Page images
PDF
EPUB

qui fourmillent entre Matthieu, Marc, Luc, Jean, & cinquante autres évangéliftes. Voyons ce qui se passa après la mort de Jefu.

CHAPITRE VII.

Des difciples de Jefu.

UN homme fenfé ne peut voir dans ce Juif qu'un

paysan un peu plus éclairé que les autres, quoiqu'il foit incertain s'il favait lire & écrire. Il eft vifible que fon feul but était de faire une petite fecte dans la populace des campagnes, à-peu-près comme l'ignorant & le fanatique Fox en établit une parmi nous laquelle a eu depuis des hommes très-estimables.

Tous deux prêchèrent quelquefois une bonne morale. La plus vile canaille jetterait des pierres en tout pays à quiconque en prêcherait une mauvaise. Tous deux déclamèrent violemment contre les prêtres de leurs temps. Fox fut pilorié, & Jefu fut pendu. Ce qui prouve que nous valons mieux que les Juifs.

Jamais ni Jefu ni Fox ne voulurent établir une religion nouvelle. Ceux qui ont écrit contre Jefu ne l'en ont point accufé. Il eft vifible qu'il fut foumis à la loi mofaïque depuis fa circoncifion jusqu'à sa

mort.

Ses difciples, ulcérés du fupplice de leur maître, ne purent s'en venger, ils fe contentèrent de crier contre l'injuftice de ses affaffins, & ils ne trouvèrent d'autre manière d'en faire rougir les pharifiens & les fcribes que de dire que DIEU l'avait reffufcité. Il est

vrai que cette impofture était bien groffière; mais ils la débitaient à des hommes groffiers, accoutumés à croire tout ce qu'on inventa jamais de plus abfurde; comme les enfans croient toutes les hiftoires de revenans & de forciers qu'on leur raconte.

Matthieu a beau contredire les autres évangéliftes, en difant que Jefu n'apparut que deux fois à fes difciples après fa réfurrection; Marc a beau contredire Matthieu, en difant qu'il apparut trois fois; Jean a beau contredire Matthieu & Marc, en parlant de quatre apparitions; envain Luc dit que Jefu dans fa dernière apparition, mèna fes difciples jufqu'en Béthanie, & là monta au ciel en leur présence, tandis que Jean dit que ce fut dans Jérufalem; en vain l'auteur des Actes des apôtres affure-t-il que ce fut fur la montagne des oliviers, & que Jefu étant monté au ciel, deux hommes vêtus de blanc en defcendirent, pour , pour leur certifier qu'il reviendrait. Toutes ces contradictions, qui frappent aujourd'hui des yeux attentifs, ne pouvaient être connus des premiers chrétiens. Nous avons déjà remarqué que chaque petit troupeau avait fon évangile à part: on ne pouvait comparer; & quand même on l'aurait pu, penfe-t-on que des efprits prévenus & opiniâtres auraient examiné ? Cela n'eft pas dans la nature humaine. Tout homme de parti voit dans un livre ce qu'il y veut voir.

Ce qui eft certain, c'est qu'aucun des compagnons de Jefu ne fongeait alors à faire une religion nouvelle. Tous circoncis & non baptifés, à peine le St Esprit était-il defcendu fur eux en langues de feu dans un grenier, comme il a coutume de defcendre, & comme il eft rapporté dans le livre des actions des apôtres ;

à peine eurent-ils converti en un moment dans Jérufalem trois mille voyageurs qui les entendaient parler toutes leurs langues étrangères, lorfque ces apôtres leur parlaient dans leurs patois hébreu ; à peine enfin étaient-ils chrétiens, qu'auffitôt ces compagnons de Jefu vont prier dans le temple juif, où Jefu allait lui-même. Ils paffaient les jours dans le temple, perdurantes in templo. (n) Pierre & Jean montaient au temple pour être à la prière de la neuvième heure. Petrus (o) & Johanes afcendebant in templum ad horam

orationis nonam.

Il eft dit dans cette hiftoire étonnante des actions des apôtres, qu'ils convertirent & qu'ils baptifèrent trois mille hommes en un jour, & cinq mille en un autre. Où les menèrent-ils baptifer? dans quel lac les plongèrent-ils trois fois felon le rite juif? La rivière du Jourdain, dans laquelle feule on baptifait, eft à huit lieues de Jérufalem. C'était-là une belle occafion d'établir une nouvelle religion à la tête de huit mille enthousiastes: cependant ils n'y fongèrent pas. L'auteur avoue que les apôtres ne pensaient qu'à amaffer de l'argent. Ceux qui poffédaient des terres & des maifons les vendaient, & en apportaient le prix aux pieds des apôtres.

Si l'aventure de Saphira & d'Anania était vraie, il fallait, ou que tout le monde frappé de terreur embraffât fur le champ le chriftianisme en frémissant ou que le fanhédrin fît pendre les douze apôtres comme des voleurs & des affaffins publics.

[ocr errors]

On ne peut s'empêcher de plaindre cet Anania & cette Saphira, tout deux exterminés l'un après l'autre, (n) Ades des apôt. chap. II. (0) Chap. III.

& mourant fubitement d'une mort violente (quelle qu'elle pût être) pour avoir gardé quelques écus qui pouvaient fubvenir à leurs besoins, en donnant tout leur bien aux apôtres. Milord Bolingbroke a bien raison de dire que la première profession de foi qu'on attribue à cette fecte appelée depuis l'onguent, (p) ou christianifme, eft: Donne-moi tout ton bien ou je vais te donner la mort! Cell donc là ce qui a enrichi tant de moines aux dépens des peuples, c'est donc là ce qui a élevé tant de tyrannies fanguinaires!

Remarquons toujours qu'il n'était pas encore queftion d'établir une religion différente de la loi mofaïque ; que Jefu né juif était mort juif; que tous les apôtres étaient juifs, & qu'il ne s'agiffait que de favoir fi Jesu avait été prophète ou non.

Une auffi étonnante révolution que celle de la fecte chrétienne dans le monde, ne pouvait s'opérer que par degrés ; & pour paffer de la populace juive, fur le trône des Céfars, il fallut plus de trois cents

trente années.

CHAPITRE VIII.

De Saul dont le nom fut changé en Paul.

LE premier qui fembla profiter de la tolérance extrême

des Romains envers toutes les religions, pour commencer à donner quelque forme à la nouvelle fecte des galiléens, eft ce Saul-Paul, qui fe dit une fois citoyen

(p) Chrift fignifie oint; christianisme, onguent.

romain, & qui, felon Hyéronime ou Jérome, était natif du village de Gifcala en Galilée. On ne fait pourquoi il changea fon nom de Saul en Paul. St Jérome, dans fon commentaire de l'épître de Paul à Philémon, dit que ce mot de Paul fignifie l'embouchure de la flûte, mais il paraît qu'il battait le tambour contre Jefu & fa troupe. Saul était alors petit valet du docteur Gamaliel, fucceffeur d'Hillel, & l'un des chefs du fanhédrin. Paul apprit sous fon maître un peu de fatras rabinique. Son caractère était ardent, hautain fanatique & cruel. Il commença par lapider le nazaréen Etienne, partifan de Jefu le crucifié; & il eft marqué dans les actions des apôtres, qu'il gardait les manteaux des juifs, qui, comme lui, affommaient Etienne à coups de pierres.

[ocr errors]

Abdias l'un des premiers difciples de Jefu, & prétendu évêque de Babylone, (comme s'il y avait eu alors des évêques) affure dans fon hiftoire apoftolique que St Paul ne s'en tint pas à l'affaffinat de S Etienne, & qu'il affaffina encore S'Jacques le mineur, Oblia, ou le Jufte, propre frère de Jefu, que l'ignorance fait premier évêque de Jérusalem. Rien n'est plus vraisemblable que ce meurtre nouveau fut commis par Saul, puifque le livre des actions des apôtres dit expreffément que Saul refpirait le fang & le carnage. chap. 9. 1er. v.

Il n'y a qu'un fanatique insensé ou qu'un fripon très-mal-adroit qui puiffe dire que Saul - Paul tomba de cheval pour avoir vu de la lumière en plein midi; que Jefu-Chrift lui cria du milieu d'une nue: Saul, Saul, pourquoi me perfécutes-tu ? & que Saul changea vîte fon nom en Paul, & de Juif perfécuteur & battant

« PreviousContinue »