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On voit en Italie beaucoup plus de différens ordres de moines que de régimens. C'eft cet efprit d'affociation qui partagea l'antiquité en tant de fectes, c'est ce qui produifit cette multitude d'initiations englouties enfin dans celle du chriftianifme. Il a fait naître de nos jours les moraves, les méthodistes, les piétiftes, comme on avait eu auparavant des fyriens, des égyptiens, des juifs.

La religion eft, après les jours de marchés, ce qui unit davantage les hommes; le mot feul de religion l'indique ; c'eft ce qui lie, quod religat.

Il est arrivé en fait de religion la même chofe que dans notre franc-maçonnerie. Les cérémonies les plus extravagantes en ont par-tout fait la base. Joignez à la bizarrerie de toutes ces inftitutions l'efprit de partialité, de haine, de vengeance. Ajoutez-y l'avarice infociable, le fanatifme qui éteint la raison, la cruauté qui détruit toute pitié, vous n'aurez encore qu'une faible image des maux que les affociations religieufes ont apporté fur la terre.

Je n'ai jufqu'à préfent connu de fociété vraiment pacifique que celle de la Caroline & de la Penfilvanie. (g) Les deux légiflateurs de ces pays ont eu foin d'y établir la tolérance comme la principale loi fondamentale. Notre grand Locke a ordonné que dans la Caroline fept pères de famille fuffiraient pour former une religion légale. Guillaume Pen étendit la tolérance encore plus loin, il permit à chaque homme d'avoir fa religion particulière, fans en rendre compte à perfonne. Ce font ces lois humaines qui ont

(g) Cela fut écrit avant la guerre de la métropole contre les colonics

fait régner la concorde dans deux provinces du nouveau monde, lorfque la confufion bouleverfait encore le monde ancien.

Voilà des lois bien directement contraires à celles

de Mofé dont nous avons fi long-temps adopté l'efprit barbare. Locke & Pen regardent DIEU comme le père commun de tous les hommes, & Mofé ou Moïse (fi on en croit les livres qui courent sous fon nom ) veut que le maître de l'univers ne foit que le Dieu du petit peuple juif, qu'il ne protége que cette poignée de fcélérats obfcurs, qu'il ait en horreur le reste du monde. Il appelle ce Dieu un Dieu jaloux qui fe venge jufqu'à la troifième & la quatrième génération.

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Il ofe faire parler DIEU; & comment le fait-il parler ?

Quand vous aurez paffé le Jourdain, égorgez, exterminez tout ce que vous rencontrerez. Si vous ne tuez pas tout je vous tuerai moi-même. (h)

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L'auteur du Deuteronome va plus loin. S'il ", s'élève, dit-il, parmi vous un prophète, s'il vous ,, prédit des prodiges, & que ces prodiges arrivent, & ,, qu'il vous dise ( en vertu de ces prodiges ) fui

vons un culte étranger &c. qu'il foit maffacré incontinent. Et fi votre frère, né de votre mère, " fi votre fils ou votre fille, ou votre tendre & ,, chère femme, ou votre intime ami vous dit : "allons, fervons des dieux étrangers qui font fervis " par toutes les autres nations, tuez cette perfonne ,, fi chère auffitôt, donnez le premier coup, & que

, tout le monde vous fuive. 9, (i)

(h) Nombres, chap. XXXIV.

(i) Deuteronome, chap. XIII.

Après avoir lu une telle horreur, pourra-t-on la croire ? Et fi le diable exiftait pourrait-il s'exprimer avec plus de démence & de rage? Qui que tu fois, infenfé, fcélérat qui écrivis ces lignes, ne voyais-tu pas que s'il eft poffible qu'un prophète prédife des prodiges & que ces prodiges confirment ces paroles, c'est visiblement le maître de la nature qui l'inspire, qui parle par lui, qui agit par lui! Et dans cette fuppofition tu veux qu'on l'égorge! tu veux que ce prophète foit affaffiné par fon père, par fon frère, par fon fils, par fon ami! Que lui feraistu donc s'il était un faux prophète ? La superstition change tellement les hommes en bêtes que les docteurs chrétiens ne se font pas aperçus que ce paffage eft la condamnation formelle de leur Jefu - Chrift. Il a, felon eux, prophétifé des prodiges qui font arrivés; la religion introduite par fes adhérens a détruit la religion juive; donc felon le texte attribué à Moïfe, il était évidemment coupable; donc en vertu de ce texte il fallait que fon père & sa mère l'égorgeaffent. Quel étrange & horrible chaos de fottifes & d'abominations !

Ce qu'il y a de plus déplorable, c'eft que les chrétiens eux-mêmes fe font fervi de ce paffage juif, & de tous les paffages qui les condamnent, pour juftifier tous leurs crimes fanguinaires. C'eft en citant le Deuteronome que nos papistes d'Irlande massacrèrent un nombre prodigieux de nos protestans. (k) C'est en criant, le père doit tuer fon fils, le fils doit tuer fon père, Mofé le juif l'a dit, DIEU l'a dit.

( k ) L'auteur parle des maffacres d'Irlande du temps de Charles I & de

Comment faire quand on eft defcendu dans cet abyme, & qu'on a vu cette longue chaîne de crimes fanatiques dont les chrétiens fe font fouillés ! Où recourir? où fuir? Il vaudrait mieux être athée & vivre avec des athées. Mais les athées font dangereux. Si le chriftianifme a des principes exécrables, l'athéifme n'a aucun principe. Des athées peuvent être des brigands fans lois, comme les chrétiens & les mahométans ont été des brigands avec des lois. Voyons s'il n'eft pas plus raifonnable & plus confolant de vivre avec des théiftes.

CHAPITRE XXV I.

Du theifme.

LE théisme eft embraffé par la fleur du genrehumain, je veux dire par les honnêtes gens depuis Pékin jusqu'à Londres & depuis Londres jusqu'à Philadelphie. L'atheisme parfait, quoi qu'on en dise, eft rare. Je m'en fuis aperçu dans ma patrie & dans tous mes voyages que je n'entrepris que pour m'inftruire jufqu'à ce qu'enfin je me fixai auprès du lord Bolingbroke le théifte le plus déclaré.

C'eft fans contredit la fource pure de mille fuperftitions impures. Il eft naturel de reconnaître un DIEU dès qu'on ouvre les yeux; l'ouvrage annonce l'ouvrier.

Confucius & tous les lettrés de la Chine s'en tiennent à cette notion & ne font pas un pas au-delà. Ils abandonnent le peuple aux bonzes & à leur

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dieu Fo. Le peuple eft fuperftitieux & fot à la Chine comme ailleurs, mais les lettrés y font moins remplis de préjugés qu'ailleurs. La grande raifon à mon avis c'eft qu'il n'y a rien à gagner dans ce vafte & ancien royaume à vouloir tromper les hommes & à fe tromper foi-même. Il n'y a point comme dans une partie de l'Europe des places honorables & lucratives affectées à la religion : les tribunaux gouvernent toute la nation, & des prêtres ne peuvent rien disputer aux colao que nous nommons mandarins. Il n'y a ni évêchés, ni cures, ni doyennés pour les bonzes; ces impofteurs ne vivent que des aumônes qu'ils extorquent de la populace; le gouvernement les a toujours tenus dans la fujétion la plus étroite, ils peuvent vendre leur orviétan à la canaille; mais ils n'entrent jamais dans l'antichambre d'un mandarin ou d'un officier de l'empire. La morale & la police étant les feules fciences que les Chinois aient cultivées, ils y ont réuffi plus que toutes les nations enfemble, & c'eft ce qui a fait que leurs vainqueurs tartares ont adopté toutes leurs lois. L'empereur chinois fous qui arriva la révolution dernière était théifte. L'empereur KienLong aujourd'hui régnant eft théifte. Gengis-kan & toute fa race furent théiftes.

J'ofe affirmer que toute la cour de l'empire ruffe plus grand que la Chine eft théifte, malgré toutes les fuperftitions de l'Eglife grecque qui fubfiftent

encore.

Pour peu qu'on connaiffe les autres cours du Nord, on avouera que le théisme y domine ouvertement, quoiqu'on y ait confervé de vieux ufages

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