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sécurité des États-Unis; qu'il n'était pas intervenu et qu'il n'interviendrait pas en faveur des colonies encore existantes sous la dépendance des puissances européennes; mais qu'il regarderait, comme une manifestation de dispositions hostiles aux États-Unis, toute intervention ayant pour but d'opprimer les gouvernements dont les États-Unis avaient reconnu l'indépendance, ou de contrôler d'une manière quelconque leur destinée. Les États-Unis avaient déclaré leur neutralité dans la guerre entre l'Espagne et ces gouvernements en même temps qu'ils les avaient reconnus, et ils continueraient à garder cette neutralité, pourvu qu'il n'arrivât aucun changement qui, dans leur opinion et pour leur propre sécurité, exigerait une modification de leur conduite. Les derniers événements de l'Espagne et du Portugal démontraient que l'état de l'Europe n'était pas encore assis sur des bases solides. La meilleure preuve de cet état de choses était que les puissances alliées se sont vues obligées, en se fondant sur un principe à leur convenance, d'intervenir par la force des armes dans les affaires intérieures de l'Espagne. La question de savoir jusqu'où peuvent mener les interventions fondées sur ce principe, intéressait tous ces États indépendants dont la forme de gouvernement diffère de celle des puissances alliées, et particulièrement les États-Unis. La politique du gouvernement américain à l'égard de l'Europe, politique qui s'était manifestée dans toutes les périodes de la guerre qui avait agité si longtemps cette partie du globe, ne s'était jamais démentie. Toujours elle avait eu pour principe de ne jamais intervenir dans les affaires des puissances européennes. Les gouvernements de fait ont toujours été pour la politique américaine des gouvernements légitimes; elle avait entretenu des relations amicales avec eux, et s'était attachée à conserver ces relations par une conduite tout à la fois pleine de franchise et de fermeté; elle avait pris soin d'accueillir les réclamations fondées et de ne jamais

§ 8. Intervention

terre dans

les affaires du Portugal,

en 1826.

tolérer aucune offense. Mais quant au continent américain les circonstances étaient bien différentes. Il était impossible que les puissances alliées étendissent leur système politique sur une portion quelconque de ce continent, sans mettre en danger la paix et le bien-être des ÉtatsUnis. Il était donc impossible à ceux-ci de regarder avec indifférence cette intervention sous quelque forme qu'elle eût lieu '

Nous avons vu que l'Angleterre avait protesté contre de l'Angle- Pintervention armée de la France dans les affaires intérieures de l'Espagne, mais elle ne repoussa pas par la voie des armes l'invasion française dans la péninsule. Par suite de cette invasion, la constitution des cortès fut renversée, et Ferdinand VII restauré dans son pouvoir absolu. Ces événements furent suivis, en 1825, par la mort de Jean VI, roi de Portugal. La constitution du Brésil établit que cette couronne ne peut être réunie sur la même tête avec celle du Portugal, et dom Pedro abdiqua cette dernière en faveur de sa fille donna Maria, en nommant une régence pour gouverner le royaume pendant la minorité de la reine; en même temps il octroya une charte aux possessions de la maison de Bragance. Le gouvernement espagnol restauré dans la plénitude de la puissance absolue, et eraignant l'exemple de l'établissement pacifique d'un gouvernement constitutionnel dans un pays si voisin, favorisa les prétentions de dom Miguel à la couronne de Portugal, et soutint les efforts de ses partisans pour renverser la régence et la charte. Des incursions hostiles sur le territoire du Portugal furent concertées en Espagne, et exécutées, avec la connivence des autorités espagnoles, par des troupes portugaises appartenant au parti du prétendant, et qui après avoir déserté le Portugal, avaient été reçues et secourues par les autorités espagnoles sur la frontière. Dans ces

1 Message du président M. Monroe au congrès, du 2 décembre 1823. (Annual Register, vol. LXV. Public Documents, p. 183.)

circonstances, la régence de Portugal réclama du gouvernement anglais, en vertu des anciens traités d'amitié et d'alliance existant entre les deux couronnes, des secours militaires contre l'agression hostile de l'Espagne. En déférant à cette demande et en envoyant un corps de troupes pour la défense du Portugal, le ministère anglais déclara que la constitution portugaise était reconnue comme provenant d'une source légitime, et qu'elle était recommandée à la nation anglaise par l'accueil favorable qu'elle avait reçu de toutes les classes de la nation portugaise; mais qu'il ne conviendrait pas à la nation anglaise de contraindre celle du Portugal, si cette dernière avait refusé de recevoir la constitution, ou s'il s'élevait une divergence d'opinions entre les Portugais eux-mêmes relativement à l'opportunité et à la convenance de cette constitution. Les Anglais se présentaient en conformité d'une obligation sacrée résultant des traités anciens et modernes. Pendant leur séjour dans ce pays ils ne feraient rien pour établir de force ladite constitution, mais aussi ils préviendraient toutes les entreprises qui tendraient à y mettre obstacle. L'agression hostile de l'Espagne, en favorisant et aidant le parti opposé à la constitution portugaise, était une violation directe des assurances données à plusieurs reprises par le cabinet d'Espagne au gouvernement anglais pour l'engager à s'abstenir de toute intervention. Le but unique de l'Angleterre était d'obtenir une exécution loyale de ces engagements. Le cas précédent de l'invasion de l'Espagne par la France, ayant pour but de renverser la constitution espagnole, présentait des circonstances essentiellement différentes. La France a donné à l'Angleterre une cause de guerre par l'atteinte portée par celle-ci à l'indépendance de l'Espagne. Le gouvernement anglais aurait eu le droit d'intervenir en se fondant sur une convenance politique; mais il n'était pas obligé d'intervenir, ainsi qu'il l'était à l'égard du Portugal par des stipulations

§ 9. Intervention

des

puissances

et des traités. Il aurait pu choisir la guerre, s'il l'eût jugé convenable dans l'affaire d'Espagne; au contraire, son intervention en Portugal était un devoir, à moins qu'il n'eût voulu abandonner les principes de la foi politique et de l'honneur national '.

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L'intervention des puissances chrétiennes de l'Europe

en faveur des Grecs, qui, après avoir souffert pendant de chrétiennes, longs siècles l'oppression, avaient secoué le joug ottoman des Grecs. et proclamé leur indépendance, était fondée non-seule

de l'Europe,

en faveur

ment sur le principe qu'une pareille intervention est justifiée dans les cas où la sûreté et les intérêts essentiels d'un État sont affectés par les événements intérieurs d'un État voisin, mais dans les cas où les droits de l'humanité sont violés par les excès d'un gouvernement cruel et barbare. Ces principes sont pleinement reconnus dans le traité pour la pacification de la Grèce, signé à Londres le 6 juillet 4826, entre l'Angleterre, la France et la Russie. Dans le préambule de ce traité il est déclaré que les parties contractantes étaient pénétrées de la nécessité de mettre un terme à une lutte si sanglante, qui en livrant la Grèce et les îles de l'Archipel à tous les maux de l'anarchie, entravait aussi journellement le commerce de l'Europe, et donnait lieu à une foule de pirateries qui exposaient les parties contractantes à des pertes considérables. Il y était dit aussi que la Grèce ayant demandé l'intervention des trois puissances, et ces puissances voulant faire cesser un état de choses si cruel, elles avaient résolu de faire un traité solennel pour rétablir la paix entre la Grèce et la Porte au moyen d'un arrangement que réclamait nonseulement l'humanité, mais aussi l'intérêt des puissances de l'Europe.

Par le 1er article du traité, il fut convenu que les trois puissances contractantes offriraient leur médiation à la

1 Discours de M. Canning à la chambre des Communes, le 14 décembre. (Annual Register, vol. LXVIII, p. 492.)

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Porte, et qu'en même temps elles proposeraient un armistice aux deux ennemis. ¡

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L'article 2 stipulait les termes de l'arrangement à faire au sujet de la situation politique et civile de la Grèce.

Par l'article 3 du traité, il fut convenu que les détails de l'arrangement et l'étendue à donner au nouveau térritoire serait stipulé par une négociation séparée entre les parties contractantes et les parties hostiles..

Au traité public fut ajouté un article secret qui stipulait que les hautes parties' contractantes prendraient des mesures pour établir des relations commerciales avec la Grèce, en lui envoyant des agents consulaires et en recevant les siens; qu'en outre, si dans le délai d'un mois la Porte n'acceptait pas l'armistice proposé, ou si les Grecs refusaient de l'exécuter, les hautes parties contractantes déclareraient à celle des deux puissances qui recommencerait les hostilités, qu'elles étaient décidées à employer tous les moyens que la prudence leur suggérerait pour empêcher tout renouvellement d'hostilités. Enfin cet article secret se terminait en déclarant que si cette mesure ne suffisait pas pour engager la Porte à adopter les propositions faites par les puissances, et si d'un autre côté les Grecs renonçaient aux conditions stipulées en leur faveur, les parties contractantes n'en continueraient pas moins l'œuvre de pacification commencée par elles; et que par suite, elles autoriseraient leurs représentants à Londres à discuter et à déterminer les mesures ultérieures qu'on trouverait nécessaires.

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Les Grecs acceptèrent la médiation proposée, mais la Porte la rejeta, et des instructions furent données aux commandants des forces navales des alliés pour faire cesser les hostilités. Ceci fut effectué par la bataille de Navarin; les troupes françaises occupèrent la Morée, et l'indépendance de la Grèce fut finalement reconnue par la Porte, grâce à la médiation des trois puissances contractantes. Si, comme quelques écrivains l'ont supposé, les

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