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Vaisseaux

Quoique l'exemption du territoire neutre de l'exercice chassés dans de tout acte d'hostilité soit généralement admise, cepen

le territoire

capturés.

neutre et là dant on a tenté d'en excepter le cas d'un vaisseau ennemi rencontré en pleine mer et poursuivi. On dit que dans la poursuite il peut être chassé dans les limites du territoire neutre. Le seul jurisconsulte de poids qui ait soutenu ce principe anomal est Bynkershoek'. Il admet qu'il ne l'avait jamais vu mentionné dans les écrits des publicistes, ni chez les nations européennes, si ce n'est chez les Hollandais; avouant ainsi que quoiqu'elle puisse être raisonnable en elle-même, une pareille pratique n'avait jamais reposé sur aucune autorité, et qu'elle n'était pas sanctionnée par l'usage général. L'extrême mesure avec laquelle il accorde cette licence aux belligérants, se concilie aussi difficilement avec l'exercice pratique de cette même licence; car comment un ennemi peut-il être poursuivi d'une manière hostile, dans la juridiction d'une puissance amie, sans danger imminent de nuire aux sujets et aux propriétés de cette dernière? Dum fervet opus, dans la chaleur et l'ardeur contre l'ennemi en fuite, il y a trop de raisons de présumer qu'on s'inquiétera peu des conséquences qui peuvent s'ensuivre pour la partie neutre. Il n'y a donc pas d'exception à la règle, que toute entrée volontaire sur un territoire neutre avec des intentions hostiles est absolument illégale. «Quand le fait est établi,» dit sir W. Scott, << il repousse toute autre considération. La capture est annulée, la propriété doit être restituée, bien qu'elle puisse véritablement appartenir à l'ennemi 2. >>

§ 11. Les plaintes

Quoiqu'il soit du devoir de celui qui a fait la capture de faire la restitution de la propriété ainsi capturée dans

1 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. v. Cette opinion de Bynkershoek, à laquelle semble prendre part Casaregis, est réprouvée par plusieurs autres publicistes. (AZUNI, Diritto marittimo, pt. I, cap. IV, art. 4. VALIN, Traité des prises, chap. IV, § 3, no 4, art. 4. D'HABREU, sobre las Prisas, pt. I, chap. iv, § 45.)

2 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 45. The Vrow Anna Catharina.

1

la violation d un territoire

neutre doivent être sanetionnées

la juridiction territoriale de l'État neutre, la règle tech- fondées sur nique des cours des prises est en pareil cas de ne restituer la propriété au réclamant que sur la demande du gouvernement neutre dont le territoire a été ainsi violé. Cette règle est fondée sur le principe que l'État neutre seul a été injurié par la capture, et que le réclamant ennemi n'a pas le droit de paraître pour entraîner la nonvalidité de la capture'.

Quand la capture de la propriété de l'ennemi est faite dans le territoire neutre, ou au moyen d'armements illégalement organisés dans le même territoire, il est du droit autant que du devoir de l'État neutre dans les possessions duquel vient la propriété ainsi prise, de la rendre à ses propriétaires primitifs. Cette restitution est généralement faite par l'intermédiaire des cours d'amirauté et de juridiction maritime. On trouve de très-bonne heure les traces de l'exercice de cette juridiction dans les écrits de sir Leoline Jenkins, juge de la haute cour d'amirauté anglaise sous le règne de Charles II et de Jacques II. Dans une lettre au roi en conseil, datée du 11 octobre 1675, relative à un corsaire français saisi à Harwich avec sa prise (vaisseau hambourgeois envoyé à Londres), sir Leoline pose plusieurs questions résultant de ce cas. Parmi elles était celle-ci: « Ce navire hambourgeois étant pris dans les domaines de Votre Majesté, et étant destiné à l'un de vos ports, ne doit-il pas être mis en liberté par l'ordre de Votre Majesté, bien que s'il eût été pris en pleine mer en dehors de ses domaines, il eût été de loyale prise? Je suis humblement d'avis qu'il doit être mis en liberté, sur la preuve claire et évidente qu'il était dans les domaines. du roi, au moment de la prise, qu'il déclare dans sa première requête avoir eu lieu à huit lieues en mer en face d'Harwich. Le roi Jacques (bénie soit sa mémoire!) par

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. III, note. Cas de l'Etrusco. WHEATON'S Reports, vol. III, p. 447. The Anne.

par l'Etat

neutre.

$ 12. Restitution

par l'État la propriété

neutre de

capturée
dans sa

juridiction ou
d'une autre
manière
en violation
de sa
neutralité.

Étendue de la juridiction

des côtes

une proclamation du 2 mars 1504, ordonne que tous officiers et sujets de terre et de mer prêteront aide et assistance à tous les marchands et autres qui seraient exposés au danger des côtes, là où il est si facile d'empêcher le commerce d'exportation et d'importation; et que tous vaisseaux étrangers une fois entrés dans le domaine du roi, et se trouvant, bien entendu, dans les parages indiqués dans ces ordonnances, seront en sûreté et à l'abri de tout dommage, ou que dans le cas de capture, ces mêmes vaisseaux seront restitués. Autrement ils n'auraient pas la protection digne de Votre Majesté et de l'ancienne réputation de ces lieux. Mais ce point ayant été récemment déterminé (dans un cas à ma connaissance, où sous cette dénomination même, il fut précisément question des domaines de Votre Majesté), il est assez important pour mériter la déclaration et la revendication de Votre Majesté de ce droit de la couronne, par un arrêté d'État pris en conseil. Les côtes du royaume de Votre Majesté sont maintenant si infestées de vaisseaux de guerre étrangers, qu'on fera un fréquent usage d'une pareille décision '.»

Quelque doute qu'il puisse y avoir quant à l'étendue de la juridiction territoriale ainsi révendiquée comme faisant partie de l'immunité de l'État neutre, il ne peut y en avoir aucun quant au sens conçu par cet éminent jurisconsulte relativement au droit et au devoir du souverain neutre de faire restitution quand son territoire est violé.

Quand la guerre maritime commença en Europe en neutre le long 1793, le gouvernement américain, qui avait résolu de et dans les rester neutre, jugea nécessaire de déterminer l'étendue de et rivières. la ligne de protection territoriale réclamée par les États

baies

Unis sur leurs côtes, dans le but de mettre à exécution leurs droits et leurs devoirs de neutres. Il fut exposé à cette occasion que les gouvernements et les publicistes avaient été d'opinions très- diverses quant à la distance des 1 Vie et ouvrages de sir L. Jenkins, t. II, p. 727.

côtes de la mer dans laquelle une nation neutre pouvait raisonnablement réclamer le droit d'empêcher l'exercice des hostilités. La nature des rivages des États-Unis, remarquables dans des parties considérables comme ne permettant pas aux gros vaisseaux de passer près de la côte, donnerait raisonnablement droit, pensait-on, à ces mêmes États à une ceinture de navigation protégée aussi large qu'à toute autre nation que ce fût. Le gouvernement cependant ne proposa pas, à cette époque, et sans communications amiables avec les puissances étrangères intéressées à cette navigation, de fixer la distance dans laquelle il pourrait ultérieurement réclamer son droit de protection. Le président Washington donna des instructions aux officiers chargés de son exécution, de la restreindre pour le moment présent à la distance d'une lieue marine, ou trois milles géographiques, des côtes. On supposait que cette distance ne rencontrerait aucune opposition, étant admise par les traités entre les États-Unis et quelques-unes des puissances avec lesquelles ils étaient en relation de commerce, et ne s'étendant pas plus loin que celle réclamée par certaines d'entre elles pour leurs propres côtes. Quant aux baies et aux rivières elles avaient toujours été considérées comme parties du territoire, et par les lois de l'ancien gouvernement colonial, et par celles de l'union actuelle, et leur exemption des opérations de la guerre était sanctionnée par le droit général et l'usage des nations. Le 25 article du traité de 1794, entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, stipulait « qu'il ne serait permis à aucune des parties de s'emparer des vaisseaux ou des biens appartenant aux citoyens ou aux sujets de l'autre à portée de canon de la côte, ni dans aucun des ports, baies, ou rivières de leurs territoires, au moyen de vaisseaux de guerre ou autres bâtiments ayant commissions de quelque prince, république, ou État que ce soit. Mais en cas que cela arrivât, la partie dont les droits

territoriaux auraient été ainsi violés mettra ses plus pressants efforts à obtenir pleine et entière satisfaction pour le navire ou les navires ainsi pris, que ce soit des bâtiments de guerre ou des bâtiments marchands.»> Avant ce traité avec la Grande-Bretagne, les États-Unis étaient obligés, par traités avec trois des nations belligérantes (la France, la Prusse et la Hollande), de protéger et défendre, << par tous les moyens en leur pouvoir, » les vaisseaux et effets de ces nations, dans leurs ports, ou dans leurs eaux, ou sur mer, près de leurs côtes, et de reprendre et restituer ces vaisseaux au véritable propriétaire quand ils lui auraient été enlevés. Mais ils n'étaient pas forcés de donner compensation quand tous les moyens en leur pouvoir auraient été employés sans qu'ils eussent obtenu d'effet. Quoique, quand la guerre fut commencée, ils n'eussent pas de traité semblable avec la Grande-Bretagne, l'opinion du président fut qu'ils devaient appliquer à cette nation la même règle que celle qui, d'après cet article, devait être appliquée aux autres puissances susnommées, et même l'étendre aux captures faites en pleine mer et amenées dans les ports américains, si ces captures étaient faites par des vaisseaux qui eussent été armés dans ces ports. Dans l'arrangement constitutionnel des différents pouvoirs de l'union fédérale américaine, des doutes s'élevèrent d'abord sur la question de savoir s'il appartenait au gouvernement exécutif ou au département de la justice de remplir le devoir de s'enquérir des captures faites dans le territoire neutre, par des vaisseaux de guerre originairement équipés, ou dont la force avait été augmentée dans ce même territoire, et de faire restitution à la partie lésée. Mais il a été depuis longtemps établi que ce devoir appartient à juste titre aux tribunaux de la fédération, agissant comme cours d'amirauté et de juridiction maritime 1.

1 Lettre de M. Jefferson à M. Genet, 8 nov. 1793. WAITE'S State Papers, vol. VI, p. 195.- Opinion de l'attorney - général sur la cap

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