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DIOCL ÉTIEN.

"Que ferons-nous donc ?

GALÉRIUS.

, Choififfons Sévère pour céfar.

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DIOCL ÉTIEN.

" Qui! ce danfeur, cet ivrogne, qui fait du jour ,, la nuit, & de la nuit le jour !

GALÉRIUS.

,, Il eft digne d'être céfar; car il a donné de l'ar"gent aux troupes, & j'ai déjà envoyé à Maximien, " pour qu'il le revêtiffe de la pourpre.

DIOCLÉ TIEN.

"Soit. Et qui nous donnerez-vous pour l'autre

" céfar?

GALÉRIUS.

,, Le jeune Daïa mon neveu, qui n'a presque " point de barbe.

DIO CLÉTIEN (en foupirant.)

"Vous ne me donnez pas là des gens à qui on puiffe confier les affaires de la république.

GALÉRIUS.

" Je les ai mis à l'épreuve, cela fuffit.

DIOCL ÉTIEN.

,, Prenez-y garde; c'est vous de qui tout cela " dépend; s'il arrive malheur ce n'eft pas ma faute. " Voilà une étrange conversation entre les deux maîtres du monde. L'avocat Lactance était-il en tiers?

Comment les auteurs ofent-ils dans leur cabinet faire parler ainfi les empereurs & les rois ? Comment ce pauvre Lactance eft-il affez ignorant pour faire dire à Galérius que Nerva abdiqua l'empire, tandis qu'il n'y a point d'écolier qui ne fache que c'eft une fauffeté ridicule ? On a regardé ce Lactance comme un père de l'Eglise; il fait voir qu'un père de l'Eglife peut fe tromper.

l'édition

, Bure in-4°.

de

de

C'eft lui qui cite un oracle d'Apollon pour faire Page 3 connaître la nature de DIEU. Il est par lui-même perfonne ne l'a enfeigné, il n'a point de mère, il eft inébranlable, il n'a point de nom, il habite dans le feu ; c'eft-là DIEU, & nous fommes une petite portion d'ange. DIEU, dit-il dans un autre endroit, a-t-il befoin Page 34. du fexe feminin? Il est tout-puiffant, & peut faire des enfans fans femme, puifqu'il a donné ce privilège à de petits animaux.

Il cite des vers grecs de la fibylle Erythrée, pour Page 285. prouver que l'aftrologie & la magie font des inventions

du diable; & d'autres vers grecs de la même fibylle pour faire voir que DIEU a eu un fils.

Il trouve dans une autre fibylle le règne de mille Page 580. ans, pendant lequel le diable sera enchaîné, On voit par-là qu'il favait l'avenir tout comme il favait le paffé.

Tel eft le témoin des converfations fecrètes entre deux empereurs romains. Mais que Diocletien ait abdiqué par grandeur d'ame ou par faibleffe, cela ne change rien aux événemens dont nous allons parler.

Nous obferverons feulement ici que jamais l'histoire ne fut plus mal écrite, que dans les temps qui fuivirent la mort de Dioclétien, & qu'on appelle du bas empire. Ce fut à qui ferait le plus extravagant & le

plus menteur des partisans de l'ancienne religion & de la nouvelle. On ne perdait point de temps à difcuter les prodiges & les oracles de fes adverfaires, chacun s'en tenait aux fiens; les prêtres des deux partis reffemblaient à ces deux plaideurs dont l'un produifait une fauffe obligation, & l'autre une fauffe quit

tance.

CHAPITRE XVI.

VOICI

De Conftantin.

OICI Ce qu'on peut recueillir des panégyriques & des fatires de Conflantin, & de toutes les contradictions dont l'efprit de parti a enveloppé l'époque dans laquelle le chriftianisme fut folemnellement établi.

On ne fait point où Conftantin naquit. Tous les auteurs s'accordent à lui donner le céfar Conftance Clore ou le Pâle pour père. Tous conviennent qu'on a fait une fainte d'Hélène fa mère. Mais on dispute encore fur cette fainte. Fut-elle époufe de Conftance Clore; fut-elle fa concubine? Si Conftantin fut bâtard nous pouvons dire qu'il n'eft pas le feul homme de cette espèce, qui ait fait du mal au monde ; témoin le bâtard Guillaume dans notre île, Clovis dans les Gaules, & un autre bâtard qu'il eft inutile de nommer.

Quoi qu'il en foit, il était fort triste d'être le beaupère, ou le beau-frère, ou le neveu, l'allié, ou le frère, ou le fils, ou la femme, ou le domestique, ou même, fi l'on veut encore, le cheval de Conftantin.

A commencer par ses chevaux, lorsqu'il partit de Nicomédie, pour aller trouver fon père qu'on disait malade ou chez les Gaulois, ou chez nous, il fit tuer tous les chevaux qu'il avait montés fur la route, dans la crainte d'être poursuivi fur les mêmes chevaux par l'empereur Galerius qui ne fongeait point du tout à le poursuivre, puisqu'il ne fit courir personne après lui.

Pour ses domestiques, il fallait qu'ils lui baisassent les pieds tous les jours, dès qu'il fut empereur. Cela n'était que gênant, mais il fit périr Sopater & les principaux officiers de fa maison. Cela eft plus dur. A l'égard de fon fils Crifpus, on fait affez qu'il lui fit couper la tête fans autre forme de procès. Sa femme Faufta il la fit étouffer dans un bain. Ses trois frères illes tint long-temps en exil à Toulouse; il ne les tua pas, mais fon fils, l'empereur Conftantin II, en tua deux. Pour fon neveu Lucinien, il ne le manqua pas; il le fit affaffiner à l'âge de douze ans. Son beaufrère Licinius, il le fit étrangler après avoir dîné avec lui dans Nicomédie, & lui avoir fait ferment de le traiter en frère. Son autre beau-frère Baffien, il était déjà expédié avant Licinius. Son beau-père Maximien Hercule, ce' fut le premier dont il fe défit à Marseille, fur le prétexte spécieux que ce beau-père accablé de vieilleffe venait l'affaffiner dans fon lit. Mais il faut bien pardonner cette multitude de fratricides & de parricides à un homme qui tint le concile de Nicée, & qui d'ailleurs paffait ses jours dans la molesse la plus voluptueuse. Comment ne pas le révérer, après que Fefu-Chrift lui-même lui envoya un étendard dans les nuées; après que l'Eglife l'a mis au rang des faints,

& qu'on célèbre encore fa fête le 21 mai chez les pauvres grecs de Constantinople, & dans les églises ruffes.

Avant d'examiner fon concile de Nicée, il faut dire un mot de fon fameux Labarum qui lui le ciel. C'eft une aventure très-curicuse.

CHAPITRE

Du Labarum.

apparut dans

X VI I.

CE n'eft pas ici le lieu de faire une histoire suivie & détaillée de Conftantin, quoique les déclamations puèriles d'Eusèbe, la partialité de Zonare, & de Zozime, leur inexactitude, leurs contrariétés, & la foule de leurs infipides copistes, femblent exiger que la raison écrive enfin cette hiftoire fi long-temps défigurée par la démence & le pédantifme.

Nous n'avons ici d'autre objet que le labarum. C'était un figne militaire qui fervait de ralliement, tandis que les aigles romaines étaient la principale enseigne de l'armée. Conftantin s'étant fait proclamer céfar chez nous par quelques cohortes, fortit vîte de notre île pour aller difputer le trône à Maxence fils de l'empereur Maximien Hercule encore vivant. Maxence avait été élu par le fénat romain, par les gardes prétoriennes & par le peuple. Conftantin leva une armée dans les Gaules. Il y avait dans cette armée un trèsgrand nombre de chrétiens attachés à fon père. JefuChrift, foit par reconnaissance, foit par politique, lui

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