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APPENDICE

DE LA CORRESPONDANCE.

LETTRE DE M. CLERSELIER

A M. HENRI MORUS,

GENTILHOMME ANGLOIS.

(Lettre 64 du toine I. Version.):

MONSIEUR,

A

J'ai lu et relu avec un extrême plaisir les difficultés que vous proposâtes à M. Descartes le 11 décembre 1648, le 5 mars, 23 juillet et 21 OCtobre 1649, dans lesquelles j'ai trouvé tant d'esprit, et en même temps tant de bonté, que cela me donne la hardiesse de vous écrire, pour vous instruire du dessein que je médite, et vous prier de m'accorder ce dont j'ai besoin pour achever mon ouvrage, J'ai entre les mains les principaux manuscrits que M. Descartes, ce philosophe in comparable, laissa à son parent M. Ghanut, ci-de

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:

vant ambassadeur auprès de la reine de Suède, et présentement auprès des États de Hollande, et chez lequel il mourut en Suède. J'ai trouvé entre autres les originaux des lettres qu'il écrivit en réponse à plusieurs de ses amis. Je fais choix des principales, qqui concernent, les unes sa Philosophie, d'autres quelques ouvrages qu'il n'avoit qu'ébauchés ; d'autres enfin qui contiennent la solution des difficultés qui lui avoient été proposées par plusieurs grands hommes, parmi lesquels vous tenez une place si distinguée. Mon dessein est de les faire toutes imprimer au premier jour, comme je l'espère mais comme on auroit de la peine à entendre les réponses aux difficultés, si on n'imprime en même temps les difficultés mêmes, et que je n'ai pas cru pouvoir exécuter ce dessein sans la permission de ceux qui ont été en commerce de lettres avec lui, j'ai déjà obtenu de quelques uns la grâce que je vous demande, et que j'attends de votre honnêteté, et de ce zèle incroyable que je vous connois pour M. Descartes. Je voudrois vous supplier en même temps de m'envoyer les originaux de toutes celles qu'il vous a écrites, car je n'en trouve que deux ici, l'une en réponse de la vôtre du 11 décembre, et l'autre à celle du 5 mars. Il ine manque donc la troisième, qui doit être en réponse des vôtres du 23 juillet et du 21 octobre, laquelle doit être très belle et très curieuse, ayant à

répondre à tant de questions importantes que vous lui avez faites sur ses Principes de philosophie, et sur la Dioptrique, dont je n'ai trouvé que deux pages, où il tâche de répondre à vos instances, sans qu'il s'y trouve un seul mot de vos questions sur ses Principes et sur sa Dioptrique : ainsi je vous prie donc instamment de m'accorder la grâce de faire imprimer vos lettres avec ses réponses, et de m'envoyer aussi toutes celles que vous avez de M. Descartes, afin que nous concourions ensemble à l'utilité du public et à la mémoire de notre ami. Outre ces lettres, j'ai encore plusieurs beaux monuments de ce grand homme, qui verront le jour chacun en son temps, et qui, je m'assure, ne vous feront pas peu de plaisir un jour, connoissant votre zèle et votre amour pour les écrits de M. Descartes. Si j'eusse pu vous écrire dans ma langue naturelle, je vous aurois expliqué ma pensée en termes plus clairs et meilleurs; mais de peur de tomber en diverses fautes, j'ai serré mon style, et je vous ai découvert ma pensée comme j'ai pu, et non pas comme j'ai voulu. Je vous prie de me le pardonner, et d'être bien persuadé que je suis avec toute l'estime et la vénération possible, etc.

A Paris, le 12 décembre 1654.

RÉPONSE DE M. MORUS

A M. CLERSELIER.

(Lettre 65 du tome III. Version.)

MONSIEUR,

Je n'ai reçu que le 15 avril ' celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Paris le 12 décembre 1654. Je suis surpris de ce retardement. J'étois alors à Grantham, aux environs de Lincoln: je m'étois retiré à la campagne en partie pour rétablir ma santé. J'ai eu une véritable joie d'apprendre le louable dessein que vous avez de mettre au jour tous les écrits de M. Descartes qui sont entre vos mains : en quoi vous travaillez non seulement pour le nom et la mémoire de cet excellent philosophe, mais encore pour l'utilité de tous les gens de lettres; car il n'y a personne à qui on puisse appliquer plus heureusement qu'à cet homme divin le passage d'Horace :

Il n'entreprend rien que d'utile.

C'est pourquoi si j'avois un conseil à vous donner,

Lisez probablement février; car cette lettre est datée du 14 mars, et Morus dit qu'il s'est écoulé un mois entre la réception de la lettre de Clerselier et cette réponse.

ce seroit de ne rien supprimer de ses ouvrages, tant de ceux qu'il n'a fait qu'ébaucher', que de ceux auxquels il a donné la dernière main : ce qui ne peut tourner qu'au bien de la république des. lettres. Ainsi, pour ne mettre aucun obstacle à un dessein si utile, j'y donne les mains de bon cœur, et je vous permets de faire imprimer la première et la seconde lettre que j'ai écrites à M. Descartes, parceque sans elles, comme vous dites fort bien, on n'est pas en état d'entendre si facilement ses réponses; je crois même qu'il ne seroit pas inutile de faire imprimer aussi ma troisième, puisqu'elle est la réponse aux précédentes de M. Descartes; mais comme ma quatrième n'a rapport à aucune des siennes, et que la mort inopinée l'a empêché d'y faire réponse, je ferois difficulté dé lui faire voir le jour : si néanmoins quelques uns de ses amis, ou de ceux qui vivoient et conféroient plus fréquemment avec lui, vouloient y suppléer par une réponse, je crois qu'alors il ne seroit pas inutile de la joindre aux autres; et quand même cela ne pourroit se faire à présent, s'il y avoit apparence que l'impression de la troisième et de la quatrième lettre engageât quelqu'un des plus habiles disciples de M. Descartes à répondre à toutes les difficultés que je propose à ce grand philosophe, cette seule espérance me porteroit plus facilement à vous accorder toute liberté de les mettre au jour avec

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