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§ 4. Intervention

guerres de la

française.

protestantes intercédaient pour leurs coreligionnaires per-
sécutés en Allemagne, en France et dans les Pays-Bas.
Ces interventions réciproques donnaient aux guerres et
aux transactions du dix-septième siècle une couleur par-
ticulière. La conduite de la France dans ses guerres est
surtout remarquable, car pendant que d'un côté Richelieu
soutenait les protestants d'Allemagne afin d'affaiblir la puis-
sance de la maison d'Autriche, il persécutait avec une in-
flexible rigueur les Français qui professaient la religion
réformée.

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L'équilibre des puissances établi par la paix de Westphalie fut de nouveau troublé par les projets ambitieux de Louis XIV, qui forcèrent les États protestants de l'Europe à s'unir avec la maison d'Autriche contre la France, et à prendre le parti de la révolution anglaise.de 1688, tandis que Louis XIV soutenait les prétentions: des Stuarts à la couronne d'Angleterre. Ces transactions nous fournissent des exemples d'intervention des États de l'Europe dans les affaires intérieures de leurs voisins, dans les cas où l'intérêt et la sécurité de la puissance intervenante ont été menacés par des événements arrivés dans ces États voisins. Mais ces exemples ne sauraient fournir aucune règle de conduite fixe, pouvant être appliquée dans des circonstances analogues!.

Les mêmes remarques peuvent s'étendre aux événelors des ments plus récents, mais non moins importants, qui prirent révolution leur origine dans la révolution française. Les coalitions successives, formées par les grandes monarchies de l'Europe contre la France, après la révolution de 1789, ont été fondées sur les dangers que la révolution présentait pour l'ordre social de l'Europe par la propagation de ses principes, et en même temps pour l'équilibre des puissances par le développement de son ascendant militaire.

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1 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 440 à 444.

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Tel fut le principe d'intervention dans les affaires intérieures de la France, avoué par les cours alliées et par les publicistes qui soutenaient leur cause. La France, de son côté, réclamait.comme un droit la non-intervention, en se fondant sur l'indépendance respective des nations. Les effets de ces coalitions eurent enfin pour résultat l'établissement d'une alliance permanente entre les quatre grandes puissances, la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie, alliance à laquelle la France accéda en 1818 lors du congrès d'Aix-la-Chapelle. Selon les puissances qui avaient déjà pris part à l'alliance connue sous le nom de Sainte-Alliance, à savoir, la Russie, l'Autriche et la Prusse, cette nouvelle alliance avait pour but de former un système perpétuel d'intervention entre les différents États de F'Europe, afin de prévenir tout changement dans la forme intérieure de leurs gouvernements respectifs, lorsque ce changement serait considéré comme menaçant l'existence des institutions monarchiques qu'on avait établies sous les dynasties légitimes des maisons aujourd'hui. régnantes. Ce droit général d'intervention a été quelquefois appliqué aux révolutions populaires, lorsque le changement dans la forme du gouvernement n'émanait pas de la concession volontaire du souverain régnant, ou n'avait pas été confirmé par sa sanction accordée dans des circonstances qui écartaient toute idée de violence exercée contre lui. Dans d'autres cas, les puissances alliées ont étendu le droit d'intervention à tout mouvement révolutionnaire qui pouvait être regardé comme mettant en danger, par des conséquences immédiates ou éloignées, l'ordre social de l'Europe en général ou la sécurité individuelle des États voisins.

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Les événements qui suivirent le congrès d'Aix-la-Chapelle démontrent l'impuissance de tous les essais qui ont été faits pour établir un principe général et invariable en matière d'intervention. Il est en effet impossible de formuler sur ce sujet une règle absolue, et toute règle qui

§ 5. Congrès d'Aix laChapelle, de Troppau et de Laybach.

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n'aura pas cette qualité, sera nécessairement vague et sujette à l'abus qu'en feront les passions humaines dans l'application pratique. Les mesures adoptées par l'Autriche, la Russie et la Prusse, aux congrès de Troppau et de Laybach, relativement à la révolution de Naples, de 1820, furent regardées par le gouvernement anglais comme fondées sur des principes tendant à donner aux grandes puissances continentales de l'Europe un prétexte perpétuel d'intervention dans les affaires intérieures des différents États européens. Le gouvernement anglais ne voulait pas admettre ces mesures, non pas seulement par le motif que

leur exécution, si elle avait lieu réciproquement, serait contraire aux lois fondamentales de la Grande-Bretagne, mais parce qu'il y aurait du danger à les admettre comme des principes autorisés par un système de droit international. Dans la dépêche circulaire adressée à cette occasion à tous ses agens diplomatiques, le cabinet anglais établit que bien qu'aucun gouvernement ne puisse être plus disposé que lui à maintenir le droit de tout État d'intervenir lorsque sa sécurité et ses intérêts essentiels sont menacés d'une manière sérieuse ou immédiate par les événements intérieurs d'un autre État, il n'en considère pas moins l'exercice de ce droit comme ne pouvant être justifié autrement que par la plus urgente nécessité et comme devant être réglé et limité par cette nécessité. Il déclare en outre qu'il n'admet point que ce droit doive recevoir une application générale et illimitée dans tous les cas de mouvements populaires, mais qu'il devra être réglé selon les exigences particulières de chaque cas qui se présente, et qu'il ne peut pas être appliqué, sous la forme d'une mesure de prudence, comme la base d'une alliance. Le gouvernement anglais regarde l'exercice de ce droit comme une exception aux principes généraux les plus essentiels, exception qui ne peut être admise que dans des circonstances spéciales; mais il pense qu'il est en même temps impossible,

sans courir les plus grands dangers, de définir les exceptions dont il vient d'être parlé et de les admettre dans la diplomatie ordinaire des États ou dans un système du droit des gens '.

Le gouvernement anglais refusa également de s'associer aux mesures prises par le congrès de Vérone en 1822, mesures qui amenèrent finalement l'intervention armée de la France, sous la sanction de l'Autriche, de la Russie et de la Prusse, dans les affaires intérieures de l'Espagne, et qui eurent pour résultat le renversement de la constitution de 1812. Voici comment fut exprimé le refus du gouvernement anglais. Le gouvernement anglais désavoue pour lui-même et refuse aux autres puissances le droit de requérir d'un autre État indépendant un changement dans sa constitution intérieure avec menace d'une attaque hostile en cas de refus. La révolution d'Espagne n'entralnait pas, suivant le gouvernement anglais, un danger imminent pouvant justifier une intervention armée. L'alliance entre l'Angleterre et les autres grandes puissances de l'Europe avait pour but reconnu de libérer le continent de la domination militaire de la France; cette domination étant renversée, on devait donc s'en tenir à l'état de possession établi par les traités de paix sous la protection des différents membres de l'alliance. Ladite alliance n'avait pas pour but de former une union tendant au gouvernement de l'univers, ou à une surveillance perpétuelle sur les affaires intérieures des autres États. Le gouvernement anglais n'avait reçu aucune preuve d'une intention de la part de l'Espagne de faire une invasion sur le territoire de la France, de séduire son armée ou de renverser ses institutions politiques, et tant que le combat et l'agitation ne dépassent pas les limites du territoire de l'Espagne, le

1 Dépêche circulaire de lord Castlereagh, secrétaire d'État pour les affaires étrangères, du 19 janvier 1821. (Annual Register, vol. LXI, pt. п, p. 737.)

§ 6. Congrès de Vérone.

§ 7. Guerre entre l'Espagne et

gouvernement anglais ne voit aucun motif à une interven-
tion étrangère. A la fin du dernier siècle et au commen-
cement du dix-neuvième, toute l'Europe s'est alliée contre
la France, non pas à raison des changements intérieurs
que celle-ci avait jugés nécessaires à la réforme de ses
institutions politiques et civiles, mais parce qu'elle essayait
de propager par les armes, d'abord ses principes et en-
suite sa domination '.

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A la même occasion l'Angleterre et les États-Unis d'Amé ses colonies rique protestèrent contre le droit que s'arrogeaient les l'Amérique, puissances alliées d'intervenir à main armée dans la con

de

testation entre l'Espagne et ses colonies révoltées. ›››Le
gouvernement anglais déclara conserver sa neutralité en
cas de continuation de la guerre, ajoutant que toute assis-
tance accordée par une puissance étrangère à la métropole
serait regardée par l'Angleterre comme une question entiè
rement neuve, dans laquelle elle prendrait telle résolution
que ses intérêts pourraient requérir; qu'elle n'entrerait dans
aucune stipulation qui l'obligerait, soit à refuser ou à dif-
férer sa reconnaissance de l'indépendance des colonies
espagnoles, soit enfin à attendre indéfiniment un accom
modement entre l'Espagne et ses colonies; qu'elle consi-
dérerait toute intervention étrangère, par les armes ou par
des menaces, comme un motif de reconnaître ces der
nières sans délai 2

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Le gouvernement des États-Unis déclara devoir considérer toute tentative de la part des puissances de l'Europe, pour étendre au continent de l'Amérique leur système po litique spécial, comme dangereuse pour la paix et pour la

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1 Communication confidentielle de lord Castlereagh sur les affaires de l'Espagne faite aux cours alliées au mois de mai 1823. → Lettres de M. Canning, secrétaire d'État pour les affaires étrangères, à sir C. Stuart, du 28 janvier et du 31 mars 1823. (Annual Register, vol. LXV. Public documents, p. 93, 114, 444.)

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2 Protocole de la conférence entre M. Canning et le prince de Polignac, du 9 octobre 1823. (Annual Register, vol. LXVI. Public Documents, p. 99.)

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