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résolu de l'entreprendre d'une manière plus conforme aux principes d'humanité et des relations amicales qu'il était désirable de conserver entre les deux nations après le retour de la paix. Ils s'apercevaient cependant qu'un esprit juste et humain n'avait été ni nourri, ni mis en œuvre par le gouvernement anglais. Sans insister sur les déplorables cruautés commises par les sauvages indiens dans les rangs et à la solde des Anglais sur la rivière Raisin, cruautés qui n'avaient jamais été désavouées ni réparées, le gouvernement américain renvoyait, comme ayant plus particulièrement trait à la communication cidessus, à l'odieuse dévastation commise, en 1813, au Havre-de-Grâce et à Georgetown, dans la baie de Chesapeake. Ces villages furent brûlés et ravagés par les forces navales anglaises, jusqu'à la ruine de leurs habitants nonarmés, qui virent avec étonnement qu'ils ne recevaient des lois de la guerre aucune protection pour leurs propriétés. Pendant la même saison on vit des scènes d'invasion et de pillage conduites sous la même autorité, tout le long des côtes de Chesapeake, jusqu'au point de causer les désastres privés les plus sérieux, et avec des circonstances justifiant le soupçon que la vengeance et la cupidité, plutôt que le but honorable que devaient avoir les hostilités d'un ennemi magnanime, avaient présidé à leur exécution. La dernière destruction des maisons du gouvernement à Washington était un autre acte qui se présentait nécessairement sous les yeux. Dans les guerres de l'Europe moderne on ne pourrait citer aucun exemple de cette espèce, même parmi les nations le plus hostiles les unes aux autres. Dans le cours des dix dernières années les capitales des principales puissances du continent européen avaient été conquises et occupées alternativement par les armées victorieuses de chacune d'elles, et l'on n'avait vu aucun exemple d'une aussi odieuse et aussi inique dévastation. Il fallait se reporter aux siècles reculés

et barbares pour trouver un pendant aux actes dont se plaignait le gouvernement américain.

Quoique ces actes de désolation demandassent, s'ils ne l'imposaient pas, à ce gouvernement, la nécessité de représailles, néanmoins en aucune façon elles n'avaient été autorisées.

L'incendie du village de Newark, dans le Haut- Canada, postérieur aux premiers outrages ci-dessus énumérés, ne fut point exécuté sur le principe de représailles. Le village de Newark touchait au fort Saint-George, et la destruction en fut justifiée par les officiers qui l'ordonnèrent sous prétexte qu'elle était nécessaire aux opérations militaires du lieu. L'acte cependant fut désavoué par le gouvernement américain. L'incendie qui eut lieu à Long-Point ne fut pas autorisé par le gouvernement, et la conduite de l'officier fut soumise à l'examen d'un tribunal militaire. Quant à l'incendie de Saint-David commis par des vagabonds, l'officier qui commandait dans cette partie fut déposé sans jugement pour ne l'avoir pas empêché.

Le gouvernement américain exposait que ces faits étaient aussi peu compatibles avec les ordres qui avaient été donnés à ses commandants de terre et de mer, que l'humanité connue de la nation américaine l'était peu avec l'exécution du système adopté par les Anglais. Ce gouvernement se devait à lui-même et aux principes qu'il avait toujours regardés comme sacrés de désavouer, comme cela lui était justement imposé, une guerre aussi odieuse que cruelle et inique. Quelles qu'eussent été les irrégularités non-autorisées commises par ses troupes, il aurait été prêt, en agissant d'après les principes d'une obligation éternelle et sacrée, à les désavouer, et, en tant que cela eût été praticable, à les réparer. Mais dans le plan de guerre de désolation que la lettre de l'amiral Cochrane faisait connaître si clairement, et qu'il essayait d'excuser par une justification si complétement dénuée de fonde

ment, le gouvernement américain apercevait un esprit d'hostilité profondément enraciné, à l'existence duquel il n'aurait pu croire sans l'évidence d'un tel fait, et qu'il n'aurait pas pensé pouvoir être poussé à une telle extrémité pour la réparation d'injures de quelque nature quelles fussent, extrémités non sanctionnées par le droit des gens, que les forces de terre ou de mer de l'une des puissances auraient pu commettre contre l'autre. Le gouvernement serait toujours prêt à entrer dans des arrangements réciproques. Mais dût le gouvernement anglais persévérer dans un système de désolation si contraire aux vues et à la pratique des États-Unis, si révoltant pour l'humanité, et qui répugne autant aux sentiments et aux usages du monde civilisé, quoique inspirant les regrets les plus profonds, il rencontrerait la résolution et la constance d'un peuple libre, combattant dans une juste cause pour ses droits essentiels et ses intérêts les plus chers.

Dans la réponse de l'admiral Cochrane à la communication ci-dessus, datée du 19 septembre 1844, il fut exposé qu'il n'avait pas d'autorisation de son gouvernement d'entrer dans aucune espèce de discussion relative au point contenu dans cette communication. Il avait seulement à regretter qu'il n'y eût pas d'espoir probable qu'il fût autorisé à révoquer son ordre général, qui avait déjà reçu la sanction d'une requête subséquente du gouverneur général du Canada. Jusqu'à ce que l'amiral ait reçu des instructions de son gouvernement, les mesures qu'il avait adoptées devaient persister, à moins que réparation ne fût faite aux Canadiens pour les injures qu'ils avaient ressenties des outrages commis par les troupes des États

Unis '.

Le désaveu de l'incendie de Newark par le gouvernement américain fut communiqué au gouverneur général

1 Correspondance entre M. le secrétaire Monroe et l'amiral Cochrane, American State Papers, fol. edit., vol. III, p. 693 et 694.

du Canada, qui répondit, le 10 février 1844, que ç'avait été avec une grande satisfaction qu'il avait reçu l'assurance qu'il n'avait pas eu l'autorisation du gouvernement américain; qu'il faisait horreur à tout sentiment américain; que si quelques outrages avaient suivi la destruction odieuse et inique de Newark, passant les bornes de justes représailles, ils devaient être attribués à l'influence des passions irritées de la part des malheureuses victimes de cet événement, qu'il n'avait pas été possible de contenir, et qu'il était aussi peu conforme aux dispositions du gouvernement anglais qu'à celles du gouvernement des ÉtatsUnis d'adopter de propos délibéré aucun plan d'hostilités qui eût pour objet la dévastation de la propriété privée. Dans ces circonstances la destruction du Capitole, du palais du président et autres édifices publics à Washington, en août 1814, ne peut être considérée par tout le monde. comme un manquement injustifiable aux lois de la guerre civilisée. Dans le débat qui eut lieu à la chambre des communes, le 11 avril 1845, de l'adresse au prince régent sur le traité de paix avec les États-Unis, sir James Mackintosh accusa les ministres de lenteurs coupables en ouvrant les négociations à Gand, lenteurs qui ne pouvaient s'expliquer, disait-il, que sur la misérable politique de prolonger la guerre dans le but de frapper un coup sur l'Amérique. Le déshonneur de la guerre navale résultant de succès balancés entre la flotte anglaise et la jeune marine de l'Amérique devait être racheté de la part des Anglais par la prolongation de l'état de guerre, et en répandant leurs armées victorieuses sur le continent américain. Fatalement pour eux, cette occasion naquit. Si le congrès se fût ouvert en juin, il eût été impossible qu'il eussent envoyé les ordres pour attaquer Washington. Il eussent été à l'abri de ce succès, qu'il considérait comme cent fois plus honteux et plus désastreux que la pire défaite. C'était un succès qui fit de leur puissance navale un objet de haine,

et d'alarme pour l'Europe entière. C'était un succès qui donnait le cœur du peuple américain à tout ennemi qui s'élèverait contre l'Angleterre. C'était l'entreprise qui avait le plus exaspéré un peuple et le moins affaibli un gouvernement, qu'on puisse trouver dans les annales de la guerre. Elle était impuisante à remplir tout but justifiable de la guerre actuelle. Elle était hostile à tout sage objet de politique prévoyante. C'était une attaque, non contre la force ou les ressources d'un État, mais contre l'honneur national et les affections publiques d'un peuple. Après vingt-cinq ans de la guerre la plus violente dans laquelle chaque grande capitale du continent européen avait été épargnée, il dirait presque respectée, par les ennemis, il était réservé à l'Angleterre de violer toute cette courtoisie décente envers les siéges de la dignité nationale, qui au milieu de l'inimitié manifestait le respect des nations les unes pour les autres, par une expédition de propos délibéré et dirigée principalement contre des palais de gouvernement, des salles de législation, des tribunaux de justice, des dépôts d'archives de propriétés, de documents historiques: objets, parmi les nations civilisées, exempts des ravages de la guerre, et assurés autant que possible même contre ses opérations accidentelles, parce qu'ils ne contribuent en rien au moyen d'hostilité, mais sont consacrés aux effets de la paix et servent aux intérêts communs et perpétuels de toute société humaine. Ce lui semblait être une aggravation à cette atroce mesure, que ministres se fussent efforcés de justifier la destruction d'une capitale distinguée, comme une représaille à quelques violences de la part d'officiers américains subalternes, non autorisés et désavoués par leur gouvernement, contre il ne savait quel village du Haut-Canada. Pour rendre juste une pareille représaille, il fallait d'abord des preuves manifestes de l'outrage, et de plus une évidence suffisante que le gouvernement adverse eût refusé d'en faire

les

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