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§ 11.

Des fleuves

qui

font partie

d'un État.

consacrée tant par l'usage que par des conventions spéciales, et peut être regardé maintenant comme faisant partie du droit positif des gens '.

3o A l'égard des détroits qui servent de voie de communication entre deux mers, le droit de propriété et de juridiction de l'État qui a des possessions sur les deux rives du détroit, peut être modifié par le droit qu'ont toutes les nations de naviguer dans les mers entre lesquelles se trouve le détroit. Ainsi, par exemple, si les deux rives du détroit de Gibraltar fétaient soumises à une même puissance, la navigation de ce détroit n'en serait pas moins libre, puisqu'il sert de voie de communication entre l'Océan Atlantique et la mer Méditerranée. C'est ainsi que, comme nous l'avons déjà vu, la navigation des Dardanelles et du Bosphore est libre à toutes nations, sauf qu'elles doivent se soumettre à certains règlements indispensables pour le maintien de la sûreté de l'empire ottoman 2.

Le territoire d'un État comprend les lacs, les mers et les fleuves entièrement renfermés dans ses limites. Les

du territoire rivières qui coulent à travers un État font aussi partie du territoire de cet État. Lorsqu'une rivière navigable forme la frontière entre deux États, le milieu du lit de cette rivière (Thalweg) est considéré comme la ligne de frontière des deux États, comme il est à présumer que la navigation est libre aux deux États limitrophes. Cependant cette présomption peut être détruite, s'il existe des preuves que l'un des États a exercé depuis fort longtemps des droits de souveraineté sur la rivière en question.

§ 12.

Droit

Des choses dont l'usage est inépuisable, telles que de passage la mer et l'eau courante, ne peuvent appartenir en qui coulent propre à personne de manière à exclure les autres du

innocent

des fleuves

1 VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. XXIII, § 287. Précis du droit des gens moderne de l'Europe, § 153.

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2 Voir, dans mon Histoire du droit des gens, les discussions qui eurent lieu, à ce sujet, entre la Turquie et la Grand-Bretagne, t. II, p. 256-260.

droit de se servir de ces choses, si toutefois cet usage n'incommode pas le propriétaire légitime. C'est ce que l'on nomme l'usage innocent. C'est ainsi que nous avons vu que la juridiction d'un État sur des détroits ou sur d'autres bras de mer passant par cet État et communiquant avec un autre État ou avec des mers communes à tous les hommes, n'exclut pas d'autres nations du droit de passer librement dans ces détroits. Le même principe s'applique aux fleuves qui coulent d'un État à travers un autre État dans la mer, ou dans le territoire d'un troisième État. Le droit de naviguer, pour des objets de commerce, sur un fleuve qui coule dans le territoire de plusieurs États, est commun à toutes les nations qui habitent ses rives; mais ce droit étant un droit imparfait, son exercice peut être modifié pour la sûreté des États intéressés, et ne peut être assuré d'une manière efficace par des conventions réciproques'.

à travers plusieurs

Etats différents.

§ 13. Droit Jincident à l'usage

d'un fleuve.

L'exercice de ce droit entraîne celui du droit incident de se servir de tous les moyens nécessaires à la jouissance du droit principal. C'est ainsi que le droit romain, des rives qui considérait les fleuves navigables comme propriété publique et commune, déclarait que le droit de se servir des rives d'un fleuve entraînait aussi celui de se servir de ses eaux, et que le droit de naviguer entraînait celui d'amarrer des bâtiments sur ses rives et de les y décharger. Les publicistes appliquent ce principe du droit romain aux relations des nations, et prétendent que ce droit est une conséquence nécessaire du droit de libre navigation 2.

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. 1, § 42-44; cap. ш, § 7-12. VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. IX, § 126-130; chap. x, § 132–134. PUFFENDORF, de Jure naturæ et gentium, lib. III, cap. шI, § 3—6.

2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. II, § 2. DORF, de Jure naturæ et gentium, lib. III, cap. 1, § 8. Droit des gens, liv. II, chap. IX, § 129.

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PUFFEN-
VATTEL,

§ 14. Ces droits

sont imparfaits de

leur nature.

§ 15. Modification

au moyen de

Le droit incident, comme le droit principal, est imparfait de sa nature, et l'avantage des deux parties doit être consulté pour l'exercice de ces droits.

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Ceux qui sont intéressés dans l'exercice ou la jouissance de ces droits de ces droits, peuvent y renoncer entièrement, ou les moconventions. difier de telle manière qu'il leur plaira en vertu de conventions réciproques. Un exemple frappant d'une semblable renonciation se trouve dans le traité de Westphalie de 1648, confirmé par d'autres traités postérieurs. Par ces traités la navigation de l'Escaut fut fermée aux provinces belges en faveur des Hollandais. La violation de ces stipulations par la France lors de son intervention dans les affaires des Pays-Bas en 1792, fut un des principaux motifs de la guerre entre la France et la Grande-Bretagne et la Hollande. Les traités de Vienne placèrent la navigation de l'Escaut sur le même pied que celle du Rhin et des autres grands fleuves de l'Europe; et dans le traité de 1831, qui proclamait la séparation de la Belgique et de la Hollande, la libre navigation de l'Escaut fut stipulée, sauf certains droits à lever par la Hollande '.

§ 16. Traités

Par le traité de Vienne de 1815, la navigation comde Vienne merciale des fleuves qui séparent différents États ou qui la coulent à travers leur territoire fut déclarée libre dans navigation

par rapport

des grands

fleuves toute l'étendue de leur cours, à condition que la police de l'Europe. de navigation serait observée.

Par l'annexe XVI de l'acte final du congrès de Vienne, la libre navigation du Rhin est accordée dans tout son cours, et des règlements particuliers sont faits pour ce qui regarde ce fleuve, ainsi que le Necker, le Mein, la Meuse et l'Escaut, qui sont tous déclarés libres depuis l'endroit où ils commencent à devenir navigables jusqu'à leurs embouchures. Des règlements semblables furent faits pour la navigation de l'Elbe par les États riverains de ce

1 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 345.

fleuve, par un acte signé à Dresde en date du 12 décembre 1821. Les stipulations par lesquelles les puissances qui y étaient intéressées garantirent la libre navigation de la Vistule et des autres fleuves de la Pologne, stipulations qui avaient été insérées dans le traité signé le 3 mai 1815 entre l'Autriche et la Russie, et dans celui signé le même jour par la Russie et la Prusse, furent confirmées aussi par l'acte final du congrès de Vienne. L'acte étend aussi les mêmes principes à la navigation du Pô'.

Navigation

L'interprétation de ces stipulations, relatives à la libre § 17. navigation du Rhin, est devenue ensuite l'objet d'un litige du Rhin. entre le gouvernement des Pays-Bas et les autres États riverains intéressés dans le commerce de ce fleuve. Le gouvernement néerlandais a réclamé le droit exclusif de régler et d'imposer le commerce dans les limites de son territoire aux endroits où les diverses branches du Rhin se divisent en tombant dans la mer. Pour soutenir cette prétention, on alléguait que l'expression, dans les traités de Paris et de Vienne, jusqu'à la mer, n'était pas synonyme du terme dans la mer; et que même si l'on interprétait la lettre des traités dans ce sens, il fallait la restreindre au cours du véritable Rhin, qui n'était pas même navigable à son embouchure. La masse des eaux formant ce fleuve se divise près de Nimègue en trois grands canaux naturels, le Waal, le Lech, et l'Yssel: le premier descendant par Gorcum, où il prend le nom de la Meuse; le second approchant la mer à Rotterdam; et le troisième, se dirigeant vers le nord par Zutphen et Deventer, tombe dans le Zuydersée. De ces trois canaux aucun n'est connu sous le nom de Rhin, nom qui est conservé à un petit fleuve qui laisse le Lech à Wycle, prend son cours par Utrecht et Leyde, et dispersant peu à peu ses eaux, les perd entre les dunes de sable à Kulwyck. Le propre fleuve du Rhin

1 Acle final du congrès de Vienne, art. 96, 444, 118.

devenant de cette manière sans utilité pour la navigation, le Lech y a été substitué pour cet objet, avec le consentement commun de toutes les puissances intéressées dans la question; et le gouvernement néerlandais a ensuite consenti à ce que le Waal fût substitué au Lech.

D'un autre côté, les puissances qui demandaient la libre navigation du fleuve soutinrent que les stipulations du traité de Paris de 1814, par lesquelles la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, devait recevoir un accroissement de territoire, et celles par lesquelles, en même temps, la navigation du Rhin devait être libre, du point où il devient navigable jusqu'à la mer et réciproquement, étaient essentiellement liées ensemble dans l'intention des puissances alliées, parties contractantes de ce traité. Cette intention fut remplie par le congrès de Vienne, qui réunit la Belgique à la Hollande, et qui en même temps confirma la libre navigation du Rhin comme une condition de l'augmentation de territoire acceptée par le gouvernement hollandais. Le droit de libre navigation sur le fleuve, disait-on, impliquait nécessairement le droit de faire usage des eaux diverses qui l'unissent à la mer, et l'expression jusqu'à la mer pourrait être regardée, sous ce rapport, comme équivalent de l'expression dans la mer. La prétention donc du gouvernement hollandais de lever des droits sur les passages principaux de la rivière dans la mer rendrait parfaitement inutile aux autres États le privilége de naviguer sur le Rhin dans les limites du territoire des Pays-Bas '.

Après une négociation prolongée, cette question fut enfin décidée par la convention conclue à Mayence, le 31 mars 1834, entre tous les États riverains du Rhin, d'après laquelle la navigation de ce fleuve fut déclarée libre depuis le point où il devient navigable jusque dans

Annual Register, 1826, vol. LXXVIII, p. 259–263.

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