Page images
PDF
EPUB

doctes; en sorte que s'il me faisoit quelquefois des questions, il m'en payoit fort libéralement les réponses, en me donnant avis de toutes les expériences que lui ou d'autres avoient faites, de toutes les rares inventions qu'on avoit trouvées ou cherchées, de tous les livres nouveaux qui étoient en quelque estime, et enfin de toutes les controverses qui étoient entre les savants. Je craindrois de me rendre importun si je vous demandois toutes ces choses ensemble, mais je me promets que vous n'aurez pas désagréable que je vous prie de m'apprendre le succès d'une expérience qu'on m'a dit que M. Pascal avoit faite ou fait faire sur les montagnes d'Auvergne, pour savoir si le vif-argent monte plus haut dans le tuyau étant au pied de la montagne, et de combien il monte plus haut qu'au dessus. J'aurois droit d'attendre cela de lui plutôt que de vous, parceque c'est moi qui l'ai avisé il y a deux ans de faire cette expérience, et qui l'ai assuré que, bien que je ne l'eusse pas. faite, je ne doutois point du succès. Mais parcequ'il est ami de M. R***, qui fait profession de n'être pas de mien, et que j'ai déjà vu qu'il a tâché d'attaquer ma matière subtile dans un certain imprimé de deux ou trois pages, j'ai sujet de croire qu'il suit les passions de son ami, lequel ne fait aucunement paroître, par ce que vous m'avez envoyé de sa part, qu'il sache la solution de la difficulté de M. de

Fermat touchant les équations entre cinq ou six termes incommensurables; et afin que vous puissiez voir la preuve, je vous dirai que lorsqu'on a va+ √b+ √c=vd+ve, une partie de l'équation, après que toutes les assymétries sont ôtées, doit être ab7a3b † 9a5bbc, †22abcd +94a4bcde + 52a3b3cd + 34a3bbccd † 190aabbccde, avec tous les termes des mêmes espèces que ces huit. Comme par exemple, a'c, a'd, aïe, ba, bc, etc., sont de même espèce que ab, et ainsi des autres. Faites donc s'il vous plaît que M. R*** vous donne l'autre partie de cette équation, avant que de croire qu'il la puisse trouver. Mais si vous ne la pouvez avoir de lui, je ne manquerai pas de vous l'envoyer, et de tâcher en tout ce qui me sera possible de vous témoigner que je suis, etc.

RÉPONSE DE M. DE CARCAVI

A M. DESCARTES.

(Lettre 76 du tome III.)

A Paris, le 9 juillet 1749.

MONSIEUR,

Si je n'eusse été absent de cette ville pendant un mois et davantage, je n'aurois pas manqué de

faire plutôt réponse à la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire du onzième du mois passé, et vous remercier de la faveur que vous me faites de me donner de vos nouvelles, et d'agréer que je vous écrive de temps en temps celles que je croirai vous apporter davantage de satisfaction. Si j'avois les mêmes habitudes et la même pratique pour les expériences que le feu bon père Mersenne, vous en recevriez le même contentement; mais je tacherai de suppléer à cela par la curiosité de ceux que je saurai qui les font avec plus de soin et de diligence. Celle que vous me demandez de M. Pascal le jeune est imprimée il y a déjà quelques mois, et a été faite fort exactement sur une haute montagne d'Auvergne, appelée le Puys-deDôme; sa hauteur est d'environ cinq cents toises: on fit premièrement l'expérience au couvent des révérends pères minimes de la ville de Clermont, qui est presque le plus bas lieu de la ville. L'on prit deux tuyaux de verre, longs chacun de quatre pieds, le vif-argent qui resta à chacun d'eux, joints l'un contre l'autre, se trouva à même niveau, et il y en avoit au-dessus de la superficie du vaisseau dans lequel on les vida la hauteur de vingt-six pouces trois lignes et demie; après cela on monta au haut de la montagne, qui est tout proche de la ville, plus haute, ainsi que j'ai dit, d'environ cinq cents toises, où l'on trouva qu'il ne restoft plus

de vif-argent dans le tuyau que la hauteur de vingt-trois pouces deux lignes; et ainsi entre les hauteurs de vif-argent de ces deux expériences il y eut trois pouces une ligne et demie de différence, ce qui étant réitéré diverses fois se trouva toujours de même. Et encore en descendant de la montagne l'on fit l'expérience en un lieu appelé la Fon de l'arbre, bien plus haut que les minimes, mais aussi plus bas que le sommet de la montagne, et la hauteur du vif-argent se trouva de vingt-cinq pouces.

Voilà, monsieur, en substance ce que vous m'avez demandé, à quoi je n'ajouterai pas grand chose pour maintenant, à cause du peu de temps qu'il y a que je suis arrivé, qui ne m'a pas même donné le loisir de lire deux petits livres qu'on m'a envoyés de Rome, et que je fais porter chez M. Picot, parcequ'il y en a un qui parle avec estime des principes que vous avez fait imprimer, mais qui ne les a pas, ce me semble, bien entendus ; et M. Picot s'est chargé de m'en écrire son avis, pour le lui faire tenir à Rome, où il y a un minime, nommé le père Magnan, plus intelligent, que le feu père Mersenne, qui m'a fait espérer quelques objections contre vos mêmes principes, ce que je souhaiterois être fait avec jugement, et qui méritât une réponse de votre main. Nous attendons bientôt votre Traité des passions, et ce

que M. de Schooten a fait imprimer touchant votre Géométrie. Ici il n'y a que la philosophie démocritique de M. Gassendi, qu'il a faite au sujet de la vie d'Épicure; un ramas de Bétinus, qu'il appelle Erarium, semblable à son Apiarium; quelques traités de feu Cavalieri; et une défense de la quadrature du père Grégoire de Saint-Vincent contre ce qu'en a remarqué le père Mersenne dans ses derniers ouvrages; lequel père Mersenne ayant laissé à M. de Roberval le soin d'achever ce qu'il ajoutoit à l'impression de la perspective du père Nicéron, ledit sieur de Roberval prendra cette occasion pour montrer en peu de mots en quoi il croit qu'il s'est trompé.

Vous me permettrez, s'il vous plaît, de vous écrire ce qu'il m'a dit sur le sujet des assymétries de M. de Fermat, savoir, que vous ne prenez pas, ou qu'il semble que vous ne vouliez pas prendre, ce que je vous ai mandé de lui sur ce sujet, et que sa solution porte sa démonstration avec soi, quelque nombre qu'il y ait de racines; et que ce que M. de Fermat nomme ba, il l'appelle b, et ainsi des autres, ne s'arrêtant point dans la suite de l'opération, jusques à ce que l'équation subsiste sous b, ou ses degrés plus hauts par nombre pair, et qu'ainsi l'assymétrie en est ôtée. Voilà tout ce qu'il ́m'a dit sur ce sujet, sur lequel je crois que vous me ferez la faveur de me mander votre méthode,

« PreviousContinue »