Page images
PDF
EPUB

§ 24. Contrebande

neutre trouvée à bord des vaisseaux ennemis sera tenue et considérée comme propriété ennemie, et comme telle exposée à détention et à confiscation, excepté la propriété chargée à bord d'un vaisseau ennemi avant la déclaration de guerre, ou même après, si le chargement a été fait dans l'ignorance de la guerre; mais les parties contractantes consentent qu'après deux mois écoulés depuis la déclaration de guerre, leurs citoyens ne puissent arguer de l'ignorance du fait '.»>

La liberté générale du commerce neutre à l'égard des de guerre. puissances belligérantes est soumise à quelques exceptions. Parmi elles est le commerce avec l'ennemi, de certains articles appelés contrebande de guerre. L'autorité presque unanime de tous les jurisconsultes, des ordonnances de prises et des traités s'accordent à compter parmi ces articles tous les instruments de guerre, ou les matériaux de nature à pouvoir être employés à la guerre. Toutefois, il est assez difficile de concilier les autorités contradictoires tirées des opinions des publicistes, des divers usages des nations, et des textes de différentes conventions ayant pour but de donner à cet usage la forme fixe du droit positif. Grotius, en examinant ce sujet, établit une distinction entre les choses qui ne sont utiles que pour la guerre, celles qui ne le sont pas, et celles pouvant servir indistinctement à la guerre ou à la paix. Pour les premières il s'accorde avec tous les autres jurisconsultes pour en défendre aux neutres le transport chez l'ennemi, et pour leur permettre le transport des secondes; pour celles de la troisième classe, comme l'argent, les provisions, les vaisseaux, le matérial maritime, quelquefois il les défend, et d'autres fois il les permet, selon les circons

1 Traité de 4828, entre les États-Unis et la Colombie, art. 43. Par le traité de 4834, entre les États-Unis et le Mexique; par le traité de 4834, avec le Chili, art. 43, le terme de quatre mois est fixé pour le même effet, et par celui de 4842, avec l'Équateur, art. 16, le terme de six mois.

tances existantes de la guerre'. Vattel fait une espèce de distinction semblable, quoiqu'il renferme les bois et le Inatériel naval parmi les articles particulièrement employés pour la guerre, et toujours exposés à la capture comme contrebande; et qu'il ne considère les vivres comme tels que dans certaines circonstances, « où l'on espère réduire l'ennemi par la faim. >> Bynkershoek

combat vivement l'admission, dans la liste des articles de contrebande, des choses qui sont d'un usage commun à la paix et à la guerre. I considère la limite assignée par Grotius au droit de les intercepter comme se bornant au cas de nécessité, et sous obligation de restitution ou d'indemnité, comme ne suffisant pas pour justifier l'exercice du droit lui-même. Il conclut que les matériaux dont on peut faire des articles de contrebande, ne sont pas eux

1 Sed et quæstio incidere solet quid liceat in eos qui hostes non sunt, aut dici nolunt, sed hostibus res aliquas subministrant. Nam et olim et nuper de ea re acriter certatum scimus, cum alii belli rigorem, alii commerciorum libertatem defenderent.

Primum distinguendum inter res ipsas. Sunt enim quæ in bello tantum usum habent, ut arma: sunt quæ in bello nullum habent usum, ut quæ voluptati inserviunt: sunt quæ et in bello et extra bellum usum habent, ut pecuniæ, commeatus, naves, et quæ navibus adsunt. In primo genere verum est dictum Amalasuinthæ ad Justinianum, in hostium esse partibus qui ad bellum necessaria hosti administrat. Secundum genus querelam non habet...... In tertio illo genere usus ancipitis distinguendus erit belli status. Nam si tueri me non possum nisi quæ mittuntur intercipiam, necessitas, ut alibi exposuimus, jus dabit, sed sub onere restitutionis, nisi causa alia accedat. Quod si juris mei exsecutionem rerum subvectio impedierit, idque scire potuerit qui advexit, ut si oppidum obsessum tenebam, si portus clausos, et jam deditio aut pax expectabatur, tenebitur ille mihi de damno culpa dato, ut qui debitorem carceri exemit, aut fugam ejus in meam fraudem instruxit: et ad damni dati modum res quoque ejus capi, et dominium earum debiti consequendi causa quæri poterit. Si damnum nondum dederit, sed dare voluerit, jus erit rerum retentione eum cogere ut de futuro caveat obsidibus, pignoribus, aut alio modo. Quod si præterea evidentissima sit hostis mei in me injustitia, et ille eum in bello iniquissimo confirmet, jam non tantum civiliter tenebitur de damno, sed et criminaliter, ut is qui judici imminenti rerum manifestum eximit : atque eo nomine licebit in eum statuere quod delicto convenit, secundum ea quæ de pœnis diximus, quare intra eum modum etiam spoliari poterit. (GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. 1, § v, 1, 2, 3.)

2 VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. vii, § 112.

mêmes contrebande; parce que si l'on peut prohiber tous les matériaux d'où l'on puisse extraire et fabriquer quelque chose propre à la guerre, le catalogue des objets de contrebande serait presque interminable, attendu qu'il n'y a presque aucune espèce de matériaux dont on ne puisse fabriquer quelque chose propre à la guerre. L'interdiction de tant d'articles se réduirait à l'interdiction totale du commerce, et pourrait tout aussi bien être exprimée de la sorte. Il modifie ce principe général, en déclarant qu'il peut arriver quelquefois que les matériaux pour la construction des vaisseaux soient prohibés, «si l'ennemi en a un grand besoin et ne puisse sans eux poursuivre la guerre.» Sur cette base il justifie l'édit des États-Généraux de 1697 contre les Portugais, et celui de 1652 contre les Anglais, comme des exceptions à la règle générale que les matériaux pour la construction des navires ne sont pas de contrebande. Il déclare aussi que « les vivres sont souvent exceptés » de la liberté générale du commerce neutre, «< quand les ennemis sont assiégés par nos amis ou de toute autre manière pressés par famine 1.»

1 Grotius in eo argumento occupatus, distinguit inter res quæ in bello usum habent, et quæ nullum habent, et quæ promiscui usus sunt, tam in bello, quam extra bellum. Primum genus non hostes hostibus nostris advehere prohibet, secundum permittit, tertium nunc prohibet, nunc permittit. Si sequamur, quæ capite præcedenti disputata sunt, de primo et secundo genere non est, quod magnopere laboremus. In tertio genere distinguit Grotius, et permittit res promiscui usus intercipere, sed in casu necessitatis, si aliter, me meaque tueri non possim, et quidem sub onere restitutionis. Verum, ut alia præteream, quis arbiter erit ejus necessitatis, nam facillimum est eam prætexere? an ipse ego, qui intercepi? Sic, puto, ei sedet, sed in causa mea me sedere judicem omnes leges omniaque jura prohibent, nisi quod usus, tyrannorum omnium princeps, admittat, ubi fœdera inter principes explicanda sunt. Nec etiam potui animadvertere, mores gentium hanc Grotii distinctionem probasse; magis probarunt, quod deinde ait, neque obsessis licerè res promiscui usus advehere, sic enim alteri prodessem in necem alterius, ut latius intelliges ex capite seq. Quod autem ipse ille Grotius tandem addit, distinguendum esse inter belli justitiam et injustitiam, ad fœderatos, certo casu, pertinere posse, sed ad eos, qui neutrarum partium sunt, nunquam pertinere, capite præced. mihi visus sum probasse.

......Ex his fere intelligo, contrabanda dici, quæ uti sunt, bello apta esse possunt, nec quicquam interesse, an et extra bellum usum præ

Valin et Pothier s'accordent à déclarer que les munitions de bouche ne sont pas de contrebande d'après la loi des prises de France, ou d'après le droit commun des nations, si ce n'est seulement dans le cas où elles sont destinées à une place assiégée ou bloquée'.

Valin, dans son commentaire sur l'ordonnance sur la marine de Louis XIV, par laquelle toutes les munitions de

beant. Paucissima sunt belli instrumenta, quæ non et extra bellum præbeant usum sui. Enses gestamus ornamenti causa, gladiis animadvertimus in facinorosos, et ipso pulvere bellico utimur pro oblectamento, et ad testandam publice lætitiam, nec tamen dubitamus, quin ea veniant nomine tŵv contrabande Waren. De his, qui promiscui usus sunt, nullus disputandi esset finis, et nullus quoque, si de necessitate sequimur Grotii sententiam, et varias, quas adjicit, distinctiones. Excute pacta Gentium, quæ diximus, excute et alia quæ alibi exstant, et reperies, omnia illa appellari contrabanda, quæ, uti hostibus suggeruntur, bellis gerendis inserviunt, sive instrumenta bellica sint, sive materia per se bello apta: nam quod Ordines Generales 6 maj. 1667, contra Suecos decreverunt, etiam materiam, bello non aptam, sed quæ facile bello aptari possit, pro contrabanda esse habendam, singularem rationem habebat, ex jure nempe retorsionis, ut ipsi Ordines in eo decreto significant.

Atque ante judicabis, an ipsa materia rerum prohibitarum quoque sit prohibita? Et in eam sententiam, si quid tamen definiat, proclivior esse videtur Zocchius, de jure feciali, part. II, sect. vп, Quest. 8. Ego non essem, quia ratio et exempla me moveant in contrarium. Si omnem materiam prohibeas, ex qua quid bello aptari possit, ingens esset catalogus rerum prohibitarum, quia nulla fere materia est, ex qua non saltem aliquid, bello aptum, facile fabricemus. Hac interdicta, tantum non omni commercio interdicimus, quod valde esset inutile. Et § 4, Pacti 4 dec. 4674, inter Carolum II, Angliæ regem, et Ordines Generales; et § 4, Pacti 26 nov. 1675, inter regem Suecorum et Ordines Generales; et § 46, Pacti 12 oct. 1679, inter eosdem, amicos hostibus quibus arma non licet, permittunt advehere ferrum, æs, metallum, materiam navium, omnia denique quæ ad usum belli parata non sunt. Quandoque tamen accidit, ut et navium materia prohibeatur, si hostis ea quam maxime indigeat, et absque ea commode bellum gerere haud possit. Quum Ordines Generales, in § 2, edicti contra Lysitanos, 31 dec. 1657, iis, quæ communi populorum usu contrabanda censentur, Lysitanos juvari vetuissent, specialiter addunt in § 3, ejusdem edicti, quia nihil nisi mari a Lysitanis metuebant, ne quis etiam navium materiam iis advehere vellet, palam sic navium materia a contrabandis distincta, sed ob specialem rationem addita. Ob eandem causam navium materia conjungitur cum instrumentis belli in § 2, edicti contra Anglos, 5 dec. 1652, et in edicto Ordinum Generalium contra Francos, 9 mart. 1689. Sed sunt hæ exceptiones, quæ regulam confirmant. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. x.)

1 VALIN, Comment. sur l'ordon. de la mar., liv. III, tit. 1x ; Des prises, art. 11. - POTHIER, Traité de propriété, no 104.

Jusqu'à quel point le matériel

maritime

est de contrebande.

guerre étaient déclarées de contrebande,
dit: << Dans la
guerre de 1700, le goudron y fut compris, parce que les
ennemis le déclarèrent de contrebande, excepté celui qui
était trouvé sur les vaisseaux suédois, parce que c'est une
production de leur crû. (Lettre de M. de Pontchartrain du
25 juillet 1703.) Dans le traité de commerce conclu avec
le roi de Danemark, le 23 août 1742, le goudron a été
aussi déclaré de contrebande, avec la poix résine, les
voiles, chanvres et cordages, les mâts et bois de construc-
tion pour les navires. Ainsi à cet égard il n'y aurait
point à se plaindre de la conduite des Anglais, sans leur
contravention aux traités particuliers, car de droit ces
choses sont de contrebande aujourd'hui, et depuis le com-
mencement de ce siècle; ce qui n'était pas autrefois néan-
moins, comme il résulte des anciens traités, et notamment
de celui de Saint-Germain-en-Laye, du 23 février 1677,
conclu avec l'Angleterre, l'art. 4 portant expressément
que toutes ces choses demeureraient libres et permises,
de même que tout ce qui pourrait servir à la sustenta-
tion de la vie; le tout sauf les places assiégées ou blo-
quées 1. >>

Dans le fameux cas du convoi suédois décidé dans la cour anglaise d'amirauté en 1799, sir W. Scott (lord Stowell) déclare que: «Le goudron, la poix et le chanvre envoyés pour l'usage de l'ennemi sont exposés à être saisis comme contrebande de leur propre nature. On ne saurait, je le conçois, » dit-il, «en douter d'après le droit des gens moderne. Anciennement cependant, quand les hostilités de l'Europe étaient moins maritimes qu'elles ne le sont devenues depuis, ces objets étaient de nature contestable, et l'étaient peut-être encore à l'époque de ce traité (le traité de 1661 entre la Grande-Bretagne et la Suède, qui était encore en pleine vigueur au temps où sir W. Scott 1 VALIN, Comment. sur l'ordon. de la mar., liv. III, tit. IX. Des prises, art. 9.

« PreviousContinue »