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Les États étrangers peuvent faire dépendre leur reconnaissance d'un État nouveau et son admission dans la société générale des nations, de la constitution intérieure de cet État, de la forme de son gouvernement ou même du choix qu'il aura fait d'un chef. Mais quelle que soit la constitution intérieure de cet État, ou la forme de son gouvernement, ou la personne de son chef, et fût-il même livré à l'anarchie la plus complète par suite des contestations entre les différents partis politiques qui se disputent le gouvernement, l'État n'en subsiste pas moins de droit jusqu'à ce que sa souveraineté ait été complétement détruite par la dissolution complète de tout lien de société, ou par quelque autre cause qui mette fin à son existence.." La souveraineté d'un État commence à l'origine même de la souve de la société dont il est formé, ou quand il se sépare de Etat. la société dont il faisait précédemment partie '.

§ 6.

Origine

raineté d'un

Ce principe s'applique également à la souveraineté intérieure et à la souveraineté extérieure d'un État. Il y a cependant une distinction importante à faire ici entre ces deux espèces de souveraineté. La souveraineté intérieure d'un État ne dépend pas de la reconnaissance de cet État par d'autres États; en d'autres termes, un État nouveau qui surgit dans le monde n'a pas besoin d'être reconnu par d'autres États pour jouir de sa souveraineté intérieure. L'existence de fait de l'État nouveau suffit seule pour légitimer l'exercice de sa souveraineté intérieure. C'est un État parce qu'il existe.

C'est ainsi que la souveraineté des États-Unis de l'Amérique du Nord existe depuis le 4 Juillet 1776, jour où ces États se sont déclarés libres, souverains et indépendants de la Grande-Bretagne. Aussi, par un arrêt de 4808, la cour suprême des États-Unis a-t-elle décidé que depuis ce moment les États qui composaient l'union fédérale

1 KLUBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 25.

avaient pu exercer tous les droits de souveraineté quant à la législation intérieure, et que l'exercice de cette souveraineté était tout à fait indépendant de la reconnaissance par le roi d'Angleterre dans le traité de paix de 1782'.

La souveraineté extérieure, pour être pleine et entière, a, au contraire, besoin d'être reconnue par d'autres États. Tant que l'État nouveau n'entre en relation qu'avec ses propres citoyens et borne sa sphère d'activité aux limites de son propre territoire, il peut fort bien se passer de cette reconnaissance, mais s'il désire entrer dans cette grande société des nations, dont tous les membres reconnaissent entre eux des droits respectifs et des devoirs. qu'ils sont tous tenus de remplir, il faut que l'État nouveau ait été reconnu par les États qui forment cette société, car ce n'est qu'à cette condition qu'il pourra prendre part aux avantages que cette société lui assure. Chaque État étranger est parfaitement libre de reconnaître, ou de ne reconnaître point, l'État nouveau, en prenant sur lui la responsabilité des suites que pourrait entraîner son refus de le reconnaître. Tant que l'État nouveau n'aura pas été reconnu par tous les autres États, il ne pourra réclamer l'exercice de sa souveraineté que dans ses relations avec les États qui l'auront reconnu.

§ 7.

Identité

L'identité d'un État consiste en ce qu'il a une origine ou commencement d'existence qui lui est propre, et en ce que d'un État. cette origine ou commencement d'existence le distingue de tous les autres États. Un État est un corps changeant quant aux membres qui composent la société, mais quant à la société même, c'est le même corps dont l'existence est perpétuée par une succession constante de membres nouveaux. Cette existence continue tant qu'aucun changement fondamental n'a été introduit dans l'État 2.

1 CRANCH'S Reports, vol. IV, p. 342.

2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, chap. ix, THERFORTH'S Institutions, b. II, c. x, § 42, 43. europäische Völkerrecht, § 24.

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De l'effet d'une

Si ce changement est opéré par une révolution inté

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révolution rieure qui change la constitution de l'État, ou la forme de

intérieure

sur

l'identité

son gouvernement, ou la dynastie qui y règne, l'État d'un Etat. demeure le même; il ne perd aucun de ses droits et n'est libéré d'aucun de ses engagements 1.

De la conduite que

les États

peuvent

envers un

Etat engagé

guerre civile.

Pour qu'un État soit constitué, il faut nécessairement que les membres de la société politique dont il est composé obéissent habituellement à une autorité supérieure. Il ne résulte nullement de là que si, par suite d'une guerre civile, cette obéissance habituelle, ainsi que l'autorité à laquelle cette obéissance est due, sont momentanément suspendues, l'existence de l'État soit pour cela détruite, quoique pour un temps les relations ordinaires de cet État avec d'autres États aient cessé.

Jusqu'à ce que la révolution soit consommée, c'est-àdire pendant que la guerre civile continue, les autres États étrangers peuvent, ou rester spectateurs indifférents de la lutte, tout observer en continuant à regarder l'ancien gouvernement comme dans une souverain, et le gouvernement de fait comme ayant le droit de faire la guerre à ses adversaires, ou bien ils peuvent soutenir la cause de l'un ou de l'autre parti belligérant, selon qu'ils le trouveront fondé en justice ou non. →→ Dans le premier cas, l'État étranger remplit toutes ses obligations suivant le droit des gens; et pourvu qu'il garde une conduite rigoureusement impartiale envers les deux partis, ni l'un ni l'autre n'a le droit de se plaindre. Dans le second cas, l'État étranger devient nécessairement l'allié du parti en faveur duquel il s'est déclaré, et l'ennemi du parti opposé; et comme dans ce cas le droit des gens n'établit aucune différence entre une guerre juste et une guerre injuste, l'État qui intervient jouit de tous les droits de la guerre contre son ennemi 2.

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PUFFENDORF, de Jure

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, chap. VIII.
FORTH'S Institutions, b. II, c. x, § 14.
naturæ et gentium, lib. VIII, cap. xix, § 4 à 3.

2 VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. IV, § 56.
Précis du Droit des gens, liv. III, chap. 1, § 79-82.

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partis belligérants doivent jouir de tous les

guerre.

§ 8. De l'effet d'une force

d'un État.

Si l'État étranger veut garder une neutralité absolue Les deux en face des dissensions qui agitent un autre État, il doit accorder aux deux partis belligérants tous les droits que tou la guerre accorde aux ennemis publics, tels que le droit de blocus et le droit d'intercepter les marchandises de contrebande. Cependant l'exercice de ces droits par une colonie envers la mère-patrie pourra être modifié d'après les traités qui existent entre cet État et d'autres États 2. Si au contraire un changement fondamental est opéré dans un État par l'effet d'une force extérieure, comme par extérieure la conquête confirmée par des traités, les effets de ce sur l'identité changement dépendront des stipulations contenues dans ees traités. Deux cas possibles se présentent d'abord si une partie seulement de l'État vaincu a été conquise par l'ennemi, et ensuite si c'est la totalité du territoire qui a été soumise à l'étranger. Dans le premier cas l'État vaincu ne cesse pas d'exister; dans le second il cesse d'exister, Du reste dans l'un ou l'autre cas le pays conquis peut être incorporé dans l'État vainqueur comme une province de cet État, ou bien il peut être réuni à cet État comme un Coétat avec des droits souverains semblables à ceux de l'État auquel il est réuni,

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Un changement pareil dans l'existence d'un État peut être le résultat d'une révolution intérieure combinée avec la conquête par une puissance étrangère, confirmée et modifiée par des traités. C'est de cette manière que la maison d'Orange fut expulsée des Provinces-Unies en 4797, par suite de la révolution française et du progrès des armées françaises, et qu'un régime démocratique fut substitué à l'ancienne constitution néerlandaise. En même temps les provinces des Pays-Bas, qui avaient été depuis longtemps réunies à la monarchie autrichienne sous la

1 WHEATON'S Reports, vol. III, p. 640.

2 Vid. part. IV, chap. 1. Droits de la guerre à l'égard des

neutres.

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Les ordonnances

déjà existant, suivant que l'explication est plus ou moins précise, ou que le nombre des puissances contractantes est plus ou moins important. Enfin les traités peuvent être considérés comme formant le droit des gens volontaire ou positif. Une succession constante de traités sur une même matière peut être considérée comme exprimant l'opinion des nations sur cette matière '.

3o Les ordonnances des États souverains pour régler concernant les prises maritimes en temps de guerre.

les prises maritimes.

Les ordonnances de la marine d'un État peuvent être regardées, non-seulement comme des témoignages historiques de l'usage de cet État pour ce qui regarde les pratiques de la guerre maritime, mais comme constatant aussi l'opinion des légistes de cet État sur les règles généralement reconnues comme conformes au droit des gens universel.

L'usage des nations, qui forme le droit des nations, n'a pas encore établi un tribunal impartial pour décider sur la validité des prises maritimes. Chaque état belligérant défère le jugement de ces litiges aux tribunaux maritimes établis sous son autorité et dans son territoire, avec un ressort définitif à une cour d'appel qui se trouve sous le contrôle direct du gouvernement. La règle d'après laquelle les tribunaux constitués de cette manière sont tenus de procéder pour la décision de ces cas, n'est pas le droit civil de leur propre pays, mais le droit international et les traités qui existent entre ce pays et d'autres nations. Ils peuvent, pour rechercher le droit international, recourir à ses sources ordinaires, dans les ouvrages des publicistes, ou bien dans les ordonnances promulguées par leur souverain d'après les principes reconnus par les légistes du pays comme conformes au droit public. Mais dans l'un ou

1 BYNKERSHOEK, Quæstiones juris publici, lib. I, cap. x, le passage déjà cité.

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