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avec sa démonstration, ainsi que je vous en ai supplié par ma précédente.

Ledit sieur m'a encore dit, sur ce que vous l'appelez votre ennemi, qu'il n'a jamais eu d'autre pensée que de vous honorer, et m'a prié de vous l'écrire formellement, comme je ferai ci-après, pourvu que vous me fassiez la grâce de le trouver bon, et de croire que je ne le fais pas pour lui plaire, mais par un désir que j'ai de rétablir, si je pouvois, la paix entre vous, qui a peut-être été troublée innocemment par le bon père Mersenne, qui prenoit parfois les choses un peu trop crûment, et les écrivoit souvent plutôt selon son génie que comme elles étoient en effet. Ledit sieur de Roberval m'a donc dit que si vous l'appelez votre ennemi parcequ'il vous a recherché en particulier pour vous dire quelque chose qui ne lui sembloit pas bien dans votre Géométrie, dont il a été obligé de donner des démonstrations à ceux qui l'en pres soient, suivant l'obligation de sa charge, il ne peut éviter d'être votre ennemi de cette sorte; mais que cette inimitié ne sera pas réciproque, car elle ne sera que dans la créance que vous en aurez, étant disposé partout ailleurs à rendre ce qu'il doit à votre mérite et à votre condition, ainsi qu'il vous a protesté de vive voix. Or ce qu'il trouve n'être pas bien dans votre Géométrie est:

1. Page 326. Que le point C est par tous les

angles que vous avez nommés, et que vous ne nommez point celui où il ne peut être; et que jamais la question n'est impossible.

2. Page 373. Vous dites qu'il y a autant de racines vraies que les signes tet-se trouvent de fois être changés en une équation, etc. Il y a démonstration du contraire en une infinité de cas.

il

3. Pages 405, 406. Touchant le cercle qui coupe votre parabole ou plutôt conchoïde parabolique, y a une faute et une omission. La faute est en ce que vous soutenez que le cercle peut couper cette conchoïde en six endroits, sans avoir égard à sa compagne qui est de l'autre part de la ligne DO, et que vous n'avez pas représentée; il y a démonstration qu'il ne la peut couper qu'en quatre endroits, de quelque façon qu'elle puisse être faite. L'omission est en ce que vous ne vous servez pas de sa compagne, qui est absolument nécessaire pour résoudre les équations qui ont six racines vraies; et que cette omission devient bien plus considérable, en ce que, pour six racines vraies, vous faites tomber vos perpendiculaires CG, NR, QO, etc., sur la ligne DO, et cependant elle y est absolument inutile, et il se faut servir d'une autre, comme dans la parabole ordinaire, qui la voudroit faire servir à une équation cubique, ou carrée, affectée sous tous les degrés, accompagnant cette parabole d'un cercle, comme vous faites très élé

gamment, il ne faut

pas se servir de l'axe. Excusez, s'il vous plaît, ma liberté, qui ne part que d'un cœur sincère et de, etc.

A M. DE CARCAVI.

(Lettre 77 du tome III.)

A La Haye, le 17 août 1649.

MONSIEUR,

Je vous suis très obligé de la peine que vous avez prise de m'écrire le succès de l'expérience de M. Pascal, touchant le vif-argent, qui monte moins haut dans un tuyau qui est sur une montagne que dans celui qui est dans un lieu plus bas; j'avois quelque intérêt de la savoir, à cause que c'est moi qui l'avois prié, il y a deux ans, de la vouloir faire, et je l'avois assuré du succès, comme étant entièrement conforme à mes principes, sans quoi il n'eût eu garde d'y penser, à cause qu'il étoit d'opinion contraire. Et pourcequ'il m'a ci-devant envoyé un petit imprimé, où il décrivoit ses premières expériences touchant le vide, et promettoit de réfuter ma matière subtile, si vous le voyez, je serois bien aise qu'il sût que j'attends encore cette

réfutation, et que je la recevrai en très bonne part, comme j'ai toujours reçu les objections qui m'ont été faites sans calomnie. Si on m'envoie celles que vous me faites espérer du père Magnan, je ne manquerai pas d'y faire la réponse que je jugerai être convenable.

La Géométrie de M. Schooten est imprimée; son latin n'est pas fort élégant, et pourceque je ne l'eusse pu voir avant qu'il fût imprimé sans être obligé de le changer tout, je m'en suis entièrement dispensé. Pour mon Traité des passions, il est vrai que j'ai promis il y a long-temps de l'envoyer à un ami' qui a dessein de le faire imprimer, mais je ne le lui ai pas encore envoyé.

Pour la quadrature du père Grégoire de SaintVincent, je n'en fais pas meilleur jugement que M. de Roberval; car, quelque animosité que ce dernier ait contre moi, il ne peut y avoir aucune considération qui me détourne du chemin de la vérité, lorsqu'il me sera connu. Mais je ne puis aucunement connoître par ce qu'il vous a plu m'écrire de sa part qu'il puisse démêler les asymétries qui ont embrouillé M. de Fermat. Ce n'est rien de dire comme il fait que ce que M. de Fermat nomme ✓ba, il l'appelle b, et ainsi des autres, ne s'arrêtant point dans la suite de l'opération jusqu'à ce que l'équation subsiste b', ou ses degrés plus hauts par

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nombre pair; la difficulté est de savoir par quelle opération on peut faire cela, lorsqu'il y a plus de quatre termes incommensurables donnés. Lorsqu'il n'y en a que quatre, la chose est facile, pourceque faisant va+vb,|| vc, +vd, leurs carrés sont a + b + 2 Vab || c†d || 2 √cd, où le nombre des termes incommensurables est diminué; mais ayant va + vb, † Vc || Vd + Ve + Vf, leurs carrés sont, a + b + c + 2 Vab + 2 Vac + 2 Vbc || d +e+ft 2 Vde † 2 Vdf † 2 Vef, où le nombre des termes est augmenté; c'est ce qui a embarrassé M. de Fermat, et qui embarrasse encore maintenant M. de Roberval, quoiqu'il dissimule. Sans cela il ne feroit pas de difficulté d'achever l'équation dont je me souviens de vous avoir envoyé la moitié en ma précédente, pourceque c'est chose facile. Permettez-moi que je l'attende encore jusques à la première fois que j'aurai l'honneur de recevoir de vos lettres, afin qu'il puisse d'autant mieux être convaincu. Je ne puis que je ne vous aie de l'obligation de ce que vous tâchez de me persuader qu'il n'est point animé contre moi; c'est avoir l'âme généreuse et belle que de se porter ainsi à prévenir les dissensions, au contraire des esprits malins qui se plaisent à les faire naître et à les entretenir. Mais je vous dirai que, de ma part, je n'ai jamais fait tant d'honneur à ceux qui tâchent de me désobliger que, de les estimer dignes

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