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qu'il y a entre ces faits considérés comme causes et comme effets, et nous montre les règles de conduite qu'il faut suivre dans des circonstances semblables 1.

§ 5. Identité du

et du droit des gens

selon Hobbes et

Ni Hobbes ni Puffendorf ne partagent les opinions de Grotius sur l'origine et sur la force obligatoire du droit des droit naturel gens positif. Dans son ouvrage de Cive, le premier partage le droit naturel entre le droit naturel des hommes Puffendorf. et le droit naturel des États, ordinairement appelé le droit des gens. «Les préceptes de tous les deux,» dit-il, << sont les mêmes; mais comme les États une fois établis prennent . les qualités personnelles des individus, ce droit, que nous appelons naturel quand il est appliqué aux individus, s'appelle droit des gens quand il est appliqué à des êtres entiers ou à des nations ou peuples entiers 2. »

Puffendorf, après avoir cité cette opinion, déclare qu'il y souscrit pleinement, et dit qu'il ne reconnaît pas «d'autre espèce de droit des gens volontaire ou positif qui ait la force de loi proprement dite, et qui soit imposé aux nations comme émanant d'un supérieur 3.»

Après avoir ainsi nié l'existence d'un droit des gens positif, fondé sur le consentement des nations et distinct du droit des gens naturel, Puffendorf modifie cette opinion, en admettant que l'usage des nations civilisées a introduit certaines règles pour adoucir les pratiques de la guerre; que ces règles sont fondées sur un consentement tacite et général, et qu'elles cessent d'être obligatoires du moment

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1 SENIOR, Edinburgh Review, no CLVI, p. 340-321; et WHEATON, Histoire des Progrès du droit des gens, t. I, introduction, p. 60. Præcepta utriusque eadem sunt: sed quia civitates semel institutæ induunt proprietates hominum personales, lex quam, loquentes de hominum singulorum officio, naturalem dicimus, adplicata totis civitatibus, nationibus sive gentibus, vocatur jus gentium. (HOBBES, de Cive, cap, XIV, § 4.)

3 Cui sententiæ et nos plane subscribimus. Nec præterea aliud jus gentium, voluntarium seu positivum dari arbitramus, quod quidem legis propriæ dictæ vim habeat, quæ gentes tamquam a superiore profecta stringat. (PUFFENDORF, de Jure naturæ et gentium, lib. II, cap. ш, § 23.)

où un État engagé dans une guerre juste, déclare qu'il ne veut pas s'y soumettre. Il est incontestable qu'une nation belligérante qui veut ainsi se soustraire à l'obligation du droit des gens concernant la manière usitée de faire la guerre, peut le faire, mais elle s'expose ainsi à ce que les autres nations usent du droit de représailles envers elle, et elle 'se met en hostilité générale avec les peuples civilisés. Un célèbre magistrat et publiciste anglais a fort bien observé << qu'une grande partie du droit des gens est basée sur l'usage et les pratiques des nations. Ce droit a commencé par des principes généraux empruntés au droit naturel; mais il ne marche avec ces principes que jusqu'à un certain point, et s'il s'arrête à ce point, nous ne pouvons pas prétendre aller plus loin, et dire que la seule théorie générale pourra nous soutenir dans un progrès ultérieur. Ainsi, par exemple, d'après les principes généraux, il est permis de détruire son ennnemi, et les seuls principes généraux ne font pas beaucoup de distinction sur la manière dont on remplit ce but de la guerre; mais le droit conventionnel du genre humain, témoigné par l'usage général, établit une distinction et permet certains moyens de destruction, tandis qu'il en défend d'autres, et un État belligérant est tenu de se renfermer dans les moyens que l'usage général du genre humain a employés, et de renoncer à ceux que ce même usage n'a pas sanctionnés dans les pratiques de la guerre, quoiqu'ils aient pu l'être par ses principes et ses objets1.>>

On peut faire la même observation à l'égard de ce que dit Puffendorf sur les priviléges des ambassadeurs, priviléges que Grotius prétend du droit volontaire des gens, tandis que Puffendorf les regarde comme dépendant ou du droit naturel qui donne aux ministres publics un caractère sacré et inviolable, ou du consentement tacite constaté par l'usage des nations, leur attribuant certains

1 Sir W. SCOTT (Lord Stowell), Robinson's Admiralty Reports, vol. I, p. 140.

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priviléges qui peuvent être refusés suivant la volonté de l'État ou du souverain auprès duquel ils sont accrédités. Cette distinction entre les priviléges des ambassadeurs qui dépendent du droit naturel et ceux qui dépendent des mœurs et usages, est entièrement sans fondement, puisque dans les deux cas ces priviléges peuvent être méconnus par un État qui veut encourir les risques de rétorsion ou d'hostilité, les seules peines par lesquelles les devoirs du droit international puissent être maintenus. « Le droit des gens,» dit Bynkershoek, « n'est qu'une présomption fondée sur l'usage, et une présomption de cette nature cesse du moment que la volonté de la partie intéressée est exprimée en contradiction avec elle. Je prétends que la règle est générale concernant tous les priviléges des ambassadeurs, et qu'il n'y en a pas dont ils puissent prétendre jouir contre la déclaration formelle du souverain, parce qu'un dissentiment exprès exclut la supposition d'un consentement tacite, et qu'il n'y a de droit des gens qu'entre ceux qui s'y soumettent volontairement par une convention tacite '.»

Il n'en est pourtant pas moins vrai que le droit des gens fondé sur l'usage général des nations, regarde un ambassadeur, dûment reçu dans un autre État, comme étant exempt de la juridiction du lieu, par le consentement du souverain de cet État, consentement qui ne peut être retiré sans encourir le risque de rétorsion ou d'hostilités de la part du souverain qu'il représente. On peut affirmer la même chose de tous les usages qui forment le droit entre les nations. Tous ces usages peuvent être rejetés

1 Jus gentium nihil est nisi præsumptio secundum consuetudinem, nec quicquam valet præsumptio ubi expressa est voluntas de quo agitur...... Ego generaliter verum dixerim de omni privilegio legatorum id nempe non prodesse, si contraria accessit contestatio, quia voluntas expressa tacitam excludit, nec ullum, ut dixi, jus gentium est nisi inter volentes ex pacto tacito. (BYNKERSHOEK, de Foro legatorum, cap. XIX.)

§ 6.

Droit des gens fondé sur la raison

par ceux qui veulent se déclarer dispensés d'observer ce droit, et qui veulent s'exposer au risque de rétorsion de la part de la nation lésée par son infraction, ou bien à l'hostilité du genre humain '.

Bynkershoek, qui écrivait après Puffendorf et avant Wolf et Vattel, fait dériver le droit des gens de la raison et et l'usage de l'usage, fondés, selon lui, sur les traités et les ordonnances. En parlant des droits de la navigation neutre en temps de guerre, il dit : « La raison m'ordonne d'agir de la même manière envers deux de mes amis qui sont ennemis l'un de l'autre, et il s'ensuit que je ne dois pas préférer l'un à l'autre dans ce qui regarde la guerre. L'usage est indiqué par une coutume constante et en quelque sorte perpétuelle que les souverains ont suivie en faisant des traités et des ordonnances au sujet de la matière en question, parce qu'ils ont souvent fait de pareils réglements par des traités pour être mis à exécution en temps de guerre et par des lois promulguées après le commencement des hostilités. J'ai dit par une coutume pour ainsi dire perpétuelle, parce qu'un traité et même deux traités, s'écartant de l'usage général, ne changent pas le droit des gens 2. »

En traitant de la question du juge compétent des ambassadeurs, il dit: «Les anciens jurisconsultes disent que le droit des gens est ce qui s'observe, conformément aux lumières de la raison, entre les nations, sinon toutes, du moins parmi la plupart et les plus civilisées. On peut, à mon avis, sans craindre de se tromper, suivre cette définition, qui établit deux fondements du droit dont il s'agit,

1 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 434 et suiv. 2 Jus gentium commune in hanc rem aliunde non licet discere quam ex ratione et usu. Ratio jubet ut duobus, invicem hostibus, sed mihi amicis, æque amicus sim, et inde efficitur, ne in causa belli, alterum alteri præferam. Usus intelligitur ex perpetua quodammodo paciscendi edicendique consuetudine..... Dixi ex perpetua quodammodo consuetudine, quia unum forte alterumve pactum, quod consuetudine recedit, jus gentium non mutat. (BYNKERSHOEK, Qæstiones juris publici, lib. I, cap. x.)

savoir, la raison et l'usage. Mais de quelque manière qu'on définisse le droit des gens, et quelques disputes qu'il y ait là-dessus, il faut toujours en revenir à dire que ce que la raison dicte aux peuples, et ce que les peuples observent entre eux, par suite d'une comparaison qu'ils ont faite entre les choses qui sont souvent arrivées, est l'unique droit de ceux qui n'ont pas d'autre loi à suivre. Si tous les hommes sont hommes, c'est-à-dire si tous les hommes font usage de leur raison, elle ne peut que leur conseiller et leur commander certaines choses qu'ils doivent observer comme par un consentement mutuel, et qui étant établies par l'usage, imposent aux peuples une obligation réciproque, sans quoi on ne saurait concevoir ni guerre, ni paix, ni alliance, ni ambassades, ni commerce'. » Et plus loin, en traitant la même question, il ajoute: «On ne peut guère tirer de lumières ici du droit civil ni du droit canon: tout dépend de la raison et de l'usage des peuples. J'ai allégué ce que l'on peut dire pour et contre en suivant la raison; il faut voir maintenant quel parti on doit prendre là-dessus. Ce que l'usage aura approuvé l'emportera sans contredit, puisque c'est de là que se forme le droit des gens '.» Enfin dans un autre passage du même ouvrage, il dit «il est néanmoins très-vrai, comme le disent les

1 Non erraverit qui, veteres juris auctores secutus, id esse dixerit, quod ratione præeunte inter gentes servatur, si non inter omnes, inter plerasque certe et moratiores. Duo igitur ejus quasi fulcra sunt, ratio et usus.... Quicquid autem et quam varie, et quam anxie de jure gentium disputetur, eo semper causa recidit, ut quod ratio dictavit gentibus, quodque illæ rerum sæpe factarum collatione inter se observant, unicum jus fit eorum, qui alio jure non reguntur. Si omnes homines homines sint, id est ratione utantur, haud fieri potest aliter, quin ratio iis quædam suadeat et imperet, quæ mutuo quasi consensu servanda sunt, et quæ deinde in usum conversa gentes inter se obligat, et sine quo jure nec bellum, nec pax, nec fædera, nec legationes, nec commercia intelliguntur. (BYNKERSHOEK, de Foro legatorum, cap. ш.)

2 Jus romanum et pontificum vix suppetias ferunt, ratio et mores gentium rem totam absolvunt. Rationes pro utraque sententia expedivi; quæ prævaleant, nunc quæstionis est; illæ autem prævalebunt, quas usus probavit, nam inde jus gentium est. (BYNKERSHOEK, de Foro legatorum, cap. vn.)

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