même qu'il en approche. Je vous enverrai dans huit jours la lettre qui éclaircira mes doutes sur cette matière. Et je suis de tout mon cœur, etc.

que

J'ai retenu cette lettre, qui étoit prête à vous être envoyée dès la semaine passée, parceque j'ai cru que M. Digby, par la voie duquel j'ai pris la liberté de vous écrire, ne seroit pas encore de retour à Paris. Vous recevrez donc les deux conjointement; et si la seconde est un peu longue, assurez-vous, monsieur, que j'ai pris peine à l'accourcir, et que je pourrois dire beaucoup plus de choses que je n'ai fait. Je l'ajouterai un jour, si les géomètres de Paris soutiennent la démonstration de M. Descartes.

LETTRE DE M. DE FERMAT

A M. CLERSELIER,

SUR LA DIOPTRIQUE DE M. DESCARTES.

(Lettre 44 du tome III.)

Du 10 mars 1658.

MONSIEUR,

Les conclusions qui se peuvent tirer de la proposition qui sert de fondement à la Dioptrique de M. Descartes sont si belles, et doivent naturellement produire de si beaux effets dans tous les ouvrages de l'art qui regardent la réfraction, qu'il seroit à souhaiter, non seulement pour la gloire de notre défunt ami, mais bien plus pour l'augmentation et embellissement des sciences, que cette proposition fût véritable; et qu'elle eût été légitimement démontrée, et d'autant plus qu'elle est de celles dont on peut dire que multa sunt falsa probabiliora veris. Je veux même passer plus outre, et la comparer à ce fameux mensonge dont il est parlé dans le Tasse, et que ce poëte assure être plus beau que la vérité.

Quando sara il vero

Si bello, che si possa à ti proporre

Je commence par là, monsieur, afin de vous faire connoître que je serois ravi que le différent que j'ai eu autrefois sur ce sujet avec M. Descartes se terminât à son avantage; j'y trouverois mon compte en toutes façons: la gloire d'un ami que j'ai infiniment estimé, et qui a passé avec raison pour un des grands hommes de son temps, l'établissement d'une vérité physique des plus importantes, et l'exécution aisée des effets merveilleux qui s'en pourroient infailliblement déduire; tout cela me vaudroit incomparablement mieux qu'un gain de cause, quand même je devrois compter pour rien le

Mecum certasse feretur,

dont les amis de M. Descartes peuvent toujours raisonnablement consoler ses adversaires. Je me mets donc, monsieur, en la posture d'un homme qui veut être vaincu, je le déclare hautement.

Jam jam efficaci do manus scientiæ.

Mais parceque les démonstrations sont des raisons forcées, et qu'à moins d'être convaincu par elles, on n'en sauroit être persuadé, voyons, monsieur, si le contentement des lecteurs peut échapper à notre auteur, et si nous pourrons nous

défaire aisément des objections qui semblent lui pouvoir être opposées. Il faut pour cela suivre sa démonstration mot pour mot, et il suffira d'enfermer par des parenthèses ce qui ne sera point à lui, et que j'ajouterai du mien. Voici donc comme il parle au commencement de la page 20 de sa Dioptrique françoise.

Et premièrement, supposons qu'une balle poussée d'A vers B rencontre au point B, non plus la superficie de la terre, mais une toile CBE, qui soit si foible et si déliée que cette balle ait la force de la rompre et de passer tout au travers, en perdant seulement une partie de sa vitesse, à savoir, par exemple, la moitié. Or, cela posé, afin de savoir quel chemin elle doit suivre, considérons derechef que son mouvement diffère entièrement de sa détermination à se mouvoir plutôt vers un côté que vers un autre, d'où il suit d'où il suit que leur quantité doit être examinée séparément; et considérons aussi que des deux parties dont on peut imaginer que cette détermination est composée, il n'y a que celle qui faisoit tendre la balle de haut en bas qui puisse être changée en quelque façon par la rencontre de la toile, et que pour celle qui la faisoit tendre vers la main droite, elle doit toujours demeurer la même qu'elle a été, à cause que cette toile ne lui est aucunement opposée en ce sens-là. Mais ce raisonnement n'est-il pas un peu opposé

« PreviousContinue »