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gens, ou droit international, proposés successivement par Zouch, d'Aguesseau et Bentham, comme exprimant d'une manière plus précise et plus logique cette branche du droit qu'on appelle ordinairement le droit des gens ou des nations, << termes si peu caractéristiques,» dit Bentham, «<que si ce n'était la force de l'usage, ils pourraient être regardés plutôt comme indiquant une branche du droit interne ou civil.» Il est même permis de douter si le terme de droit des gens peut être littéralement applicable à ces règles de justice qui sont observées ou qui devraient l'être entre les sociétés indépendantes. Il ne peut y avoir de droit où il n'y a point de loi, et il n'y a pas de loi où il n'y a pas de supérieur; entre les nations il n'y a qu'une obligation morale résultant de la raison qui enseigne qu'une certaine conduite dans leurs relations mutuelles contribue le plus efficacement au bonheur général. C'est seulement dans un sens métaphorique que le droit des gens peut être appelé loi. Les lois proprement dites sont des commandements émanés d'un supérieur, auxquels est annexé comme sanction un mal éventuel. Telle est la loi naturelle, ou loi divine, prescrite par Dieu à tous les hommes, et telles sont les lois civiles imposées dans chaque société politique par l'autorité supérieure de l'État aux personnes qui y sont soumises. Les nations étant indépendantes les unes des autres, ne reconnaissent de supérieur que Dieu même; tous les devoirs réciproques existants entre elles résultent de conventions ou de l'usage: la loi dans le sens naturel de ce mot ne peut dériver ni de l'une ni de l'autre de ces deux sources du droit international.

Les rapports entre les nations étaient appelés jus genlium par les jurisconsultes romains, et dans toutes les lan

1 Zouch, de Jure inter gentes. Lond. 1650.

2 OEuvres de D'AGUESSEAU, t. II, p. 337.

3 BENTHAM, Morals and legislation. Works, part. I. p. 449.

gues modernes de l'Europe, excepté la langue anglaise, on donne à ces rapports le nom de droit des gens ou des nations. Cependant le mot gens, dérivé du latin, ne signifie en français ni peuple ni nation. L'expression anglaise, law of nations, loi des nations, est encore moins applicable aux règles de justice internationale '.

Des règles de conduite imposées par l'opinion ne sont appelées lois que par l'effet analogique du terme; c'est le cas de la loi internationale. Cette loi n'est pas une loi positive, puisque chaque loi positive est imposée par une autorité supérieure ou souveraine à des inférieurs ou sujets. L'ensemble des règles de conduite reconnues par les nations et les souverains dans leurs relations mutuelles leur étant imposé par des opinions généralement admises entre eux, est appelé loi par son analogie avec une loi positive. Cette loi n'a d'autre sanction que la crainte de provoquer l'hostilité des autres nations par les violations des maximes généralement reconnues par les peuples civilisés 2.

Savigny.

D'après l'opinion de Savigny, il peut exister entre di- Opinion de verses nations cette même communauté d'idées, qui a contribué à former le droit positif (das positive Recht) de chaque nation en particulier. Cette communauté d'idées, fondée sur une origine et une religion communes à plusieurs peuples, constitue le droit international, tel que nous le voyons parmi les États chrétiens de l'Europe, droit qui n'était pas inconnu des peuples anciens, et que nous trouvons parmi les Romains sous le nom de jus feciale. Le droit international peut donc être considéré comme un droit positif, mais un droit imparfait par rapport à l'incertitude de ses préceptes et parce qu'il manque de cette

1 RAYNEVAL, Institutions du droit de la nature et des gens, liv, I, p. 8, note 1.

2 AUSTIN, Province of jurisprudence, etc., p. 447 et 448, 207 et 208.

§ 11. Définition

base sur laquelle repose le droit positif de chaque nation particulière, le pouvoir politique de l'État et des magistrats capables d'exécuter les lois. Les progrès de la civilisation, fondés sur la religion chrétienne, nous ont insensiblement conduits à observer un droit analogue dans nos relations avec toutes les nations du globe, quelle que soit leur foi religieuse et sans aucune réciprocité de leur

part'.

Cette observation du savant légiste allemand se trouve confirmée par les changements qui sont récemment arrivés dans les relations entre les nations chrétiennes de l'Europe et de l'Amérique et les peuples païens et mahométans de l'Asie et de l'Afrique. Ces peuples ont dans plusieurs circonstances manifesté l'intention de renoncer à leurs usages internationaux et d'adopter ceux des nations plus civilisées. Les droits de légation ont été reconnus par la Turquie, la Perse, l'Égypte et les États barbaresques, et étendus réciproquement à ces pays par les pays chrétiens de l'Europe. L'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman ont été considérées depuis longtemps comme un des éléments essentiels de l'équilibre des puissances européennes, et sont devenues l'objet, entre ces puissances, de conventions qui font maintenant partie du droit public de l'Europe. On peut étendre les mêmes observations aux transactions récentes entre l'empire chinois et les nations chrétiennes de l'Europe et de l'Amérique, par lesquelles cet empire a renoncé à ses principes antisociaux et anticommerciaux, et a reconnu l'indépendance et l'égalité des autres peuples dans les relations de la paix et de la

guerre.

On peut donc en somme dire que le droit international, du droit in- tel qu'il est compris par les nations civilisées, est l'ensemble des règles de conduite que la raison déduit, comme

ternational.

1 SAVIGNY, System des heutigen römischen Rechts, Bd. I. Cap. 1, § 6.

étant conformes à la justice, de la nature de la société qui existe parmi les nations indépendantes, en y admettant toutefois les définitions ou modifications qui peuvent être établies par l'usage et le consentement général '. Les sources du droit international sont les suivantes: 4o Les écrits des publicistes enseignant les règles de justice applicables à la société qui existe entre les nations, national. et les modifications de ces règles d'après l'usage et le consentement général.

Sans être disposé à exagérer l'importance de ces écrivains, ou à substituer, en aucun cas, leur autorité aux principes de la raison, on peut affirmer qu'ils sont généralement impartiaux dans leurs jugements. Ils déposent comme témoins des sentiments et des usages des nations civilisées, et le poids de leur témoignage augmente toutes les fois que leur autorité est invoquée par les hommes d'État et à chaque année qui s'écoule sans que l'usage constaté par leurs ouvrages soit détruit par l'aveu de principes contraires.

§ 12. Sources du droit inter

2o Les traités de paix, d'alliance et de commerce entre Les traités. divers états.

Les traités peuvent être considérés sous plusieurs points de vue, suivant la nature des questions du droit des gens qui sont résolues par ces traités.

On peut les considérer comme répétant ou affirmant le droit des gens généralement reconnu, ou bien comme formant des exceptions à ce droit et comme des lois particulières entre les parties contractantes, ou enfin comme explicatifs des principes de ce droit sur des points dont le sens est obscur ou indéterminé. Dans ce dernier cas, les traités ont d'abord force de loi entre les parties contractantes, et ensuite ils confirment le droit international

1 MADISON, Examination of the British doctrine, which subjects to capture a neutral trade not open in time of peace, p. 44. London, édit. 4806.

Les ordon

nances

déjà existant, suivant que l'explication est plus ou moins
précise, ou que le nombre des puissances contractantes
est plus ou moins important. Enfin les traités peuvent
être considérés comme formant le droit des gens volon-
taire ou positif. Une succession constante de traités sur
une même matière peut être considérée comme exprimant
l'opinion des nations sur cette matière.

3o Les ordonnances des États souverains pour régler

concernant les prises maritimes en temps de guerre.

les prises maritimes.

Les ordonnances de la marine d'un État peuvent être regardées, non-seulement comme des témoignages historiques de l'usage de cet État pour ce qui regarde les pratiques de la guerre maritime, mais comme constatant aussi l'opinion des légistes de cet État sur les règles généralement reconnues comme conformes au droit des gens universel.

L'usage des nations, qui forme le droit des nations, n'a pas encore établi un tribunal impartial pour décider sur la validité des prises maritimes. Chaque état belligérant défère le jugement de ces litiges aux tribunaux maritimes établis sous son autorité et dans son territoire, avec un ressort définitif à une cour d'appel qui se trouve sous le contrôle direct du gouvernement. La règle d'après laquelle les tribunaux constitués de cette manière sont tenus de procéder pour la décision de ces cas, n'est pas le droit civil de leur propre pays, mais le droit international et les traités qui existent entre ce pays et d'autres nations. Ils peuvent, pour rechercher le droit international, recourir à ses sources ordinaires, dans les ouvrages des publicistes, ou bien dans les ordonnances promulguées par leur souverain d'après les principes reconnus par les légistes du pays comme conformes au droit public. Mais dans l'un ou

BYNKERSHOEK, Quæstiones juris publici, lib. I, cap. x, le passage déjà cité.

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