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même que j'aurois reçu de vos lettres; mais cela ne serviroit que pour ma propre instruction, car il y a si loin d'ici à Stockholm, et les lettres passent par tant de mains avant que d'y arriver, que vous auriez bien plus tôt résolu de vous-même les difficultés que vous rencontreriez, que vous n'en pourriez avoir d'ici la solution. Je remarquerai seulement en cet endroit deux ou trois choses que l'expérience m'a enseignées touchant ce livre. La première est, qu'encore que sa première partie ne soit qu'un abrégé de ce que j'ai écrit en mes Méditations, il n'est pas besoin toutefois pour l'entendre de s'arrêter à lire ces Méditations, à cause que plusieurs les trouvent beaucoup plus difficiles, et j'aurois peur que sa majesté ne s'en ennuyât. La seconde est qu'il n'est pas besoin non plus de s'arrêter à examiner les règles du mouvement, qui sont en l'article 46 de la seconde partie, et aux suivants, à cause qu'elles ne sont pas nécessaires pour l'intelligence du reste. La dernière est qu'il est besoin de se souvenir, en lisant ce livre, que bien que je ne considère rien dans les corps que les grandeurs, les figures et les mouvements de leurs parties, je prétends néanmoins y expliquer la nature de la lumière, de la chaleur, et de toutes les autres qualités sensibles; d'autant que je présuppose que ces qualités sont seulement dans nos sens, ainsi que le chatouillement et la douleur,

et non point dans les objets que nous sentons, dans lesquels il n'y a que certaines figures et mouvements qui causent les sentiments qu'on nomme lumière, chaleur, etc.: ce que je n'ai expliqué et prouvé qu'à la fin de la quatrième partie; et toutefois il est à propos de le savoir et remarquer dès le commencement du livre, pour le pouvoir mieux entendre. Au reste, j'ai ici à m'excuser de ce que vos lettres me sont allées chercher à Paris, et que je ne vous avois point encore mandé mon retour en Hollande, où il y a déjà cinq mois que je suis; mais je supposois que M. Clerselier vous l'écriroit, à cause qu'il me faisoit souvent part de vos nouvelles lorsque j'étois en France; et j'étois bien aise de ne rien écrire de mon retour, afin de ne sembler point le reprocher à ceux qui m'avoient appelé. Je les ai considérés comme des amis qui m'avoient convié à dîner chez eux; et lorsque j'y suis arrivé, j'ai trouvé que leur cuisine étoit en désordre, et leur marmite renversée; c'est pourquoi je m'en suis revenu sans dire mot, afin de n'augmenter point leur fâcherie. Mais cette rencontre m'a enseigné à n'entreprendre jamais plus aucun voyage sur des promesses, quoiqu'elles soient écrites en parchemin. Et bien que rien ne m'attache en ce lieu, sinon que je n'en connois point d'autre où je puisse être mieux, je me vois néanmoins en grand hasard d'y passer le reste de mes jours, car j'ai peur que

nos orages de France ne soient pas sitôt apaisés, et je deviens de jour à autre plus paresseux, en sorte qu'il seroit difficile que je pusse derechef me résoudre à souffrir l'incommodité d'un voyage. Mais je suppose que vous reviendrez quelque jour du lieu où vous êtes; alors j'espère que j'aurai l'honneur de vous voir ici en passant. Et je serai toute ma vie, etc.

La lettre jointe à celle-ci ne contient qu'un compliment fort stérile: car, n'étant interrogé sur aucune matière, je n'ai osé, par respect, en toucher aucune, afin de ne sembler afin de ne sembler pas vouloir faire le discoureur, et j'ai cru néanmoins que mon devoir m'obligeoit d'écrire.

A Egmont, le 26 février 1649.

A LA REINE DE SUÈDE.

MADAME,

(Lettre 39 du tome I.)

S'il arrivoit qu'une lettre me fût envoyée du ciel, et que je la visse descendre des nues, je ne serois pas davantage surpris, et ne la pourrois recevoir avec plus de respect et de vénération que

j'ai reçu celle qu'il a plu à votre majesté de m'écrire. Mais je me reconnois si peu digne des remerciements qu'elle contient, que je ne les puis accepter que comme une faveur et une grâce, dont je demeure tellement redevable, que je ne m'en saurois jamais dégager. L'honneur que j'avois ci-devant reçu d'être interrogé de la part de votre majesté par M. Chanut, touchant le souverain bien, ne m'avoit que trop payé de la réponse que j'avois faite; et depuis ayant appris par lui que cette réponse avoit été favorablement reçue, cela m'avoit si fort obligé, que je ne pouvois pas espérer ni souhaiter rien de plus pour si peu de chose, particulièrement d'une princesse que Dieu a mise en si haut lieu, qui est environnée de tant d'affaires très importantes, dont elle prend elle-même les soins, et de qui les moindres actions peuvent tant pour le bien général de toute la terre, que tous ceux qui aiment la vertu se doivent estimer très heureux lorsqu'ils peuvent avoir occasion de lui rendre quelque service. Et pourceque je fais particulièrement profession d'être de ce nombre, j'ose ici protester à votre majesté qu'elle ne me sauroit rien commander de si difficile, que je ne sois toujours prêt de faire tout mon possible pour l'exécuter, et que si j'étois né Suédois ou Finlandois, je ne pourrois être avec plus de zèle, ni plus parfaitement que je suis, etc.

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M. SCHOOTEN

A M. DESCARTES.

(Lettre 116 du tome III.)

A Leyde, ce 10 mars 1649.

MONSIEUR,

Je n'ai pas voulu manquer de vous envoyer les deux livres que je vous avois promis, savoir, Diogenes Laertius de vitis philosophorum, et Gregorius a S. Vincentio de quadratura circuli, et sectionum cóni. Touchant ce dernier, je désire fort de savoir votre sentiment, d'autant que le feu père Mersenne, dans un livre qu'il a naguère mis en lumière, qui sert de second tome au livre intitulé Cogitata physico- mathematica, parle fort sobrement en faveur de cet auteur, ne le nommant pas une seule fois, encore qu'il parle assez apertement et amplement de son livre. La plus grande louange qu'il lui donne est qu'il ait composé un grand livre, et qu'il a cherché cette quadrature par des chemins fort longs et qui déjà sont connus. Ce que je prends pour le jugement de M. de Roberval, lequel je sais s'être employé

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